Henrik Johan Ibsen est un dramaturge norvégien. Il se présente comme un « anarchiste aristocrate». Fils de Marichen Ibsen et de Knud Ibsen, Henrik Johan Ibsen naît dans un foyer que la faillite des affaires paternelles, en 1835, désunit rapidement.…
De sa pièce de théâtre Peer Gynt (1867), Henrik Ibsen disait : « De l’ensemble de mes livres je (le) tiens pour celui qui est le moins susceptible d’être compris en dehors des pays scandinaves ». Et si cela ne tenait qu’à moi, je dirais que c’est bien vrai. Et pourtant elle a joui d’un engouement exceptionnel aussi bien en Norvège que dans le monde entier, et a été traduite dans de nombreuses langues. Lire Peer Gynt m’a bousculée dans mes attentes, en me faisant dévier du chemin théâtral que je connais et je ne parle pas seulement des pièces classiques. Même le théâtre élisabéthain et encore moins le drame romantique et les revendications d’Hugo, ni les pièces contemporaines, ne m’ont permis de m’adapter facilement à un tel chamboulement! je suis allée de surprises en surprises tant en ce qui concerne la langue que le déroulement de la pièce et surtout le sens. Que veut dire le dramaturge? Même à la fin de la pièce, l’on s’interroge.
La traduction de la Pléïade dans laquelle j’ai lu la pièce n’est pas en vers mais les niveaux de langue toujours changeants sont bien rendues : Poésie et lyrisme, alternent avec un langage protéiforme satirique, familier voire au trivial. Bien sûr, chez Shakespeare ou Hugo aussi, on retrouve aussi ce changement de registre mais la familiarité et la vulgarité sont le propre des personnages grotesques et ne concernent pas, ou alors rarement, les personnages nobles. Dans Peer Gynt, le mélange du fantastique et de l’humour, les personnages sont parfois comiques et même caricaturaux là où l’on s’attendrait à avoir peur, est aussi étonnant.
Peer Gynt est un lesedrama c’est à dire une pièce en vers destinée seulement à la lecture, ce qui laissait à son auteur la possibilité de laisser libre cours à son imagination : les personnages fantastiques du folklore norvégien envahissent la scène, les décors sont nombreux et divers, on est transporté des forêts profondes et des fjords norvégiens à l’Afrique, dans le désert, au milieu des palmiers comme au pied du Sphynx égyptien. Une pièce qui ne devait pas être jouée et pourtant elle a été portée à la scène un grand nombre de fois! Ce que l’on peut expliquer par le fait qu’elle stimule par sa complexité même la créativité des plus grands metteurs en scène.
En fait la pièce qui compte cinq actes paraît diviser en trois parties déterminées par les lieux et les périodes de la vie de Peer Gynt.
La jeunesse de Peer Gynt
La première partie se déroule en Norvège et correspond à la jeunesse de Peer Gynt. Le jeune homme, inspiré d'un personnage folklorique norvégien, ment toujours et prétend vivre des aventures qui sont arrivées à d’autres. Il est incapable d’assumer ses responsabilités, de s’occuper de sa ferme et de venir en aide à sa mère, Ase. C’est dans cette partie que Peer Gynt se met à dos les villageois, veut épouser la fille du roi des trolls, le seigneur des montagnes de Dove. Poursuivi par ses ennemis, il s’enfuit après la mort d'Ase et après avoir salué Solveig, une jeune fille qui l’aime et qui promet de l’attendre.
C’est la partie que j’ai préférée avec la poésie de la nature norvégienne qui occupe la première place et l’étrangeté du Petit Monde, les trolls, les nixes, les sorcières, qui sont la base des croyances populaires, un héritage de la culture païenne. Notons aussi la très belle scène de la mort d'Ase, si émouvante et poétique dans laquelle le fils accompagne sa mère au seuil de la mort.
Peer Gynt est un ambitieux, à la recherche du pouvoir et de la richesse. Il est prêt à tout pour épouser la princesse sauf.. à se laisser crever les yeux! C’est alors que le roi des Trolls prononce une phrase qui semble porter le sens (un des sens?) de la pièce. A la question : quelle est la différence entre un humain et un troll? Il répond : On dit à l’humain « Homme, sois toi-même! » et au troll « Troll, sois pour toi-même! »
La maturité de Peer Gynt
dessin de décor : la cabane de Solveig de Nicholas Roerich |
La deuxième partie raconte la maturité de Peer Gynt qui a vécu des aventures multiples. On le retrouve courant les mers ou les déserts, l’Afrique ou l’Amérique, tour à tour négrier, contrebandier, prophète, toujours empêtré dans le mensonge qui devient une arme pour manipuler autrui.
