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mercredi 3 juillet 2024

Marcel Proust : à l'ombre des jeunes filles en fleurs livres 1 et 2

 

A l'ombre des jeunes filles en fleurs est le seul livre de Proust que j’ai lu quand j'étais adolescente  et j’avoue que si je suis  allée jusqu’au bout du roman je n’ai pas eu envie de le lire la suite.
Et voilà que l’ennui recommence avec la première partie et le début de la seconde partie de A l'ombre des jeunes filles alors que j’ai tant aimé Combray dans du côté de chez Swann ! J'expliquerai pourquoi certains passages m'ont ennuyée.


                                                                               LIVRE  1

Claude Monet
 

Dans les livres 1 et 2 de A l’ombre des jeunes filles en fleurs, le lecteur fait la connaissance, chez les parents de Marcel, de monsieur de Norepois, noble, ministre puis ambassadeur, occasion pour Marcel Proust de brosser le portrait de l’homme politique, conservateur, routinier, imbu de lui-même, qui a une opinion sur tout, un type d’homme qui est semblable dans tous les gouvernements, dit-il, et dans toutes les chancelleries.

« Je démêlai seulement que répéter ce que tout le monde pensait n’était pas en politique une marque d’infériorité mais de supériorité »
Le père de Marcel cultive cette amitié car il souhaite que son fils entre dans la diplomatie, ce que Marcel refuse obstinément.
Il y a un passage fort intéressant, à propos de Monsieur de Norepois, en ce qui concerne les classes aristocratiques, qui  m’a rappelé ce qu’en disait Laure Murat dans son Livre, Proust, roman familial.

 «   C’est d’abord parce qu’une certaine aristocratie, élevée dès l’enfance à considérer son nom comme un avantage intérieur que rien ne peut lui enlever (et dont ses pairs, ou ceux qui sont de naissance plus haute encore, connaissent assez exactement la valeur), sait qu’elle peut s’éviter, car ils ne lui ajouteraient rien, les efforts que sans résultat ultérieur appréciable font tant de bourgeois pour ne professer que des opinions bien portées et ne fréquenter que des gens bien pensants. En revanche, soucieuse de se grandir aux yeux des familles princières ou ducales au-dessous desquelles elle est immédiatement située, cette aristocratie sait qu’elle ne le peut qu’en augmentant son nom de ce qu’il ne contenait pas, de ce qui fait qu’à nom égal, elle prévaudra : une influence politique, une réputation littéraire ou artistique, une grande fortune. Et les frais dont elle se dispense à l’égard de l’inutile hobereau recherché des bourgeois et de la stérile amitié duquel un prince ne lui saurait aucun gré, elle les prodiguera aux hommes politiques, fussent-ils francs-maçons, qui peuvent faire arriver dans les ambassades ou patronner dans les élections, aux artistes ou aux savants dont l’appui aide à « percer » dans la branche où ils priment, à tous ceux enfin qui sont en mesure de conférer une illustration nouvelle ou de faire réussir un riche mariage. »
 

Marcel Proust rejoint l’analyse de Balzac sur la haute aristocratie et les trois moyens de s’y faire admettre : un influence politique, une réputation littéraire ou artistique, une grande fortune.

Les évènements de l'époque, politiques ou sociaux, apparaissent, la crainte de la guerre avec l'Allemagne, la venue du tsar Nicolas II en France, l'affaire Dreyfus mais très rapidement. Ce n'est jamais développé. Madame Verdurin, quant à elle,  s'est fait installer l'électricité, signe de richesse.

 A titre personnel, un grand évènement survient dans la vie de Marcel qui témoigne de la vie culturelle à Paris.  Il est enfin autorisée à aller voir la Berma qui interprète Phèdre  et s’y rend avec sa grand mère. La Berma aurait pour modèle Réjane et Sarah Bernhardt. Pourtant ce qu’il avait tant souhaité, ce qu’il avait imaginé avec tant d’acuité, ne se révèle pas à la mesure de son imagination.

 

Réjane

« Sans doute, tant que je n’eus pas entendu la Berma, j’éprouvai du plaisir » mais dès qu’elle est sur scène le plaisir cesse car dans sa quête de la réalité le jeune homme ne parvient pas à cerner la vérité et à apprécier ce qu’il voit. Comme d’habitude, Marcel vit plus intensément ce qui est imaginaire que ce qui est réel.

 

Le temps

 

Marcel Proust enfant

La notion du Temps va prendre de plus en plus d'importance dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs. 

Proust part du constat que nous avons tous éprouvé :« Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique ; les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit.

Marcel prend conscience qu'il n'échappe pas à la règle et qu'il est soumis au temps, que lui aussi vieillit alors qu'il considérait jusque là qu'il se tenait au seuil de son existence qui n'avait pas encore commencé.

Théoriquement on sait que la terre tourne, mais en fait on ne s’en aperçoit pas, le sol sur lequel on marche semble ne pas bouger et on vit tranquille. Il en est ainsi du Temps dans la vie.  En disant de moi : « Ce n’est plus un enfant, ses goûts ne changeront plus, etc. », mon père venait tout d’un coup de me faire apparaître à moi-même dans le Temps..."

