Le jardin de Max et de Gardénia est un livre pour la jeunesse publié dans la collection Facettes chez Hatier destiné à être étudié en classe de CE2. Effectivement la lecture de ce livre pour des enfants de cet âge serait peut-être un peu ardue sans l'aide d'un enseignant ou d'un parent. Par contre il me paraît très riche pour l'exploitation pédagogique.
Le texte de Fred Bernard raconte l'histoire de Max, un petit chat qui vit dans un jardin modeste et a pour amie une souris, Gardénia, plus "responsable" que lui puisqu'elle est déjà grand-mère. Elle veille sur lui. Au fond du jardin, un mur interdit, le mur de tous les dangers, gardé jalousement par le terrible C.N.D.M, le Chat Noir Du Mur. Mais le jour où la maman de Max est enlevée par deux monstres velus, Max se précipite à sa suite et, accompagnée de la fidèle souris, se lance dans de folles aventures. Quels dangers affrontera-t-il de l'autre côté du mur? Rassurons-nous, l'histoire est résolument optimiste et finira bien.
Le récit est initiatique et présente la structure du conte traditionnel : Max, le petit chat, est heureux quand un évènement survient qui crée un manque : la disparition de sa mère. Pour réparer le manque, Max est obligé de partir, franchit le mur, bravant l'interdit. Il rencontre au cours de sa quête des personnages qui lui viennent en aide. Grâce à son courage et à ses adjuvants, Gardénia la petite souris, le chat noir, le chien rouge, le lapin carnivore ... il triomphe du méchant et peut retourner chez lui en ayant gagné en maturité. Le thème de l'interdit que l'on doit transgresser pour mieux atteindre l'âge adulte est donc primordial ici.
On voit aussi -et les enfants y seront très sensibles- que le récit s'apparente au genre "policier" : des animaux disparaissent. Une enquête a lieu qui mène à la découverte d'un parc et d'un château mystérieux. Le détective Max et ses auxiliaires affrontent toutes sortes de dangers avant d'élucider le mystère. Chemin faisant, des liens solides se nouent entre tous les personnages. Nous avons tous les ingrédients du club des cinq chez les animaux!
Les thèmes de l'amitié et de la solidarité sont très forts. Max n'arriverait pas à retrouver sa maman sans l'aide de ses amis. Or, avant de les rencontrer, il se méfiait d'eux. Chacun, en effet, avait une sinistre réputation et les rumeurs, les on-dits, les superstitions colportés par la pie ou le vieux crapaud entretenaient la peur des autres. Mais quand Max apprend à les connaître, il cesse d'en avoir peur. Belle occasion pour amener les enfants à une réflexion sur la xénophobie, le racisme. Rien n'est impossible. Malgré les différences, un chat peut-être l'ami d'une souris, se réconcilier avec son ennemi héréditaire, le chien, protéger le plus faible, le lapin. Il suffit d'accepter les autres comme ils sont, d'apprendre la tolérance.
Le texte ne manque pas d'humour : ainsi ces personnages sont désignés par des initiales ou plutôt des sigles. La Souris Grise Du Potager devient la S.G.D.P, Le Lapin Blanc du Labyrinthe, Le L.B.D.L, plaisanterie que l'on peut interpréter à des degrés différents. Pour les enfants qui seront amusés par cet emploi de sigles pour désigner chaque animal, il s'agira d'une sorte de code magique comme l'on trouve parfois dans les contes traditionnels ou des formules répétées à plusieurs reprises finissent par devenir des sortes d'incantation : Tire, tire tire la chevillette.. Le sigle participera au mystère, introduira dans une sorte de société secrète que seuls les initiés pourront comprendre. Les adultes y verront peut-être notre monde moderne qui use et abuse des sigles. Ceux-ci participent bien souvent à un jargon assez obscur qui exclue les non-initiés. Seuls les gens d'une même entreprise, d'une même profession peuvent se comprendre.( Petit clin d'oeil aux enseignants avec le CRDP : Le Chien Rouge Du Parc.). Trop souvent les sigles constituent une sorte de langage assez ésotérique qui devient un moyen de tenir les gens à distance, de leur en imposer. Dans le même ordre d'idée, les médecins de Molière parlent un latin de cuisine pour ne pas être compris de leurs malades et mieux les dominer.
A ce texte correspond les très belles illustrations de François Roca qui ne sont pas redondantes mais cherchent à le prolonger. Chacune propose une histoire à elle seule et l'enfant pourrait partir de l'image pour créer sa propre histoire. Chacune est une invitation au rêve, au voyage vers l'inconnu Les couleurs sombres, le choix des clairs-obscurs voulus par le peintre renforcent l'impression de mystère, créent une atmosphère onirique. Les tableaux utilisent des éléments du réel : le château, le parc à la française, les statues mais glissent vers l'étrange, le fantastique. On pense aux peintres surréalistes Delvaux, Magritte mais aussi au Douanier Rousseau dans la manière de peindre la verdure, les feuillages, de suggérer un ailleurs. La galerie du château avec ses armures et ses fenêtres éclairées d'une lueur irréelle rappelle La Belle et la Bête de Cocteau .
Un livre, donc, qui présente de nombreux centres d'intérêt et qui plaira très certainement aux élèves de CE2.
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