C’est la partie que je n’ai pas aimée et qui m’a ennuyée, trop rocambolesque, ni fantastique, ni proche de la réalité. De plus, l’Afrique de Ibsen est très convenue, rien à voir avec l’authenticité qui est la sienne quand il parle de son pays!
Peer Gynt, le mauvais garçon, s’est encore endurci dans le mal, allant jusqu’au meurtre pour sauver sa vie. Le personnage devient de plus en plus corrompu et repoussant. Alors que Solveig, toujours fidèle dans son amour et sa foi, l'attend au pays.
La parole du roi des montagnes de Dove se réalise. Peer Gynt est bien un troll et non un humain car il n’est pas lui-même, il est pour lui-même !
La vieillesse de Peer Gynt
Peer Gynt et les trois pelotes(incarnation des Trolls) |
La troisième partie se déroule en Norvège, c’est la vieillesse de Peer Gynt guetté par la Mort et que le diable poursuit de ses assiduités. Peer Gynt, le menteur, s’en sort toujours par une pirouette, en utilisant le mensonge pour berner les autres. Mais au moment où rien ne paraît pouvoir le sauver, l’amour de Solveig le tire des griffes de ses ennemis. L’amour plus fort que la mort? Oui, mais pour combien de temps? La fin reste ouverte :
on entend la voix du fondeur de boutons derrière la maison : Nous nous rencontrerons au tout dernier carrefour, Peer, et alors, nous verrons...si... Je n'en dis pas davantage.
on entend la voix du fondeur de boutons derrière la maison : Nous nous rencontrerons au tout dernier carrefour, Peer, et alors, nous verrons...si... Je n'en dis pas davantage.
J’ai aimé ce passage car l’on retourne en Norvège dont l’auteur nous restitue l’essence. L’on retrouve alors les personnages populaires, la mort symbolisée par le Fondeur de boutons, chacun doit passer dans sa cuiller. Le diable apparaît sous les traits d’un personnage maigre, avec un filet d’oiseleur sur l’épaule pour attraper les âmes perdues et avec un sabot à la place d’un pied, figure coutumière des légendes norvégiennes.
Solveig est l’antithèse de Gynt. Si celui-ci incarne le mal, l’égoïsme, la manipulation d’autrui, Solveig est altruisme, bonté, dévouement. Mais dans ce combat entre le mal et le bien qui est au centre la pièce, jamais l’on ne voit Peer Gynt évoluer vers le Bien. Sauf, un moment éphémère où le chant de Solveig et sa fidélité lui font comprendre ce qu’il a perdu. Quant à Solveig, elle paraît être une idée désincarnée plus qu’un être réel. Le pessimisme et l'amertume d' Ibsen semblent triompher.
Suite musicale de Peer Gynt, musique de Grieg
Henrik Ibsen avait demandé à Edvard Grieg de mettre sa pièce en musique alors que les deux hommes ne s'entendaient pas! Grieg trouvait la pièce "débordante d'esprit et de fiel". Quant à Ibsen, il n'apprécia pas la musique composée par Grieg peut-être trop romantique pour convenir à la noirceur satirique de Peer Gynt? Pourtant l'oeuvre musicale connut un immense succès. Si vous avez le temps, écoutez ces extraits. Vous verrez que même si vous pensez ne pas la connaître, cette musique vous parlera!
Edvard Grieg: Au matin suite 1/1 op. 46
Edvard Grieg : Chanson de Solveig suite 2 /4 op.55 : chanté par la soprano norvégienne Marita Solberg
Edvard Grieg : Dessin animé sur la suite 1/ 4 Op. 46 de Peer Gynt Dans l'antre du roi de la montagne. C'est cette musique que Fritz Lang a utilisé dans M. Le Maudit.
Edvard Grieg |
Edvard Grieg naît à Bergen en 1843 et meurt dans sa ville natale en 1907.
Pianiste de formation, Edvard Grieg est un compositeur norvégien de la période romantique. Il est particulièrement attaché à la mise en valeur du folklore norvégien au moyen de la musique.