 Il y a toujours, dans la Recherche, deux temps qui se superposent, le passé de Marcel et son présent, deux personnages qui se répondent au-delà des années, l'un, jeune, encore naïf, et qui souvent subit les évènements, l'autre plus âgé qui juge et fait preuve d'un esprit critique aiguisé. C’est bien sûr le Marcel écrivain qui parle ainsi. Le jeune Marcel est observateur et réfléchi, il est tout de même sous la coupe de ce Norepois, beau parleur. Celui-ci encourage le jeune homme à devenir écrivain mais lui confirme son manque de talent littéraire en critiquant ses vers et en portant un jugement négatif sur le fameux Bergotte dont la prose est trop mièvre à son goût et qui, surtout, n'a pas les mêmes opinions politiques que lui.

Mais le Temps effectue aussi des changements dans les personnages de La Recherche. Et c'est le privilège du romancier de montrer que rien n'est jamais immuable, figé et stable, que les gens évoluent, sont en mouvement dans le temps qui les façonne à sa guise, selon les évènements,  les expériences auxquelles ils sont soumis. "Il y a autant de différence de nous à nous-même que de nous à autrui", disait déjà Montaigne. 

Et pour rendre sa fuite sensible, les romanciers sont obligés, en accélérant follement les battements de l’aiguille, de faire franchir au lecteur dix, vingt, trente ans, en deux minutes. Au haut d’une page on a quitté un amant plein d’espoir, au bas de la suivante on le retrouve octogénaire, accomplissant péniblement dans le préau d’un hospice sa promenade quotidienne, répondant à peine aux paroles qu’on lui adresse, ayant oublié le passé.

Ainsi dans cette première partie, on retrouve Swann marié à Odette et qui est devenu un personnage bien différent de celui que nous connaissions à Combray. Alors qu’avant il se piquait de ne pas évoquer ses connaissances aristocratiques par délicatesse pour épargner les susceptibilités de ses amis, le voilà qui se vante de ses moindres relations et devient « un vulgaire esbrouffeur » quand il reçoit des personnages moins haut placés que ceux qu’il fréquentait jadis mais qui témoignent de la réussite de sa femme.  Ce changement si étonnant s’explique parce qu’il est devenu « le mari d’Odette » mais, nous dit Proust, plus largement,  il s’agit d’une vérité « applicable à l’humanité en général »  : .

« Swann empressé avec ces nouvelles relations et les citant avec fierté, était comme ces grands artistes modestes ou généreux qui, s’ils se mettent à la fin de leur vie à se mêler de cuisine ou de jardinage, étalent une satisfaction naïve des louanges qu’on donne à leurs plats ou à leurs plates-bandes pour lesquels ils n’admettent pas la critique qu’ils acceptent aisément s’il s’agit de leurs chefs-d’œuvre ; ou bien qui, donnant une de leurs toiles pour rien, ne peuvent en revanche sans mauvaise humeur perdre quarante sous aux dominos ».

C’est là que nous apprenons pourquoi Swann qui n’aime plus Odette à la fin de Un amour de Swann l’a épousée et comment ce mariage, contre toute attente, n’est pas aussi malheureux qu’il semble l’être, chaque époux laissant à l’autre sa liberté. Swann amoureux souffrait d’une jalousie maladive, il est paisible plus parce qu’il n’aime plus et tolère les amants de sa femme, ayant lui-même des maîtresses.

Swann n’est pas le seul à avoir changé. Il en de même du docteur Cottard devenu hautain et « glacial » alors qu’il était timide et emprunté, et dont les calembours idiots qu’il continue à commettre semblent être désormais recevables depuis qu’il est reconnu comme un grand clinicien.

L'amour pour Gilberte, les conversations de salon

Jeanne Pouquet, modèle de Gilberte

Swann n’est donc plus reçu chez les parents de Marcel. Celui-ci, pourtant, toujours amoureux de Gilberte comme nous l’avions vu dans la troisième partie de Du côté des chez Swann,  cherche à se concilier les bonnes grâces du père en lui écrivant mais en vain. Gilberte lui rapporte sa lettre. Il continue à la rencontrer aux jardin des Champs Elysées où il joue aux barres avec elle et à d’autres jeux un peu plus troubles. On ne sait jamais quel âge il a réellement. Il ne sera admis chez les Swann qu’après sa maladie qui lui vaut une invitation de Gilberte. Là encore j’ai trouvé long et répétitif l’analyse de son amour, de sa jalousie, de son combat pour oublier Gilberte et en même temps de la peur qu’il a de l’oublier ! D’autant plus que l’on a l’impression que cet amour n’existe que dans sa tête, que Gilberte n’y a jamais répondu, qu’il invente ses fâcheries et que Marcel souffre parce qu’il veut souffrir !  L’imagination est toujours plus forte que la réalité pour lui même s’il s’agit d’amour. 

Finesse de l'analyse, oui, mais impression de répétition comme si la même idée était retournée une fois, deux fois et plus sans apporter d'idées nouvelles !

"...  je me disais tristement que notre amour, en tant qu’il est l’amour d’une certaine créature, n’est peut-être pas quelque chose de bien réel, puisque si des associations de rêveries agréables ou douloureuses peuvent le lier pendant quelque temps à une femme jusqu’à nous faire penser qu’il a été inspiré par elle d’une façon nécessaire, en revanche si nous nous dégageons volontairement ou à notre insu de ces associations, cet amour, comme s’il était au contraire spontané et venait de nous seuls, renaît pour se donner à une autre femme."

