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jeudi 14 mars 2019

Sibilla Aleramo : Le passage


 Le Passage

Dans une nouvelle intitulée Le Passage, paru en 1919, Sibilla Aleramo reprend le récit de sa vie dans un texte lyrique, d’une grande beauté poétique.  
Je rappelle que l'écrivaine, mariée à 16 ans à l'homme qui l'avait violée,  écrit son premier roman Une femme, en 1906, après avoir quitté son mari et son enfant qu'elle n'a jamais revu. Le livre qui connaît immédiatement un grand succès, est traduit en plusieurs langues et Sibilla Aleramo devient une icône du féminisme dans le monde. (voir le billet  : Une femme Ici)
 
 Son fils

Mary Casatt

Ô mon enfant, mais de ce sombre rêve, tu étais pourtant sorti, vivante réalité de chair, mon enfant, passion profonde de mon sang…
Pourquoi t’ont-ils arraché de moi ?
Tu étais à moi, tu étais avec mon âme la seule chose vivante de ma sombre jeunesse ; je t’avais fait grandir comme je grandissais moi-même, non pour ce jour-là, mais pour d’autres qui devaient venir… Mon enfant, et j’ai pu sauver mon âme de ce cauchemar, et toi, je n’ai pas pu te sauver ! Ils ne t’ont pas rendu à moi, bien que je te réclamasse en hurlant… Ils n’ont pas voulu, tu es resté loin de moi, loin de moi. Resté pour toujours le petit qui avait déjà presque sept ans. J’ai essayé, ma créature, j’ai essayé de te deviner autre, d’imaginer comment pouvaient être tes yeux quand tu avais huit ans, quand tu avais dix ans et douze ans… Je cherchais à me représenter ta taille, mois par mois, et ton sourire et tes cheveux… Mais ta voix, mon fils, je ne la pouvais savoir ! Tu venais dans mon sommeil, rêve d’un rêve. Et rien d’autre, plus jamais.

Son père et sa mère 

Le père de Sibilla Aleramo a abandonné ses enfants et sa mère qui a progressivement sombré dans la folie. Plus tard, elle se souvient d'eux et de leur amour disparu.
Le baiser Klimt
Cette nuit-là, comme j’écoutais la voix du fleuve gronder durement sous les arches du pont et contemplais dans mon cœur une douleur déjà indurée, déjà prête à devenir pierre, je me surpris à songer à ce qui avait uni mon père et ma mère, à leur amour. Je pensai à leurs deux jeunesses. J’avais été conçue dans l’extase et le délire par ces deux créatures alors neuves, belles, victorieuses pour moi de toute tristesse, en ce premier instant de moi-même.
Baiser d’où je suis née, tu étais un chant qu’exprimaient pour moi deux amoureux, tu étais un chant total, et je t’ai emporté dans mes veines, écho que rien n’a jamais pu étouffer. Moi, la première-née, fruit de joie, fusion de deux flammes. Ils s’aimaient parce qu’ils ne se ressemblaient pas, parce que tout de l’un émerveillait l’autre. Et leurs existences se jetaient l’une vers l’autre pour moi, pour former une créature unique, qui vivrait la vie intégrale, la vie si diverse en eux deux, l’accepterait et l’aimerait dans sa totalité. Ils ne le savaient pas. S’ils l’avaient su, peut-être, après m’avoir vue naître, se seraient-ils séparés, peut-être n’auraient-ils pas voulu créer ensemble d’autres enfants avec un élan moindre, pour un destin moins puissant. En moi seule s’est transmis vraiment ce qui les accoupla : la force d’amour qui éternellement dissout tout mal en moi.

 Le silence
Hammershoi

Le silence attend. Le silence, la plus fidèle chose qui m’ait enlacée dans la vie.
Plus grand que moi, au fur et à mesure de ma croissance, il croissait, lui aussi, semblait toujours vouloir m’écouter ; nous nous taisions ensemble, et je me retrouvais toujours la même entre ses bras, sans stature, sans âge, créée par le silence même, peut-être par un sien désir immuable, ou peut-être non encore née, larve qu’il protégeait.
Une fois encore, je suis seule, je suis loin, et autour de moi tout se tait.

