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Cracovie : la place du marché par Josef Mehofer
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Je n'ai pas eu le temps l'année dernière de vous parler de mon voyage
dans la charmante ville de Cracovie en Juin 2021. Une petite échappée entre deux confinements. Mais il est temps de le faire ici à l'occasion du mois de la littérature des Pays de l'Est d'Eve et de Patrice.
Pour préparer ce voyage avant mon départ, j'ai lu Pan Tadeusz, Messire Thaddée, considéré comme le chef d'oeuvre du poète polonais Adam Mickiewicz. J'apprends que celui-ci s'est exilé en France en 1829 pour échapper à la domination tsariste qui occupe son pays et prive ses habitants de leur liberté. A ce propos, je note que Balzac met en scène ces exilés polonais à Paris au début du XIX siècle dans son roman La cousine Bette. C'est à Paris en 1834 que le poète polonais écrit Messire Thaddée.
Or, en arrivant à Cracovie sur l'immense place du marché, avec ses églises, ses palais, sa halle aux arcades voûtées, trône en plein milieu la statue d'Adam Mickievitcz, avec une foule assise à ses pieds. Le point de ralliement de la jeunesse cracovienne, celui aussi des touristes !
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Cracovie Statue d'Adam Mickievisz tombée de la nuit
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Cracovie Eglise Adalbert X siècle sur la place du Marché
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Cracovie La Basilique Sainte Marie
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Cracovie L'ancienne halles au drap sur la plus grande place médiévale d'Europe |
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Cracovie Place du marché et statue de Mickiewicz |
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Adam Mieckiwicz : Poète de l’exil et de la liberté
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Adam Mickievicz
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Adam Mickievicz, poète romantique, est considéré comme l’un des plus grands écrivains de la Pologne dont il incarne les aspirations à la liberté et au nationalisme. Il est né en 1798 dans le Grand duché de Lituanie à Zaozie ou Novogrodek et à fait ses études à Wilno (Vilnius). Admirateur des philosophes français des Lumières, et membre d’une société secrète, il est arrêté et emprisonné puis condamné à l’exil en Russie, en 1829, par le gouvernement tsariste, évitant de justesse la Sibérie. Il gagne ensuite l’Europe. C’est à Paris, en 1834, qu’il écrit son Pan Tadeusz, Messire Thadée, poème héroïco-comique, qui fait de lui un chantre de la liberté, incarnation de la lutte pour l’indépendance. De 1840 à 1844, il enseigne la littérature slave au Collège de France sans jamais abandonner son combat pour la cause polonaise. En 1848, il participe à la création d’une légion polonaise en Italie du Nord contre l’Autriche. En 1855, lors de la guerre de Crimée, il se rend en Turquie, à Constantinople où il meurt du choléra. Sa dépouille est ramenée en France, inhumée à Montmorency, puis transférée en Pologne, en 1890, pour être ensevelie dans la crypte des poètes, sur la colline du Château royal du Wawel, à Cracovie (Province autonome de Galicie, depuis 1866 mais encore sous contrôle autrichien).
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Cracovie : Cathédrale du château royal de Wawel
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Adam Mieckiwicz et Victor Hugo
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Adam Mickiewicz par Walenty Wankowicz
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Victor Hugo écrit à son propos : "Parler de Miçkiewicz, c’est parler du beau, du juste et du vrai ; c’est parler du droit dont il fut le soldat, du devoir dont il fut le héros, de la liberté dont il fut l’apôtre et de la délivrance dont il est le précurseur.
Miçkiewicz a été un évocateur de toutes les vieilles vertus qui ont en elles une puissance de rajeunissement ; il a été un prêtre de l’idéal ; son art est le grand art ; le profond souffle des forêts sacrées est dans sa poésie. Et il a compris l’humanité en même temps que la nature ; son hymne à l’infini se complique de la sainte palpitation révolutionnaire. Banni, proscrit, vaincu, il a superbement jeté aux quatre vents l’altière revendication de la patrie. La diane des peuples, c’est le génie qui la sonne ; autrefois c’était le prophète, aujourd’hui c’est le poëte ; et Miçkiewicz est un des clairons de l’avenir.
Il y a de la vie dans un tel sépulcre.
L’immortalité est dans le poète, la résurrection est dans le citoyen.
Un jour les Peuples-unis d’Europe diront à la Pologne : Lève-toi ! et c’est de ce tombeau que sortira sa grande âme. "
Histoire : La République des Deux Nations
Si vous êtes, comme moi, ignorant de l''histoire de la Pologne, vous devez-vous demander pourquoi l'on parle de Mickiewicz comme d'un poète polonais alors qu'il est né en Lituanie ? Pour bien comprendre l’importance et le rôle d’Adam Mickiewicz, il faut savoir que jusqu’en 1795, il n’existait qu’un seul état, La République des Deux Nations ratifié par le traité de l'Union de Lublin le 1er juillet 1569, qui réunissait Le royaume de Pologne et Le grand duché de Lituanie.