De même les conversations oiseuses des invités d’Odette m’ennuient :  madame Bontemps, madame Cottard et parfois l’odieuse Verdurin ! Je pensais être débarrassée de ce personnage mais pas du tout, elle est là, on parle d’elle, elle occupe la scène ! Je sais bien que Proust veut montrer le vide de ces gens-là, leur sottise, leur méchanceté et leur hypocrisie, il y parvient d’ailleurs fort bien, ce sont des êtres creux et par cela inintéressants ! J’ai l’impression que tout cela a déjà été dit dans Un amour de Swann et avec une ironie caricaturale que je trouve bien moins vivante ici.  Bref! je le répète, je m’ennuie ! 

 

L'art du portrait

 

Boticelli : Vierge du Magnificat

 

Je m'ennuie donc ! En même temps pas toujours et heureusement ! Alors que Marcel souffre d’amour et de jalousie, l’un ne va pas sans l’autre pour lui, Gilberte lui échappant et faisant preuve d’indépendance voire de dureté, il est fascinée par madame Swann, ses toilettes, son univers, ses fleurs, qui représentent toute l’élégance, tout le raffinement qu’il admire. Les portraits qu'il dresse d'elle témoigne de son sens artistique très vif  lors de magnifiques descriptions d’Odette vue par son mari comme un oeuvre d’art entre Renaissance italienne...

"Swann possédait une merveilleuse écharpe orientale, bleue et rose, qu’il avait achetée parce que c’était exactement celle de la Vierge du Magnificat. Mais Mme Swann ne voulait pas la porter. Une fois seulement elle laissa son mari lui commander une toilette toute criblée de pâquerettes, de bluets, de myosotis et de campanules d’après la Primavera du Printemps. Parfois, le soir, quand elle était fatiguée, il me faisait remarquer tout bas comme elle donnait sans s’en rendre compte à ses mains pensives le mouvement délié, un peu tourmenté de la Vierge qui trempe sa plume dans l’encrier que lui tend l’ange, avant d’écrire sur le livre saint où est déjà tracé le mot Magnificat. Mais il ajoutait : « Surtout ne le lui dites pas, il suffirait qu’elle le sût pour qu’elle fît autrement.»

et art contemporain, l'influence du peintre américain Whisler.  

 

Whisler Harmonie en rose et or
 

"Tout d’un coup, sur le sable de l’allée, tardive, alentie et luxuriante comme la plus belle fleur et qui ne s’ouvrirait qu’à midi, Mme Swann apparaissait, épanouissant autour d’elle une toilette toujours différente mais que je me rappelle surtout mauve ; puis elle hissait et déployait sur un long pédoncule, au moment de sa plus complète irradiation, le pavillon de soie d’une large ombrelle de la même nuance que l’effeuillaison des pétales de sa robe. "

 

 Des scènes de comédie

 

Adrien Proust : le père de Marcel

 Et puis, Marcel Proust fait toujours preuve d'humour et certains passages ressemblent à de véritables scènes de comédie !

Ainsi le fameux boeuf à la gelée de Françoise, moment de gloire de la servante qui triomphe avec son chef d’oeuvre. Celui-ci donne lieu à une petite scène de comédie très vive. J’aime bien dès qu’il y a Françoise dans le roman  et je cite le passage en entier tant il m'amuse ! !

"Et depuis la veille, Françoise, heureuse de s’adonner à cet art de la cuisine pour lequel elle avait certainement un don, stimulée, d’ailleurs, par l’annonce d’un convive nouveau, et sachant qu’elle aurait à composer, selon des méthodes sues d’elle seule, du bœuf à la gelée, vivait dans l’effervescence de la création ; comme elle attachait une importance extrême à la qualité intrinsèque des matériaux qui devaient entrer dans la fabrication de son œuvre, elle allait elle-même aux Halles se faire donner les plus beaux carrés de romsteck, de jarret de bœuf, de pied de veau, comme Michel-Ange passant huit mois dans les montagnes de Carrare à choisir les blocs de marbre les plus parfaits pour le monument de Jules II. Françoise dépensait dans ces allées et venues une telle ardeur que maman voyant sa figure enflammée craignait que notre vieille servante ne tombât malade de surmenage comme l’auteur du Tombeau des Médicis dans les carrières de Pietraganta. Et dès la veille Françoise avait envoyé cuire dans le four du boulanger, protégé de mie de pain comme du marbre rose, ce qu’elle appelait du jambon de Nev’York. Croyant la langue moins riche qu’elle n’est et ses propres oreilles peu sûres, sans doute la première fois qu’elle avait entendu parler de jambon d’York avait-elle cru — trouvant d’une prodigalité invraisemblable dans le vocabulaire qu’il pût exister à la fois York et New York — qu’elle avait mal entendu et qu’on aurait voulu dire le nom qu’elle connaissait déjà. Aussi, depuis, le mot d’York se faisait précéder dans ses oreilles ou devant ses yeux si elle lisait une annonce de : New qu’elle prononçait Nev’. Et c’est de la meilleure foi du monde qu’elle disait à sa fille de cuisine : « Allez me chercher du jambon chez Olida. Madame m’a bien recommandé que ce soit du Nev’York. » Ce jour-là, si Françoise avait la brûlante certitude des grands créateurs…
Le bœuf froid aux carottes fit son apparition, couché par le Michel-Ange de notre cuisine sur d’énormes cristaux de gelée pareils à des blocs de quartz transparent.