 L'humilité

Chagall

 L’Humilité m’environne. Profonde comme les ombres violettes dans la vallée couronnée de nuages d’argent.

Je suis née au milieu d’août, dans le Piémont. Mais peut-être au ciel, en ce mien premier matin, se tenaient suspendus de grands fantômes blancs et, dans la campagne d’Assise, où ma mère avait passé jeune épousée dans le clair vallon fleuri où je voudrais mourir, peut-être toute la suavité de la terre se vêtait de violettes. 



mardi 12 mars 2019

Sibilla Aleramo : Une femme


Dans Une femme (Una Donna) publié en 1906, Sibilla Aleramo publie une autobiographie romancée et raconte un fait inouï pour l’époque : Comment elle a quitté son mari et a dû pour cela abandonner son fils.
Sibilla Aleramo, de son vrai nom Rina Faccio, commence son récit avec son enfance, petite fille déchirée entre un père qu’elle admire et une mère effacée, qui ne supporte pas les infidélités de son mari. La fillette est d’une grande intelligence et son père adoré dirige son éducation, lui donnant lui-même des cours, l’incitant à lire, développant en elle des connaissances précoces. A 13 ans, l’enfant travaille dans l’usine de son père comme comptable et l’aide à la gestion. Mais celui-ci se désintéresse de sa famille pour s’installer avec une autre femme et l’adolescente souffre beaucoup de cet abandon qui la laisse seule avec ses frères et soeurs, sa mère sombrant progressivement dans la folie. Aussi quand elle est violée à l’âge de 15 ans par un employé de son père, elle ne peut se confier à personne et se persuade qu’elle doit l’épouser. C’est le début d’une vie conjugale horrible où la jeune femme -elle a 16 ans- doit abdiquer toute personnalité, se fondre dans son rôle d’épouse, face à un mari jaloux et violent qui l’humilie et la bat. La société conformiste et étriquée de province accentue son isolement. Seule la naissance de son fils lui apporte la joie et l’amour. Pour lui, elle accepte encore des années de souffrance mais après sa tentative de suicide, elle comprend qu’elle ne peut plus continuer ainsi, c’est une question de survie ! Pour être libre, retrouver sa dignité et aussi pour avoir le droit d’écrire, de devenir l’écrivain qu’elle porte en elle, elle s’enfuit de son foyer en laissant son enfant derrière elle. Elle n’obtiendra jamais le droit de le revoir. Un geste si douloureux qu’elle en portera la blessure toute sa vie. 

J’ai aimé ce récit écrit dans un style simple, limpide et sobre. Ce témoignage émouvant et douloureux montre toute l’horreur de la condition féminine la fin du XIX siècle et au début du XX ème en Italie. Au XVII ème siècle la peintre, Artemisia Gentileschi, était elle aussi prête à épouser son violeur pour « réparer » la faute. On voit que la situation féminine n’a pas beaucoup évolué tant de siècles après ! Sibilla Aleramo mène une réflexion intéressante et intelligente sur les grands problèmes liés au statut de la femme. Elle y répond à sa manière en montrant que oui, la femme peut gagner sa liberté.
Si ce récit a fait scandale à sa parution auprès de la bonne société italienne catholique et pratiquante, il a placé Sibilla Aleramo au rang d’icône du féminisme, à l’époque et encore de nos jours …

 Extraits de Une femme   

Sibilla Aleramo réfléchit  à la condition de la femme et en particulier lorsque celle-ci devient mère. Mais qu’est ce qu’une « bonne mère » ?

Mais la bonne mère ne doit pas être comme la mienne une pauvre créature à sacrifier : elle doit être une femme, une personne humaine.
Et comment peut-elle devenir une femme si ses parents la donnent, innocente, fille, incomplète, à un homme qui ne la regarde pas comme son égale, mais qui en use comme d’un objet dont il est le propriétaire….


Sibilla Aleramo écrit ses impressions, ses notes s’accumulent :
 
Une ardeur secrète courait dans ces feuillets que je commençais à aimer comme quelque chose qui serait le meilleur de moi-même, comme s’ils m’assuraient que je pourrais vivre intensément et utilement. Vivre ! je voulais désormais non plus seulement pour mon fils, mais pour moi, pour tous.
 

