Musée Soulages à Rodez |
J'ai profité de mes vacances en Lozère pour faire un saut jusqu'à Rodez. Je voulais absolument visiter le musée Soulages, artiste dont je n'avais vu jusqu'ici qu'une peinture noire au musée d'Antibes et, de ce fait, j'ai aussi découvert le même jour le musée Fenaille très intéressant aussi.
Le musée édifié par des architectes catalans est sobre et beau, conçu comme un assemblage de cubes couleur rouille en acier Corten qui se patine au fil du temps, rappelant les dessins de l'artiste au brou de noix. Quand j'y arrive au mois d'août, c'est la queue! Le musée qui vient de s'ouvrir ne peut laisser entrer que quelques centaines de personnes à la fois. Il faut donc attendre patiemment. J'apprendrai par la suite en lisant les journaux que le musée a atteint en six semaines la fréquentation attendue pour un an! Et Vlan! dans les dents de ceux qui rouspètent sans cesse dès qu'il s'agit d'art contemporain parce qu'ils ne le comprennent pas! j'ai nommé, entre autres, un ancien ministre, Jean-Luc Fery, qui dit que Soulages, c'est une "blague"!
Le musée Soulages
Le musée Soulages a été construit à la suite de deux donations faites par l'artiste Pierre Soulages et son épouse Colette. Il permet de suivre le travail de l'artiste sur une période de 35 ans et de voir son évolution vers la période actuelle : peintures sur papier ou sur toile où il utilise les couleurs avec une prédominance de noir, les fameux brous de noix, les lithographies et sérigraphies, les sculptures en bronze, les travaux préparatoires aux vitraux de Conques, tout ceci amenant aux tableaux où l'artiste n'utilise que du noir en jouant sur les reflets de la lumière, période appelée l'outre-noir.
Les peintures abstraites
Pierre Soulages musée de Rodez |
Pierre Soulages musée de Rodez |
Pierre Soulages musée de Rodez |
Pierre Soulages musée de Rodez |
Pierre Soulages musée de Rodez |
Pour moi, les oeuvres abstraites que je présente dans ces photos ne rendent pas compte de la beauté de l'oeuvre, elles proposent outre les vibrations de la couleur qui s'exercent sur nos sens, une promenade dans un monde imaginaire. Le blanc est si lumineux qu'on a l'impression de s'enfoncer à l'intérieur d'un labyrinthe obscur dont l'ouverture brille d'une lueur surréelle, parfois c'est une fenêtre fermée qui laisse poindre le jour, un paysage de neige... c'est ce que j'éprouve mais voilà ce qu'en dit Pierre Soulages dans une interview accordée à Patrick Vaudray.
(...) lorsque l’on met un noir par exemple
à côté d’un gris, ou d’un
blanc, le blanc paraît beaucoup plus lumineux
et le gris paraît beaucoup plus clair. Le clair-obscur
est fondé là-dessus finalement : on
prend une couleur qui paraît obscure, on met
une couleur encore plus obscure qui est le noir et,
brusquement, elle s’éclaire ; donc c’est
la lumière qui est en jeu. C’est une
autre manière de voir la lumière.
L'outrenoir : la lumière comme matière
Pierre Soulages musée de Rodez |
Evidemment, l'on peut être surpris en se retrouvant face à une toile entièrement peinte en noir! Et je ne pourrai avec ces photographies vous convaincre de l'intérêt du travail! Et oui, il faut voir les oeuvres de Soulages et non ses reproductions sinon on ne peut rien ressentir. Il le dit lui-même :
C’est d’ailleurs pourquoi
ces peintures-là sont quasiment impossibles
à photographier parce que la photographie simplifie
tout ça, appauvrit toutes ces qualités
de différence de lumière qui donnent
des lumières différentes ; la photographie
les traduit par des gris, c’est-à-dire
qu’elle transforme cette peinture-là
en une peinture traditionnelle.
Dans l'interview de Pierre Soulages par Patrick Vaudray, il explique comment il travaille et ce qu'il veut réaliser :
Au départ
la toile est entièrement noire, et non pas
blanche ou rouge comme c’est le cas traditionnellement
; les peintres traditionnellement recouvraient leur
toile de rouge, Nicolas Poussin, ou de gris, Goya
par exemple, dans mon cas, je la recouvre de noir
; mais lorsque je travaille avec une pâte noire,
je ne travaille plus avec du noir, je travaille avec
la lumière que réfléchit l’état
de surface de la couleur que j’apporte.
Pierre Soulages : musée de Rodez |
Ce qui m’intéresse, c’est cette qualité particulière de la lumière
quand elle est réfléchie par le noir, qui n’est pas semblable à la
qualité de lumière qui pourrait être réfléchie par le bleu ou par le
jaune ou par une autre couleur. Ça m’intéresse parce que le noir c’est,
d’un côté, l’extrême, le sombre, il n’y a pas plus sombre que le noir
et, à côté de ça, c’est aussi une couleur lumineuse ; c’est le rapport
de ces deux possibilités que j’ai avec le noir qui fait que je me suis
orienté vers cette manière de peindre.