Enfin, Marcel fait connaissance chez Swann de celui qu’il admire tant, l’écrivain Bergotte et a, avec lui une longue conversation. Ce qui donne lieu à la scène suivante pleine d’humour  car les parents de Marcel n’aiment pas Bergotte dont Mr Norepois a jugé les moeurs dépravés.

Mais comme, n’eussé-je pas raconté ce que Bergotte avait dit de moi, rien ne pouvait plus quand même effacer l’impression qu’avaient éprouvée mes parents, qu’elle fût encore un peu plus mauvaise n’avait pas grande importance. D’ailleurs ils me semblaient si injustes, tellement dans l’erreur, que non seulement je n’avais pas l’espoir, mais presque pas le désir de les ramener à une vue plus équitable. Pourtant, sentant au moment où les mots sortaient de ma bouche, comme ils allaient être effrayés de penser que j’avais plu à quelqu’un qui trouvait les hommes intelligents bêtes, était l’objet du mépris des honnêtes gens, et duquel la louange en me paraissant enviable m’encourageait au mal, ce fut à voix basse et d’un air un peu honteux que, achevant mon récit, je jetai le bouquet : « Il a dit aux Swann qu’il m’avait trouvé extrêmement intelligent. » Comme un chien empoisonné qui dans un champ se jette sans le savoir sur l’herbe qui est précisément l’antidote de la toxine qu’il a absorbée, je venais sans m’en douter de dire la seule parole qui fût au monde capable de vaincre chez mes parents ce préjugé à l’égard de Bergotte, préjugé contre lequel tous les plus beaux raisonnements que j’aurais pu faire, tous les éloges que je lui aurais décernés, seraient demeurés vains. Au même instant la situation changea de face :
— Ah !… Il a dit qu’il te trouvait intelligent ? dit ma mère. Cela me fait plaisir parce que c’est un homme de talent.
— Comment ! il a dit cela ? reprit mon père… Je ne nie en rien sa valeur littéraire devant laquelle tout le monde s’incline, seulement c’est ennuyeux qu’il ait cette existence peu honorable dont a parlé à mots couverts le père Norpois, ajouta-t-il sans s’apercevoir que devant la vertu souveraine des mots magiques que je venais de prononcer la dépravation des mœurs de Bergotte ne pouvait guère lutter plus longtemps que la fausseté de son jugement.
— Oh ! mon ami, interrompit maman, rien ne prouve que ce soit vrai. On dit tant de choses. D’ailleurs, M. de Norpois est tout ce qu’il y a de plus gentil, mais il n’est pas toujours très bienveillant, surtout pour les gens qui ne sont pas de son bord.
— C’est vrai, je l’avais aussi remarqué, répondit mon père.
— Et puis enfin il sera beaucoup pardonné à Bergotte puisqu’il a trouvé mon petit enfant gentil, reprit maman tout en caressant avec ses doigts mes cheveux et en attachant sur moi un long regard rêveur.






jeudi 27 juin 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : A l'ombre des jeunes filles en fleurs : Livre 2 les Impressionnistes et l'exposition Whistler, l'effet papillon Rouen

Eugène Boudin : plage normande

 Les impressionnistes

Eugène Boudin : Etude du ciel soleil couchant


De sa chambre, Marcel observe la mer, le ciel, les nuages et ce qu'il décrit est un tableau   impressionniste.

"J’avais plus de plaisir les soirs où un navire absorbé et fluidifié par l’horizon apparaissait tellement de la même couleur que lui, ainsi que dans une toile impressionniste, qu’il semblait aussi de la même matière, comme si on n’eût fait que découper son avant et les cordages en lesquels elle s’était amincie et filigranée dans le bleu vaporeux du ciel. Parfois l’océan emplissait presque toute ma fenêtre, surélevée qu’elle était par une bande de ciel bordée en haut seulement d’une ligne qui était du même bleu que celui de la mer, mais qu’à cause de cela je croyais être la mer encore et ne devant sa couleur différente qu’à un effet d’éclairage. Un autre jour la mer n’était peinte que dans la partie basse de la fenêtre dont tout le reste était rempli de tant de nuages poussés les uns contre les autres par bandes horizontales, que les carreaux avaient l’air, par une préméditation ou une spécialité de l’artiste, de présenter une « étude de nuages », cependant que les différentes vitrines de la bibliothèque montrant des nuages semblables mais dans une autre partie de l’horizon et diversement colorés par la lumière, paraissaient offrir comme la répétition, chère à certains maîtres contemporains, d’un seul et même effet, pris toujours à des heures différentes, mais qui maintenant avec l’immobilité de l’art pouvaient être tous vus ensemble dans une même pièce, exécutés au pastel et mis sous verre. "

 

James Abbott Mc Neil Whistler

 

James Abbott Mc Neill Whistler : Harmonie gris et rose

"Et parfois sur le ciel et la mer uniformément gris, un peu de rose s’ajoutait avec un raffinement exquis, cependant qu’un petit papillon qui s’était endormi au bas de la fenêtre semblait apposer avec ses ailes, au bas de cette « harmonie gris et rose » dans le goût de celles de Whistler, la signature favorite du maître de Chelsea. Le rose même disparaissait, il n’y avait plus rien à regarder. Je me mettais debout un instant et avant de m’étendre de nouveau je fermais les grands rideaux. Au-dessus d’eux, je voyais de mon lit la raie de clarté."

Whistler signe souvent ses oeuvres d'un papillon aux ailes déployées, qui rappelle les cachets figurant sur les estampes japonaises. Métaphore de la délicatesse et de la légèreté, le papillon trouve son équivalent dans les éventails.