La liberté
Penser, penser ! Comment avais-je pu vivre tant de jours sans penser ? Les personnes, les choses, les livres, les paysages, tout provoquait chez moi désormais d’interminables réflexions.

Mon prochain billet présentera une autre oeuvre de Sibilla Aleramo : Le Passage

Sibilla Aleramo


 Sibilla Aleramo, pseudonyme de Rina Faccio, est une écrivaine italienne, née à Alexandrie dans le Piémont le 14 août 1876 et morte à Rome le 13 janvier 1960.
Mariée à 16 ans à l'homme qui l'avait violée, elle écrit son premier roman Une femme, en 1906 après avoir quitté son mari et son enfant. Le livre, qui connaît immédiatement un grand succès, est traduit en plusieurs langues. Féministe, militante communiste, Sibilla Aleramo a toujours lutté pour la cause des pauvres.

dimanche 24 février 2019

Une pause un peu prolongée mais...



Merci à toutes celles qui demandent de mes nouvelles ! Voilà qui fait chaud au coeur et me force à sortir de mon silence.
Oui, je n'ai pas écrit depuis longtemps pour des raisons familiales mais je n'ai pas abandonné mon blog et je reviendrai bientôt parmi vous. 

A bientôt donc et et un grand bonjour d'Avignon ...







mardi 15 janvier 2019

Julio Llamazares : Lune de loups



Quatre jeunes gens traqués par la haine fratricide tâchent de survivre dans la montagne, cachés dans les cavernes et les bois. La guerre civile passe au fond de ce récit avec sa cohorte de détresse, de violence et de mort. Mais au fond seulement. L’histoire de ces hommes, de ces animaux nocturnes et solitaires, est plutôt celle d’un mauvais rêve, celle d’un voyage intérieur vers les sources mêmes du lyrisme et de la transfiguration poétique du réel. Loin de nous enfermer dans la nuit sans issue d’un maquis condamné, le récit ouvre sur un autre monde, moins visible et plus incarné à la fois, plus élémentaire et plus dense. (Quatrième de couverture)Lune de loups Julio LamazJ

Depuis toujours, me semble-il, je me suis intéressée à la guerre civile espagnole. Mon premier film  sur ce sujet, quand j’étais enfant, a été Pour qui sonne le glas et j’ai, par la suite, lu le beau  roman d’Ernest Hemingway. Il y eut aussi Tanguy de Michel del Castillo et puis Javier Cercas et les soldats de Salamine et actuellement Le Monarque des ombres, et  Le crayon du charpentier de Manuel Rivas, Faut pas pleurer de Lydie Salvayre et maintenant Lune de loups de Julio Llamazares. Tous de très beaux livres que j'ai beaucoup aimés ! Et toujours la même émotion vis à vis de cette terrible histoire de meurtres et de sang qui divise un peuple, toujours le même sentiment de solidarité envers les républicains. Pourquoi ce sentiment si fort, naissant de ce moment si complexe de l’Histoire d’Espagne? Peut-être est-ce par ce que ceux qui représentaient la liberté ont été vaincus et que leur peine ne s’est pas arrêtée à la fin de la guerre mais a perduré : des années de franquisme, des années de dictature, de privation de liberté, de domination des valeurs fascistes sous la férule d’une église hypocrite et puritaine, mise au service du pouvoir et des riches, des années d’exil, de délation et de mort. Peut-être aussi parce que la guerre d’Espagne nous fait comprendre combien la démocratie est faible et combien il est difficile de la défendre.
Mais revenons au livre de Julio Llamazares. Lune de loups  raconte l’histoire de quatre jeunes républicains, réfugiés dans les montagnes de Cantabrique, poursuivis par les fascistes qui les traquent  jusque dans leurs ultimes refuges, dans les grottes où ils se réfugient, les cabanes de berger abandonnées, dans les maisons du village qui entrouvrent (rarement) leur porte pour leur donner une aide. La délation règne, les familles des maquisards subissent de dures représailles.  La justice est expéditive, un coup de mitraillette règle tout, pas besoin de  jugement !
Le narrateur est Angel, l’instituteur, et ses compagnons d’infortune sont Ramiro, Juan et son jeune frère Gildo.
Le roman est assez différent de ceux que j’ai lus jusqu’à maintenant. Il s’attarde moins à l’Histoire elle-même et parle plus largement des conditions de vie des quatre jeunes gens, réduits à l’état de bêtes, de leurs souffrances morales et physiques dans une nature belle mais hostile à l’homme.