La république couvrait les territoires actuels de la Pologne et d'une grande partie de l’Ukraine (royaume de Pologne), de la Lituanie, de la Biélorussie et de l'extrémité ouest de la Russie (grand-duché de Lituanie), de la Lettonie et d'une partie de l'Estonie ( Voïvodie de Livonie ). C'était un des plus grands États d’Europe et ce qui lui a permis de résister à travers les siècles à la fois aux chevaliers teutoniques, à la Russie, aux Ottomans, et aux Suédois.
La république des Deux Nations est aussi remarquable pour avoir établi, en 1773, le plus ancien ministère de l'Éducation nationale et, quelques années plus tard, la première constitution en Europe et la seconde au monde après celle des Etats-Unis: la Constitution du 3 mai 1791. Mais elle n’a pu être appliquée longtemps car la guerre russo-polonaise de 1792 a entraîné son abrogation puis après les partages successifs de la Pologne (1792, 1793, 1795) entre Russes, Prussiens et Autrichiens, la République des Deux Nations a cessé d’exister.
Bien qu'Adam Mickievitcz soit né trois ans après l'effacement de la République des Deux Nations, il se revendique comme un poète polonais, dont la terre natale est la Lituanie, dans une ville Novogrodek qui se situe dans l'actuelle Biélorussie, citoyen d'une République qui inclut aussi l'Ukraine. Il est donc aussi le poète de tous ces pays dont les frontières n'ont jamais cessé de fluctuer au cours de siècles et dont l’indépendance est toujours fragile comme nous le prouve la triste actualité.
Pan Tadeusz : Oeuvre littéraire et politique
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Antoine Bourdelle : Le pèlerin de la liberté (Paris)
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Préface de Czesław Miłosz.
"Le chef-d'oeuvre du plus grand poète de la Pologne, Adam Mickiewicz (1798-1855), le barde, le voyant, le Pèlerin dont la statue par Bourdelle se dresse près de l'Alma, Cours-la-Reine, dont une plaque, rue de Seine, indique la maison où Pan Tadeusz fut écrit, dont une médaille immortalise le profil sous ceux de Jules Michelet et Edgard Quinet pour nous rappeler que ce grand patriote et démocrate fut aussi professeur au Collège de France...
*J'allais demander à ceux d'entre vous qui habitent Paris, si vous connaissiez cette statue près de l'Alma mais je viens de lire un article ICI qui indique que la statue a été déplacée en 1956 sur le Cours Albert Ier.
Pan Tadeusz, le poème héroï-comique dont tous les Polonais savent des passages par coeur : c'est leur Cid, leur Légende des siècles et leurs Trois Mousquetaires à la fois. Des figures inoubliables : le jeune héros, Tadeusz, clair comme le jour, le sombre Jacek, le terrible Gervais à l'épée invincible, toute une société, depuis sa haute noblesse jusqu'à ses paysans, tout un pays, la Lituanie aux aspects merveilleux, autour du " bleu Niémen " : flore exubérante, faune digne des " grandes chasses " à la Saint-Hubert ! Tout cela sur un rythme vif, sur un ton qui ne se départit jamais de tendresse et d'humour, même dans les moments tragiques. Un rêve, enfin, conçu loin de sa Patrie par un poète qui ne devait plus la revoir. "
Un hymne d'amour à la Lituanie
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Le comte Horeszko et Gerwazy chassés de la maison des Soplica (Michal Andriolli)
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Adam Mickievitcz écrit Pan Tadeucz comme
un gage d'amour à sa patrie perdue. Exilé, il veut en montrer les
beautés et les richesses mais aussi les souffrances, pays dépecé par
trois grandes nations, la Russie tsariste, la Prusse et l'Autriche qui
se sont taillé la part belle dans cette république, pays rayé de la carte et qui
perdu son existence et sa liberté.
Le poète raconte le différend qui oppose la famille du Juge Soplica au Comte Horeszko au sujet d'un château en ruines situé à la limite de leur terre. Le Juge a convoqué chez lui, comme cela se faisait à l'époque, une cour de justice qui jugera sur place. Mais les choses vont s'envenimer entre eux car, dans le passé, le frère du juge, Jacez de Soplica a tué le sénéchal Horesko, lointain parent du comte. C'est le début d'une bataille attisée par le serviteur Gerwazy mais aussi d'une réconciliation réciproque sur le dos.... des Russes ! Le poème compte XII chapitres écrits en vers de 13 syllabes en polonais.
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Gerwazy et son "canif". Assis, le "sage et triste" Maciek
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J'avoue que j'ai
eu un peu de mal à entrer dans la traduction proposée par Kindle.
Richard Wojnarowski a choisi une traduction littérale, la plus proche du
texte, ce que j'ai trouvé un peu pénible parfois et sans grâce.
J'aurais préféré, à priori, lire la traduction de Robert Bourgeois à
laquelle je n'ai pas eu accès sauf par ce court extrait. Jugez vous-même
!