 

Whistler : éventail de madame Mallarmé (exposition Rouen)

 

Exposition Whistler, l'effet papillon à Rouen

 

James Abbott Whistler : Eventail en noir et rouge


Et justement pendant ce ce voyage en Normandie j'ai pu voir l'exposition consacrée au peintre américain et intitulée :  Whistler, L'effet papillon

"Du 24 mai au 22 septembre 2024, vous pourrez vous imprégner d'un phénomène artistique majeur : le Whistlerisme.
L'exposition explore effectivement un phénomène majeur de la seconde moitié du 19e siècle et du premier tiers du 20e siècle : le Whistlerisme. Ce mouvement artistique dont James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), artiste d’origine américaine, est la figure, a la particularité d'être né de son vivant et d’avoir investi la création contemporaine internationale sur une large période.
Dans toute l’Europe ainsi qu’aux États-Unis, la production croissante de paysages nocturnes et de portraits témoigne de l’importante diffusion des recherches plastiques mises en place par l’artiste. Par sa pérennité, ainsi que son vaste rayonnement, le Whistlerisme se révèle être un phénomène artistique offrant un nouveau prisme d’exploration, jalonné par différents courants tel que l’impressionnisme et le symbolisme."
 
James Abott Whistler: Harmonie en blanc et bleu

"Whistler a fondamentalement été le plus grand représentant d’une forme d’art total, si prisée alors par l’élite artiste cosmopolite, où se conjuguent poésie, musique et art de vivre. Dans cette célébration rouennaise, dandysme, japonisme, anglomanie et fascination pour le siècle d’or espagnol ainsi que pour Venise constituent quelques-unes des étapes clés d’un voyage qu’il appartient au visiteur de prolonger par son implication au cœur de la sensation."

 

James Abott Whistler : Harmonie couleur chair et rouge : japonisme
 
 

"Whistler, L’Effet papillon, ce sont aussi des salons où on écoute de la musique, où l’on respire des parfums, où l’on touche des étoffes. Le visiteur est un invité. Il goûte l’ambiance, le velouté d’une assise, les teintes tout en nuances, subtiles et rabattues, des espaces raffinés qui l’accueillent. Bords de mer, vues du Grand Canal ou de la Tamise, ce sont des miroirs évanescents, délicatement rendus par les gris, les verts et les bleus aux ombres laiteuses, par les dorés encore vaillants mais déjà vacillants des lueurs, résonances assourdies et lointaines du fracas de la ville. "

 

James Abott Whistler : Harmonie en blanc
 

"Dans ses portraits d’élégantes et de dandys, ses paysages nocturnes si précurseurs, et dans ses vues diurnes, Whistler, avec sa palette tout en sous-tonalités subtiles, exprime d’exceptionnelles qualités de coloriste." ( voir site Rouen) 


 
Le comte de Monstesquiou d'après Whistler

 
On le voit, le  monde de Whistler et par excellence celui que Marcel Proust explore dans A la recherche du temps perdu, le monde de la noblesse dont l'obsession est de paraître, de se donner à voir, sûr de sa supériorité et où le Dandy (le baron Charlus : le comte de Montesquiou ) est à la mode. Cette société cosmopolite compte parmi elle de nombreux artistes, peintres, musiciens, poètes, écrivains. Marcel Proust n'a rencontré qu'une fois Whistler qu'il admirait. Mallarmé était l'ami du peintre.


James Abott Whistler : la mère du peintre arrangement en gris et noir


Les émules de Whistler

 

Sidney Starr : Study in grey and blue


L'oeuvre de Whistler a influencé tous les artistes de l'époque, en particulier l'art du portrait : élégance du modèle, pose hiératique, rendu lumineux des étoffes, parfois présence d'un éventail. La réduction de la palette est soulignée par le titre de l'oeuvre (Harmonie en gris et rose ) qui remplace souvent l'identité du modèle. Les portraits que Marcel Proust dresse d'Odette Swan sont à la manière de Whistler.


Paul-César Helleu Alice Helleu en robe blanche


Jacques Emile Blanche : Portrait d'Henriette Chabot






jeudi 20 juin 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : A l'ombre des jeunes filles en fleurs Livre 2 La princesse du Luxembourg

Charles Giron : la parisienne aux gants
  

A Balbec, ( A l'ombre des jeunes filles en fleurs livre 2),  Marcel et sa grand mère ont retrouvé la marquise de Villeparisis qui, au cours d'une promenade, les présente à la princesse du Luxembourg, "sa première altesse" dira d'elle Marcel.  L'une des caractéristiques de la noblesse que Marcel Proust met souvent en valeur dans La Recherche est son affectation de simplicité et de modestie qui cache évidemment sa prétention à la supériorité. La sottise de la princesse du Luxembourg qui provoque le rire ici tient à une question de dosage. Dans sa magnanime simplicité la princesse ne parvient pas à évaluer, entre animaux et enfants en bas âge, à quel degré dans l'échelle sociale elle doit situer Marcel et sa grand mère, tout à tour traités comme "un bébé avec sa nounou" ou comme "deux bêtes sympathiques" du Jardin d'Acclimation !  La princesse de Luxembourg est un des portraits à charge de la noblesse  tel que nous avions déjà rencontré dans Du côté de chez Swann et dans lequel Marcel Proust exerce son talent de caricaturiste, son humour malicieux qu'il met au service, peut-être aussi, d'une vengeance envers tous ceux qui lui ont montré de la condescendance !