La nuit a éclaté comme un baril de poudre. Elle s’est changée en un tourbillon dévastateur et glacial. La neige, le vent, le crépitement des armes, les cris des gardes civils se fondent sous le manteau de la nuit pour dessiner une estampe floue et incompréhensible.

Le récit pourrait se dérouler n’importe où, dans un noman’s land de forêts, de neige et de froid,  lors d’une errance qui déshumanise et préfigure l’antichambre de la mort, la porte des Enfers.

Une lumière grise, de lune très lointaine – « Regarde, Ángel, regarde la lune : c’est le soleil des morts » – éclaire légèrement la ligne des montagnes et le frisson ému des arbres.

 Et cette errance va durer environ dix ans. En effet, le récit commence en 1937 et se termine en 1946.

C’est avec poésie et émotion que Julio Llamazares décrit les affres de la solitude,  l’aliénation de l’homme privé de sa famille, de  ses semblables,  la souffrance qui érode, qui sape chaque jour d’avantage ce qui le fait humain.

Cet homme à qui le miroir de la pluie, dans la montagne, rend cependant la mémoire de ce qu’il a toujours été : un être pourchassé et solitaire. Un homme traqué par la peur et par la vengeance, par la faim et par le froid. Un homme à qui l’on refuse même le droit d’enterrer le souvenir des siens.

Le style imagé et lyrique donne un ton particulier au récit, entre rêve et réalisme, et la lune brille sans cesse dans la nuit de ces hommes sur laquelle pèse la menace de la Mort, omniprésente.   Celle-ci s’incarne parfois comme dans ce passage où Angel prend la faux, dissimulé par l’obscurité, dans le pré de son père :

Toute la nuit millénaire de l’herbe et du fer, le zigzag vert et noir de la mort devant mes pieds et l’éclat solitaire de la lune d’Illarga. Toute la nuit, incliné sur le pré, la faux dans les mains et la mitraillette en bandoulière, afin que ma famille le trouve fauché quand le jour se lèvera.

La lune de loups, la lune des bêtes sauvages, rendues féroces comme eux par les mauvais traitements et qui sont, comme eux, solitaires et pourchassées.

Dans ces contrées, ils chassent encore les loups comme des hommes primitifs en les encerclant. (…) Ils le prennent vivant et, durant plusieurs jours le promènent à travers les villages afin que les gens puissent l’insulter et lui cracher dessus avant de le mettre à mort.

Un beau livre qui éclaire d’une manière émouvante, brillante et poétique, un moment de la guerre civile espagnole.

Merci à Dominique de m'avoir fait découvrir ce livre : ICI

dimanche 13 janvier 2019

Patricia MacLachlan et Marc Boutavant : Barkus



Barkus de Patricia MacLachlan, illustré par Marc Boutavant, traduit en français par Nathalie Pelletier, est paru aux éditions Little Urban, collection Premiers romans.

L’oncle Alfred arrive à la maison de Lilou avec un cadeau pour elle et ce cadeau, c’est Barkus, « le chien le plus intelligent du monde » ! Entre la petite fille et Barkus, naît une belle histoire  d’amitié.
Le livre est divisé en petits chapitres qui portent un titre différent : Barkus file à l’anglaise,  Joyeux anniversaire Barkus, Barkus et Robinson, l’heure des histoires.



Histoires charmantes, proches de l’univers de l’enfant : l’amitié avec un chien et les joies qu’elle procure, l’école, l’arrivée d’un petit chat, une nuit sous la tente, toutes sont simples et respirent le bonheur.
Ma petite fille qui a neuf ans l’a bien aimé mais le trouve un peu « bébé ». Par contre, le livre me paraît convenir parfaitement aux enfants de CP qui savent lire mais peut être lu aussi aux plus petits. Les illustrations sont sympathiques et joyeuses. Un livre agréable et plaisant.