Pan Tadeusz traduction Richard Wojnarowski
(Chant I — Invocation)
O Lituanie, ô ma patrie ! Tu es comme la santé
Combien il convient de t'apprécier, seul l'apprend celui
Qui t'a perdue.
Aujourd'hui ta beauté dans toute sa splendeur
Je vois et je décris, car j'ai le mal de toi
Pan Tadeusz traduction Robert Bourgeois
(Chant I — Invocation)
« Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé,
Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.
Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,
Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes. »
Mais
une fois entrée dans l'histoire, j'ai aimé ce récit surprenant qui
tient un peu de l'épopée, mais aussi de la satire, qui tout en montrant
une violence bien réelle, en particulier dans l'affrontement avec les
russes, vire parfois à la parodie. On
apprend à connaître les différents aspects de la vie de cette noblesse
rurale et de ces paysans avec un luxe de détails sur leurs moeurs, leur
habillement, leurs croyances, leurs divertissements. Tous des chasseurs
du côté des lituaniens et capables de se disputer et même de se battre
en duel pour savoir qui a le meilleur chien ou qui a repéré le gibier le premier. Des
gens qui ont la tête près du bonnet, qui se querellent sans arrêt mais qui se réconcilient comme un seul homme dans leur aversion des russes (les moscales, mot péjoratif) et leur attente de Napoléon en qui ils voient le sauveur, celui qui va leur permettre de retrouver l'unité de leur patrie. Celui-ci a déjà créé le duché de Varsovie mais les polonais attendent avec espoir qu'il déclare la guerre à la Russie. Nous sommes dans les années 1811 et 1812.
Car à présent Napoléon, homme avisé et expéditif
Ne laisse guère de temps pour se consacrer à la mode et à la parlote.
A présent tonnent les canons, et à nous les vieux le coeur se gonfle
Qu'à nouveau dans le monde on parle tant des Polonais
La gloire est là, et donc la République aussi sera là !
Toujours sur des lauriers fleurit l'arbre de la liberté.
Et
puis il y a la poésie de la nature, des forêts-mères mystérieuses et
impénétrables, de belles descriptions des arbres de son pays, mais aussi des travaux des champs, des animaux de la forêt
comme de la ferme. Des scènes marquantes, douces ou sauvages, comme la
recherche des champignons ou la chasse à l'ours, un tableau haletant, féroce .
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La recherche des champignons par F Kostrezewski |
Et pourtant, autour d'eux s'étendaient les forêts
Lituaniennes, si graves et pleines de beauté !
Les merisiers entourés d'une couronne de houblons sauvaages
Les sorbiers à la fraîche pourpre pastorale,
Les coudriers semblables à des ménades avec leurs sceptres verts
Revêtus, comme de pampres, de perles de noisettes;
Plus bas, les petits des sous-bois : l'aubépine, dans les bras de la Viorne
les mûres dans les ronces blottissant leurs lèvres noires.
Et
il en est de même pour les personnages, Thaddée, le jeune étudiant, naïf
et maladroit qui tombe amoureux de... il ne sait plus trop
laquelle de ces beautés... Le comte, son rival, un rêveur, qui délaisse la chasse pour méditer, dessiner, admirer la nature. Les paysans se
demandent s'il a toute sa tête(méditer, dessiner!) mais ils l'aiment parce qu'il est noble, "après tout",
et bon avec eux. Son romantisme quand il rencontre
pour la première fois la petite Sozia fait sourire, d'autant plus que caché dans les herbes et la tête couverte par les feuillages verts, il est comparé à une grenouille. Et puis, il y a Télimène, la coquette, calculatrice et séductrice, et la petite Sozia qui sort à peine de l'enfance.
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Le comte découvrant Sozia
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Enfin de nombreux portraits de personnages vivants,
sympathiques comme le Juge, oncle de Thaddée, ou farouches, tel le vieux Gerwazy, fidèle à son vieux
maître le Sénéchal Horeszko, dont il veut venger la mort, attaché à verser le sang de ses
ennemis; d'autres, maudits comme Jacez, ou couard et lâche comme le commandant polonais passé aux Russes, le traître ! Certains seulement désignés par leur fonction sur qui s'exerce bien souvent la satire, comme Le Substitut, le Chambellan, Le Notaire, l'Assesseur, l'Huissier (Protazy) et le Bénédictin ; ce dernier, personnage énigmatique, joue un grand rôle dans le récit. Et enfin il y a Maciek qui prononce ce discours resté célèbre et qui encore, de nos jours, est évoqué quand la situation s'y prête dans les discussions politiques :
Insensés! Insensés!
Insensés que vous êtes !
Tant qu'on délibérait de la résurrection de la Pologne
Du bien public, vous vous querelliez, insensés ?
On ne pouvait, insensés, ni discuter entre nous,
Insensés, ni mettre de l'ordre, ni décider
D'un chef pour vous commander, insensés !
Mais qu'on évoque
Des griefs personnels, insensés, vous vous accordez !
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Jacez de Soplica, le Juge et Gerwazy
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