Je dis multiple parce que ces stries ne sont pas mécaniques
comme dans le cas du peigne cubiste où elles
sont toutes semblables -, mais il y a des stries qui
ont des angles différents. Si on compare chaque
strie, il y a une crête et un sillon, et l’angle
de chaque crête est différent, c’est-à-dire
qu’il y a une face, une minuscule face, qui
réfléchit la lumière différemment
; ce qui fait qu’on obtient une réflexion
de la lumière extrêmement variée
parce qu’à chaque strie il y a une réflexion
différente.
Pour préparer mon initiation à Soulages, j'ai lu ce livre de Jacques Laurans avant d'aller au musée. Intéressant!
Voir suite de l'interview de Pierre Soulages ICI
Le musée Soulages ( source l'express) |
Le musée Fenaille
Le musée Fenaille est un musée archéologique passionnant installé, qui plus est, dans une belle bâtisse du moyen-âge et de la renaissance dont l'architecture vaut à elle seule le détour. Si vous allez à Rodez, ne le ratez pas car il vaut vraiment le coup! Il présente plus de mille objets de la préhistoire au début du XVII siècle. Les pièces les plus rares du musée que j'ai adorées sont les fameuses et splendides statues-menhirs. Elles ont été érigées 3000 ans avant notre ère. Ce sont les plus anciennes représentations de l'homme (et de la femme!) connues en Europe occidentale.
statue-menhir du musée Fenaille à Rodez |
Un ami vient de le visiter, il m'en a parlé (les deux musées!), je crois qu'il vaut mieux le voir de ses yeux.
RépondreSupprimerA quand la reprise du jeu?
(et je reviens sur un vieux débat, les captcha, c'est vraiment casse pieds)^_^
les captcha, casse-pied mais indispensable pour éviter les ennuis.
SupprimerLe jeu on en discute pour bientôt.
les deux musées à voir absolument!
Cela donne vraiment envie puisque il faut les voir de "ses yeux-vus". Je n'avais jamais entendu parler du Musée Fenaille. Le menhir me fait penser aux pierres des Pictes mais bien sûr beaucoup plus tardives
RépondreSupprimerOui, il est très difficile de juger Soulages sur des reproductions puisque tout est dans le jeu de lumière que renvoie le noir.
SupprimerC'est vraiment formidable, une telle fréquentation... Effectivement, ça doit faire taire les grincheux ! ;-)
RépondreSupprimerLes détracteurs du musée ont été nombreux entre ceux qui s'y opposaient sur le plan financier et ceux qui dédaignent Soulages, Yves Berger , Fery... . je peux très bien comprendre que l'on n'aime pas Soulages mais de là à prendre ceux qui l'aiment pour des imbéciles!
SupprimerL'extérieur du musée, c'est du Soulages tout craché :-)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le premier tableau que tu présentes, j'y vois des bateaux à voiles.
La statue-menhir du musée Fenaille est fascinante.
Oui les statues sont fascinantes, c'est la première fois que je voyais cette forme de représentation de l'être humain.
SupprimerJe veux les voir .. tous les deux, mais le Soulages avant tout. Je garde un souvenir ébloui de son expo au Centre Pompidou et j'avais déjà eu l'occasion de voir ses œuvres avant dans des galeries. Tu as raison sur le peu de rendu en photo, il faut être devant, tourner autour, se rendre compte de ce que la matière et la couleur renvoient. Bon, tu as compris je suis fan, et une fois de plus Ferry aurait mieux fait de se taire. Tu as visité les vitraux de Conques ?
RépondreSupprimerNon , je n'ai pas vu les vitraux de Conques, ce qui doit être aussi de toute beauté.
SupprimerWow quel beau billet! Je suis passionnée d'art et ces oeuvres modernes cachent de grands trésors. Qu'est-ce que j'aimerais visiter ce musée. Quelle chance!
RépondreSupprimerIl va falloir venir en France! mais toi tu as les oeuvres des musées amérindiens qui sont passionnantes!
SupprimerJe n'étais guère sensible à ses œuvres. Mais j'avoue qu'avec la maturité, je regarde autrement.
RépondreSupprimerLe plaisir de l'art contemporain se gagne! C'est moins évident que l'art classique auquel nous sommes tous habitués. Quand j'étais jeune, je n'appréciais pas mais c'est peu à peu, au cours de mes nombreuses fréquentations de musée, que j'ai appris à voir et à aimer.
SupprimerJe me suis promis d'aller visiter très vite ce musée, tant j'aime Soulages ! Je protesterai presque contre cette décentralisation qui l'a mis loin de Paris.
RépondreSupprimerChère collègue de LC, je n'ai pas encore fini l'Enéas, c'est toujours programmé pour demain ? Je ne publierai qu'en fin de semaine, le temps de terminer et d'écrire sur le sujet :(
Coucou Océane ! Pour une fois que ce n'est pas à Paris, tu ne vas pas râler tout de même!! Chère collègue de LC, je t'attends pour publier Enéas , à la fin de la semaine si tu l'as fini?
RépondreSupprimerJe suis tres intriguee par Soulages. Le livre de Jacques Laurans t'a t'il apporte quelque chose?
RépondreSupprimerL'interview de Jacques Soulages, lu hier, en apprend beaucoup sur sa (ses) demarche(s).
Il me semblait bien que tu avais présenté le musée Soulages, je prends note du petit livre que tu conseilles.
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