Merci à Masse Critique et  aux Editions Little Urban  premiers romans.

mardi 8 janvier 2019

Tim Willock : La Religion et Malte


« La Religion », c'est le nom que se donne l'ordre des Hospitaliers, mais c'est aussi la bannière sous laquelle se rallie parfois la folie des hommes. En 1565, claustrés sur leur petit archipel au sud de la Sicile, les chevaliers de Malte s'apprêtent à recevoir les furieux assauts de l'armée ottomane. A un contre cinq, les chrétiens tiennent le siège au prix de combats effroyables. un déchaînement de violence dans lequel se trouve entraîné Mattias Tannhauser, un ancien janissaire qui a connu les deux camps. Pour les beaux yeux de la comtesse Carla La Penautier, le trafiquant d'armes et d'opium embarque pour l'enfer. (Quatrième de couverture)

Dans son roman La Religion, Tim Willock s’attache à nous relater le terrible siège de Malte qui eut lieu en 1565 et fut l’une des plus terribles et spectaculaires batailles du siècle. Elle oppose les armées turques de Soleyman le Magnifique aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean. Malte, sous la domination des chevaliers, est un lieu  stratégique qui  permettrait aux Ottomans l'invasion de toute la chrétienté, via la Sicile et l’Italie.
Le Grand Maître, La Valette, va tenir tête avec ses 500 chevaliers et ses 7000 combattants, à une armée puissante, bien organisée, possédant une flotte navale impressionnante et dotée de quarante mille guerriers, janissaires, soldats, esclaves, alliée à des pirates. Les chevaliers, eux, attendent du renfort de la part du Pape et des nations chrétiennes mais il n’arrivera que bien tard, après leur victoire !
 Des deux côtés le fanatisme est le même. On se bat au nom de la foi, en opposant avec violence les figures du Christ et d’Allah, la Croix et le Croissant. Mais aux yeux des chevaliers de Malte, La Religion, c’est évidemment la religion chrétienne et elle ne peut être vaincue. Commence alors un siège sanglant, cruel, sans merci, un combat de titans, tant il ne paraît plus être à l’échelle humaine. C’est cette impression que nous laisse le style de Tim Willock, visionnaire, qui conte ici à travers des personnages historiques et aussi fictifs, un moment de l’histoire que l’auteur hisse au niveau de l’épopée. Les chevaliers et les habitants de Malte développent une résistance à toute épreuve contre leurs assaillants allant jusqu’au dernier degré de l’épuisement, de la faim, du sacrifice de leur vie, soutenue par une foi qui n’admet aucune faiblesse. Il faut dire que La Valette est là pour rallumer la flamme des défaillants ou mettre à mort ceux qui veulent se rendre !

On ne peut pas aller à Malte sans avoir lu ce livre. Il nous fait voir d’un autre oeil les lieux dont nous foulons le sol, il nous fait chercher à travers le présent, les vestiges où s’est déroulée l’histoire !  C’est avec jubilation que l’on retrouve tel site, le fort Saint Elme, Le fort saint Angelo, les auberges des huit langues du moins celles qui ne sont pas détruites, le palais de l’Inquisition, les trois cités face à la Valette (ville qui n’existait pas encore en 1565). La Valette qui prit le nom du plus vaillant défenseur de Malte fut construite sur le mont Sciberras après le siège grâce à l’argent envoyé de toute la chrétienté éblouie par la victoire si improbable et si prestigieuse des chevaliers.
Quant à ceux qui ne vont pas à Malte, ils trouveront, j’en suis sûre, de l’intérêt à suivre la petite histoire - dans la Grande- de Mattias Tannhauser*, et de la comtesse Carla La Penautier*, personnages de caractère, tout en s’initiant à ce fabuleux récit racontée par un écrivain qui sait de quoi il parle et dont le style a un pouvoir évocateur impressionnant. L’idée d’avoir fait de Matthias un enfant chrétien devenu janissaire après avoir été enlevé à sa famille décimée par les turcs permet de voir et de comprendre la mentalité, les moeurs, la religion des deux partis ennemis et de montrer, à travers leurs ressemblances, l’inanité de la guerre  et  l'horreur du fanatisme religieux quel qu'il soit, au cours d'une réflexion intelligente qui permet de donner de l'étoffe à son personnage..