 "Cependant la princesse de Luxembourg nous avait tendu la main et, de temps en temps, tout en causant avec la marquise, elle se détournait pour poser de doux regards sur ma grand’mère et sur moi, avec cet embryon de baiser qu’on ajoute au sourire quand celui-ci s’adresse à un bébé avec sa nounou. Même dans son désir de ne pas avoir l’air de siéger dans une sphère supérieure à la nôtre, elle avait sans doute mal calculé la distance, car, par une erreur de réglage, ses regards s’imprégnèrent d’une telle bonté que je vis approcher le moment où elle nous flatterait de la main comme deux bêtes sympathiques qui eussent passé la tête vers elle, à travers un grillage, au Jardin d’Acclimatation. Aussitôt du reste cette idée d’animaux et de Bois de Boulogne prit plus de consistance pour moi. C’était l’heure où la digue est parcourue par des marchands ambulants et criards qui vendent des gâteaux, des bonbons, des petits pains. Ne sachant que faire pour nous témoigner sa bienveillance, la princesse arrêta le premier qui passa ; il n’avait plus qu’un pain de seigle, du genre de ceux qu’on jette aux canards. La princesse le prit et me dit : « C’est pour votre grand’mère. » Pourtant, ce fut à moi qu’elle le tendit, en me disant avec un fin sourire : « Vous le lui donnerez vous-même », pensant qu’ainsi mon plaisir serait plus complet s’il n’y avait pas d’intermédiaires entre moi et les animaux. D'autres marchands s’approchèrent, elle remplit mes poches de tout ce qu’ils avaient, de paquets tout ficelés, de plaisirs, de babas et de sucres d’orge. Elle me dit : « Vous en mangerez et vous en ferez manger aussi à votre grand’mère » et elle fit payer les marchands par le petit nègre habillé en satin rouge qui la suivait partout et qui faisait l’émerveillement de la plage. Puis elle dit adieu à Mme de Villeparisis et nous tendit la main avec l’intention de nous traiter de la même manière que son amie, en intimes, et de se mettre à notre portée. Mais cette fois, elle plaça sans doute notre niveau un peu moins bas dans l’échelle des êtres, car son égalité avec nous fut signifiée par la princesse à ma grand’mère au moyen de ce tendre et maternel sourire qu’on adresse à un gamin quand on lui dit au revoir comme à une grande personne. Par un merveilleux progrès de l’évolution, ma grand’mère n’était plus un canard ou une antilope, mais déjà ce que Mme Swann eût appelé un « baby";

 

 



dimanche 16 juin 2024

PAUSE Normandie : Giverny

Giverny : La maison de Claude Monet
 

Je suis toujours en train de visiter la Normandie !  Quelle belle région ! C'est un régal ! Et bien sûr je me suis arrêtée à Giverny pour voir la maison de Monet et ce fameux jardin qu'Aifelle me donnait envie de voir en publiant des images dans son blog ! Et voilà, la visite est faite et la beauté était bien au rendez-vous !



"Monet s’installa à Giverny en 1883. Il transforma inlassablement un domaine délaissé en un chef d’oeuvre floral, inspiration de nombre de ses plus grands chefs d’oeuvre.

Peintre en son jardin, Monet l’était aussi de par le monde, et s’éloignait pour de longues campagnes de peinture. Mais il n’était en réalité jamais très loin. De par ses lettres, il veillait de près sur sa famille et sur ses fleurs. Les visites fréquentes de ses amis et admirateurs firent de Giverny le centre de son existence. Jusqu’à sa mort en 1926, le peintre, le père, le jardinier et l’homme ne quittèrent en somme jamais Giverny. " (site ici)










 
 
 

 
 

 
 

 
 

 
 








jeudi 13 juin 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : A l'ombre des jeunes filles en fleurs Livre 2 Les boules de neige

 

 Pendant mon voyage en Normandie,  je vous laisse avec ce beau texte de Proust ( A l'ombre des jeunes files en fleurs livre 2) dans lequel la femme, ici Odette Swann, est à la fois paysage avec "les névés du manchon" semblables à "des carrés de neige de l'hiver" et fleur avec les "boules de neige" "aux globes blancs comme des anges annonciateurs". On voit combien le vocabulaire religieux est important puisqu'il évoque à la fois l'Annonciation et le Vendredi saint, Odette parée de blanches hermines devenant dans l'imagination du jeune homme un symbole de pureté dans son salon "virginal" et "candidement fleuri". On notera aussi l'importance des odeurs : "de citron", "parfum acide et capiteux" qui permet la remontée du souvenir par la sollicitation de l'odorat et entraînent donc la résurrection de la mémoire, la promenade à Combray, du côte de chez Swann, qui était si chère à Marcel.

Quand le printemps approcha, ramenant le froid, au temps des Saints de glace et des giboulées de la Semaine Sainte, comme Mme Swann trouvait qu’on gelait chez elle, il m’arrivait souvent de la voir recevant dans des fourrures, ses mains et ses épaules frileuses disparaissant sous le blanc et brillant tapis d’un immense manchon plat et d’un collet, tous deux d’hermine, qu’elle n’avait pas quittés en rentrant et qui avaient l’air des derniers carrés des neiges de l’hiver plus persistants que les autres, et que la chaleur du feu ni le progrès de la saison n’avaient réussi à fondre. Et la vérité totale de ces semaines glaciales mais déjà fleurissantes, était suggérée pour moi dans ce salon, où bientôt je n’irais plus, par d’autres blancheurs plus enivrantes, celles, par exemple, des « boules de neige » assemblant au sommet de leurs hautes tiges nues comme les arbustes linéaires des préraphaélites, leurs globes parcellés mais unis, blancs comme des anges annonciateurs et qu’entourait une odeur de citron.