 La Valette avait décrété qu'un musulman serait pendu chaque jour que durerait le siège. Tannhauser trouvait le stratagème brillant, pas seulement parce que son horreur était une parfaite réplique à la splendeur du Turc, mais aussi parce qu'il affirmait aux deux armées que ce conflit n'aurait d'autre issue que l'extinction complète de l'une ou de l'autre.

Puis, en sombrant dans le sommeil, il se remémora qu'il ne faillait pas se laisser séduire par la fraternité rare et noble des chevaliers car, en fin de compte, c'était un culte de la mort, et il avait eu plus que son content de telles amitiés.

*Je dois ajouter pour ceux que cela effraierait que c'est un pavé de 900 pages mais qui se lit très bien.

*Personnages que l’on peut retrouver dans deux autres romans de la Trilogie, La Religion étant le premier tome.


La bataille du fort Saint Elme

La Valette sur le mont Sciberras : Le fort Saint Elme à la pointe

La deuxième partie du roman qui a pour titre L'illiade maltaise raconte comment les chevaliers ont tenu le fort Saint Elme face à l'assaut des ennemis pendant plus de 21 jours, exploit qui paraissait irréalisable. Le Fort était construit à l'entrée du Grand Port, sur la pointe du Mont Sciberras qui était nu à cette époque. 



Sur son avancée rocheuse, Saint-Elme était enserré dans un cercle de feu crépitant. De temps à autre, la fumée se soulevait et révélait les échelles jetées contre les murs.


Le fort Saint Elme : fortification Est

Quand l’aube se leva sur les fortifications de l’Est, sa lumière incertaine prêta aux bancs huileux de fumée une nuance de jaune, et quelque part au-delà de cette lueur ocre, les cuivres turcs sonnèrent la retraite, et les restes vaincus d’une dizaine d’orta* de janissaires dérivèrent dans la brume comme des spectres flagellés, puis ils disparurent. Le long de la crête couverte de sang, les soldats de la croix, en lambeaux, regardaient avec une indifférence abrutie l’ennemi disparaître, trop épuisés pour vraiment comprendre que la nuit était leur et que leur bannière verrait un autre jour. 

* régiment
L'intérieur du Fort Saint Elme : place des manoeuvres

Le fort Saint Elme : deuxième enceinte

L’air était malsain et devenait putride à respirer.

Au-delà des remparts dévastés sur lesquels il (Tannhauser) se tenait et s’enfonçait, - dans une marinade fétide de sang, de détritus, membres, organes, cervelles et des contenus évacués de milliers de vessies et d’entrailles-  s’étendaient le corps de quinze cents musulmans. Ils débordaient de la douve gémissante et s’étalait en travers du no man’s land souillé et pestilentiel comme les traces de quelque catastrophe contre nature. Et Tannhauser se sentit honteux. Puis il eut honte de sa honte, car c’était mensonge, et tuer au moins était honnête.

Après la chute du Fort Saint Elme, les Turcs donneront l'assaut au Fort Saint Angelo,  dans le quartier du Borgo.

Malte :  Les Trois cités

Les Trois cités : A gauche Birgu/ Vittorioso avec le fort San Angelo ; A droite Isla Sanglae ; les deux cités sont séparés par le Dockyard creek. A droite, à l'arrière plan, la cité Bormia ou Cospicua


Les Trois Cités font face à La Valette. Comme elles portent plusieurs noms, il est bien difficile de s'y retrouver.

 A gauche, Birgu (Borgo) nommé aussi Vittoriosa après le siège de 1565; elle était déjà là quand les chevaliers sont arrivés à Malte en 1530.


Birgu Vittorioso Fort San Angelo
 
Birgu (Borgo) Vittorioso


A droite, Isla qui porte aussi le nom de Senglea du nom du Grand maître qui en est le fondateur : Claude de la Senglé. Elle a reçu le surnom de Citta Invicta (invincible ) après le siège. A l'extrêmité se trouvait le Fort Saint Michel qui fut détruit par les turcs.


Sanglea

La troisième cité est Bormia aussi appelé Citta Cospicua ou Cité remarquable.

Les Trois Cités sont maintenant désignées sous le nom global de Cottonera du nom du grand Maître Cottoner y de Oleza qui a réalisé en 1670 les fortifications qui les encerclent, 4km 500 de remparts qui protégaient les villes, les champs, et pouvaient rassembler, en cas de nouveau siège, 40 000 habitants et le bétail...  siège qui n'a jamais eu lieu!


Birgu ou  Borgo Citta Vittorioso

Je n'ai pu voir que la cité de Borgo et me suis promenée dans le quartier du Collachio où se trouvent encore les auberges des chevaliers, d'adorables petites rues pavées et des maison en pierres aux tons dorés, flanquées d'oriels de toutes les couleurs.

Birgu ou Borgo San Angelo

Birgu : Rue et oriels
 
Birgu De jolies petites rue fleuries
 
La Maison d'Angleterre

Birgu (Borgo)La Maison d'Angleterre

La Maison d'Angleterre  : le chevalier Olivier Starkey vécut ici pendant le siège de 1565.  Il était le seul chevalier de sa langue


Birgu : Oriel (détail)

De son passé, Malte garde un attachement profond à la foi catholique

Birgu (détail)

Borgo Auberge de France

Auberge de France

 
Birgu (détail)

Auberge d'Auvergne Provence

dimanche 6 janvier 2019

Bilan mois de Novembre et Décembre 2018

John Gwen

Partie en voyage puis très occupée par la famille pendant les fêtes, je n'ai pas eu le temps de faire le bilan de mes lectures du mois de Novembre et du mois Décembre. Je les récapitule ici.

Dany Laferrière : Le goût des jeunes filles


 

 

 

 

 

 




Carl Safina : Qu'est-ce qui fait sourire les animaux ?
 

 

 

 

 

 

 

 




Montaigne et la mort : Tombe et cénotaphe
 




Denis Diderot : Jacques le fataliste

Denis Diderot : Madame de la Pommeraye dans Jacques le fataliste
 






 

 

 

 

 

Sénèque : Thyeste au festival d'Avignon 2018 Mise en scène Thomas Joly
 
Thyeste de Sénèque mise en scène par Thomas Joly festival d'Avignon juillet 2018
Honoré de Balzac : L'auberge rouge
 

Dany Laferrière : Tout bouge autour de moi
 

 

 

 

 

 

  

 

 

Olivier Adam : Personne ne bouge


 Au mois de décembre, j'ai envoyé quelques photographies de mon voyage à Malte
Malte : Les chevaliers hospitaliers de la Saint Jean de Jérusalem 
 


 

 

 

 

 


Balzac : Le colonel Chabert
 


Et enfin les derniers venus* dans notre foyer accueillant

* Oui, ils finiront par nous mettre dehors !


samedi 5 janvier 2019

Patricia MacLachlan et Marc Boutavant : Barkus




Barkus de Patricia MacLachlan, illustrations de Marc Boutavant,  traduit en français par Nathalie Pelletier, est paru dans aux éditions Little Urban collection Premiers romans.

L’oncle Alfred arrive à la maison de Lilou avec un cadeau pour elle et ce cadeau, c’est Barkus, « le chien le plus intelligent du monde » ! Entre la petite fille et Barkus, naît une belle histoire  d’amitié.
Le livre est divisé en petits chapitres qui portent un titre différent : Barkus file à l’anglaise, Joyeux anniversaire Barkus, Barkus et Robinson, l’heure des histoires.

L'anniversaire de Barkus
 
Histoires charmantes, proches de l’univers de l’enfant :  l’amitié avec un chien et les joies qu’elle procure, l’école, l’arrivée d’un petit chat, une nuit sous la tente , toutes sont simples et respirent le bonheur.
Le livre me paraît convenir parfaitement aux enfants de CP qui savent lire mais peut aussi être lu aux plus petits.  Ma petite fille qui a neuf ans l’a bien aimé mais le trouve un peu « bébé ». Les illustrations sont sympathiques et joyeuses. Un livre agréable et plaisant.

Merci à Masse critique et  aux éditionsLittle urban  premiers romans.