 


 

Car la châtelaine de Tansonville savait qu’avril, même glacé, n’est pas dépourvu de fleurs, que l’hiver, le printemps, l’été, ne sont pas séparés par des cloisons aussi hermétiques que tend à le croire le boulevardier qui jusqu’aux premières chaleurs s’imagine le monde comme renfermant seulement des maisons nues sous la pluie. Que Mme Swann se contentât des envois que lui faisait son jardinier de Combray, et que par l’intermédiaire de sa fleuriste « attitrée » elle ne comblât pas les lacunes d’une insuffisante évocation à l’aide d’emprunts faits à la précocité méditerranéenne, je suis loin de le prétendre et je ne m’en souciais pas. Il me suffisait pour avoir la nostalgie de la campagne, qu’à côté des névés du manchon que tenait Mme Swann, les boules de neige (qui n’avaient peut-être dans la pensée de la maîtresse de la maison d’autre but que de faire, sur les conseils de Bergotte, « symphonie en blanc majeur » avec son ameublement et sa toilette) me rappelassent que l’Enchantement du Vendredi Saint figure un miracle naturel auquel on pourrait assister tous les ans si l’on était plus sage, et aidées du parfum acide et capiteux de corolles d’autres espèces dont j’ignorais les noms et qui m’avait fait rester tant de fois en arrêt dans mes promenades de Combray, rendissent le salon de Mme Swann aussi virginal, aussi candidement fleuri sans aucune feuille, aussi surchargé d’odeurs authentiques, que le petit raidillon de Tansonville.  


James A. Whitsler




jeudi 6 juin 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : A l'ombre des jeunes filles en fleurs Livre 2 L'aquarium

Claude Monet : Hôtel à Trouville
 

 

La première partie de A l'ombre des jeunes filles en fleurs que je viens de terminer, m'ayant passablement ennuyée, j'ai abandonné le Jeudi avec Marcel Proust. Mais depuis que je suis arrivée à Balbec, je revis et me délecte de la description et de l'analyse de cette société aristocratique ou bourgeoise en vacances, imbue d'elle-même, de ses prérogatives, de ses supériorités que Marcel Proust décortique et épingle pour reprendre son expression comme un " écrivain " ou "quelque amateur d’ichtyologie humaine".

"Pendant de longs après-midi, la mer n’était suspendue en face d’eux que comme une toile d’une couleur agréable accrochée dans le boudoir d’un riche célibataire, et ce n’était que dans l’intervalle des coups qu’un des joueurs, n’ayant rien de mieux à faire, levait les yeux vers elle pour en tirer une indication sur le beau temps ou sur l’heure, et rappeler aux autres que le goûter attendait. Et le soir ils ne dînaient pas à l’hôtel où les sources électriques faisant sourdre à flots la lumière dans la grande salle à manger, celle-ci devenait comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l’ombre, s’écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans des remous d’or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger). En attendant, peut-être parmi la foule arrêtée et confondue dans la nuit y avait-il quelque écrivain, quelque amateur d’ichtyologie humaine, qui, regardant les mâchoires de vieux monstres féminins se refermer sur un morceau de nourriture engloutie, se complaisait à classer ceux-ci par race, par caractères innés et aussi par ces caractères acquis qui font qu’une vieille dame serbe dont l’appendice buccal est d’un grand poisson de mer, parce que depuis son enfance elle vit dans les eaux douces du faubourg Saint-Germain, mange la salade comme une La Rochefoucauld."  

 

Ichtyosaurus
 

J'adore cette métaphore filée qui court tout au long de ce  texte, là, dans cette grande salle à manger où la lumière électrique devient eau : les "sources" "sourdre" "les flots " les remous d'or"... ce qui amène la comparaison avec un "aquarium" puis avec des poissons et des mollusques que l'ichtyologue (ou l'écrivain... Proust, bien sûr) se plaît à étudier et à classer par espèces!  Et que dire de cette femme dont l'appendice buccal est celle d'un grand poisson. On pense en lisant ces mots aux fossiles marins, à ces  poissons des grands fonds de disparus depuis des millénaires ? Cette image peint le statut de l'aristocratie française, fossilisée, refusant d'évoluer, conservatrice, mais qui s'accroche au pouvoir. Les caractères acquis "dans les eaux douces du faubourg Saint Germain",  ont permis à cette femme-poisson étrangère d'acquérir la distinction de la grande aristocratie (elle mange sa salade comme une La Rochefoucauld), une très indispensable compétence qui souligne le caractère superficiel et la vacuité de cette classe sociale tout occupée à paraître, ressuscitant ainsi les vieux "monstres marins" que l'on pouvait croire disparus à travers toutes les révolutions qui ont marqué la France. Non que Proust soit un révolutionnaire, loin de là ! Il est fils de la grande bourgeoisie et assez snob quand il était jeune pour désirer être introduit dans cette société mais il est trop intelligent et observateur pour être dupes longtemps. Je me répète mais il faut lire le roman de Laure Murat, Proust, un roman familial ! C'est tellement vrai, tellement juste ! Je comprends que lorsqu'elle lisait ce passage de Proust, elle pensait à sa famille !

Enfin, merveilleuse et très forte aussi cette continuation de la métaphore de l'aquarium qui permet de confronter comme en l'effleurant, sans avoir l'air d'y toucher, - c'est le rôle des parenthèses - la vie des pauvres à celle luxueuse des riches et d'en souligner l'injustice avec les termes "s'écrasaient"  et avec l'antithèse entre la lumière (les riches parés d'or) et  l'absence de lumière (les pauvres) : "Obscurs", "l'ombre", "invisibles" "la nuit"...  injustice qui n'est pas sans dangers.*  Quitte à être des poissons autant qu'ils servent à quelque chose !  (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger)


* Je lis dans le Nouvel Obs que cette remarque a été rajoutée par Proust après la révolution russe d'Octobre 1917




lundi 3 juin 2024

Stockholm : Gamla Stan, La vieille ville, Musée Nobel et cathédrale Storkyrkan

 

Gamla Stan : la vieille cité

C’est dans  Gamla Stan, la vieille ville, envahie par les touristes et les boutiques de souvenirs,  sur une petite île qu’est née l'ancienne cité de  Stockholm il y a sept cents ans. Là, s'élève le palais royal (Kungliga Slottet), le musée Nobel sur la Stortorget, grand place sur laquelle se dressent de vieilles maisons jaunes et ocres à haut pignon. 

 

Gamla Stan : le palais royal

 

Place  de Gamla Stan :  Stortorget

Musée Nobel


Musée du Prix Nobel


Nous n’avions pas visité le musée Nobel lors de notre première visite et nous l'avons vu cette fois :

 

 


 

 Panneaux des lauréats récents, souvenirs laissés par chacun dans des  vitrines, manuscrits, documents, vidéos,  coins scientifiques pour les enfants et les différentes disciplines primées interprétées par de grands couturiers.

 

Prix Nobel de physiologie et pathologie Robert Barany

 

Prix Nobel d'économie  de Herbert Asimon

 

Souvenirs : manuscrit de Jon Fosse
 

Interprétation de la chimie par un grand couturier

 

Interprétation de la littérature par un grand couturier

 

 La Storkykan : La Grande Eglise ou La cathédrale Saint Nicolas

 

Storkyrkan : nef centrale

Mais ce que j’ai préféré dans la Gamla Stan, c’est la cathédrale Storkykan.  Celle-ci fut fut fondée en même temps que le palais royal au XII siècle et soumise à de nombreux remaniements, rebâtie en gothique flamboyant au XV siècle après un incendie .


Storkyrkan :voûtes gothiques


Storkyrkan : Orgue


Chaire baroque


Storkyrkan : cierges

 

 Saint Georges : une oeuvre gothique du XV siècle de Bernt Notke.

 

Stirkyrkan : Sainte Elya Georges et le dragon

Avec  quelques oeuvres étonnantes comme cette statue en bois de Saint Georges  qui terrasse le dragon sous les yeux de la princesse Elya et qui donne l'impression de mouvement et de force. Offerte en 1489 à la Suède après la victoire sur les Danois par un artiste de Lubeck, Bernt Notke. Cette oeuvre gothique symbolise la Suède combattant pour son indépendance sur le Danemark.


Storkyrkan : Saint Georges terrassant le dragon



Storkyrkan : Saint Georges terrassant le dragon (détail)


Storkyrkan : Saint Georges (détail)


Storkyrkan : Saint Georges terrassant le dragon : Sainte Elya


Storkyrkan : Sainte Elya (détail)

Le jugement dernier : une oeuvre baroque de David Klöcker von Ehrenstrahl de 1696


Storkyrkan : le jugement dernier (détail)David Klöcker von Ehrenstrahl de 1696
 
 
 
Storkyrkan :le jugement dernier (détail)

 
 
Storkyrkan :le jugement dernier (détail)



Storkyrkan :le jugement dernier (détail)



Storkyrkan : le jugement dernier David Klöcker von Ehrenstrahl de 1696



Phénomène céleste : les Parhélies


Vädersolstavlan  “ temps du soleil ” : parhélie


Un petit tableau peint en 1630 :  Vädersolstavlan  -“ temps du soleil ”- témoigne d'un phénomène optique constaté en 1535 au cours duquel six halos de lumière ont illuminé le ciel de Stockholm. Les religieux s'emparèrent de ce phénomène et firent peindre le tableau pour effrayer les mécréants. (guide Le routard). En effet, ce phénomène inexplicable à l'époque pouvait figurer la colère de Dieu, annonciateur de catastrophes et de punitions divines.
 
 
 
Vädersolstavlan  :  “ temps du soleil ”

 
Ce tableau représente la première représentation de la ville.

 
 
 
 
 "Un parhélie :  le mot est issu du grec ancien παρά [para], "auprès", et ἥλιος [hélios], "soleil ",  également appelé « faux soleil », « soleil double », « œil de bouc » ou « chiens du soleil ».

Ce phénomène est observé surtout dans les pays nordiques quand des halos multiples apparaissent lorsque la lumière du soleil se reflète dans des cristaux de glace suspendus dans les nuages. 
 
Titre du journal : Halo, phénomène optique autour du Soleil avec des anneaux colorés ou incolores (et parfois pilier), a été aperçu à de nombreux endroits à Stockholm le week-end dernier.