Edvard Grieg naît dans une famille de musiciens : son père joue en tant qu’amateur dans un orchestre de la ville, sa mère lui donne ses premières leçons de piano et lui fait découvrir l’histoire de la musique à travers Mozart, Weber et Chopin. Grâce aux encouragements du violoniste norvégien Ole Bull dont il fait la connaissance à l’âge de quinze ans, Edvard Grieg part en 1858 au conservatoire de Leipzig pour y faire ses études musicales. Il découvre les œuvres de Schumann ou de Wagner au Gewandhaus, et propose sa première composition à son examen final en 1862 (Quatre pièces pour piano).
Edvard Grieg entame alors une carrière de pianiste. Il déménage à Copenhague où il rencontre les compositeurs Niels Gade et Rikard Nordaak, et commence à éprouver un intérêt prononcé pour la culture nordique. En 1867, il s’installe à Christiana et y fonde l’Académie norvégienne de musique. Il dirige régulièrement l’orchestre de la société de musique et compose de nombreuses pièces (Humoresques, Concerto en la mineur pour piano), ce qui est d’autant plus facile lorsqu’il se voit accorder par l’Etat une rente viagère, à partir de 1872.
En 1876, Edvard Grieg rencontre le succès avec Peer Gynt, un opéra né de l’œuvre d’Ibsen. Après une période de crise durant laquelle il se concentre sur le folklore de sa région, il part en tournée en Europe et se fait acclamer de toutes parts. La qualité de l’écriture pianistique inspirée par Liszt, ainsi que l’audace de l’harmonie, font de Grieg un compositeur majeur de la Norvège et inspireront Debussy ou Ravel. (Source bibliographique: France Musique)
Pianiste de formation, Edvard Grieg est un compositeur norvégien de la période romantique. Il est particulièrement attaché à la mise en valeur du folklore norvégien au moyen de la musique.
Edvard Grieg naît dans une famille de musiciens : son père joue en tant qu’amateur dans un orchestre de la ville, sa mère lui donne ses premières leçons de piano et lui fait découvrir l’histoire de la musique à travers Mozart, Weber et Chopin. Grâce aux encouragements du violoniste norvégien Ole Bull dont il fait la connaissance à l’âge de quinze ans, Edvard Grieg part en 1858 au conservatoire de Leipzig pour y faire ses études musicales. Il découvre les œuvres de Schumann ou de Wagner au Gewandhaus, et propose sa première composition à son examen final en 1862 (Quatre pièces pour piano).
Edvard Grieg entame alors une carrière de pianiste. Il déménage à Copenhague où il rencontre les compositeurs Niels Gade et Rikard Nordaak, et commence à éprouver un intérêt prononcé pour la culture nordique. En 1867, il s’installe à Christiana et y fonde l’Académie norvégienne de musique. Il dirige régulièrement l’orchestre de la société de musique et compose de nombreuses pièces (Humoresques, Concerto en la mineur pour piano), ce qui est d’autant plus facile lorsqu’il se voit accorder par l’Etat une rente viagère, à partir de 1872.
En 1876, Edvard Grieg rencontre le succès avec Peer Gynt, un opéra né de l’œuvre d’Ibsen. Après une période de crise durant laquelle il se concentre sur le folklore de sa région, il part en tournée en Europe et se fait acclamer de toutes parts. La qualité de l’écriture pianistique inspirée par Liszt, ainsi que l’audace de l’harmonie, font de Grieg un compositeur majeur de la Norvège et inspireront Debussy ou Ravel. (Source bibliographique: France Musique)
Je ne connais pas bien Peer Gynt, mais il y a beaucoup d'œuvres de Grieg que j'aime beaucoup. Je vais découvrir mieux cette œuvre grâce à ton billet!
RépondreSupprimerMais si tu écoutes la musique, tu verras que tu la connais parce qu'elle est très célèbre et souvent jouée ou utilisée dans des films.
SupprimerC'est un bon souvenir de lecture et la musique par contre est de celle que j'écoute souvent, la chanson de Solveig est magnifique et Le Matin met de bonne humeur le genre de musique qui enchante
RépondreSupprimerLe matin, une musique très descriptive qui parle à l'imagination et fait naître des images, fait jaillir la lumière. La chanson de Solveig est d'une grande pureté. En fait, je connaissais plus le Peer Gynt de Grieg que celui de Ibsen.
SupprimerVoilà qui donne envie de partir à la découvrir de toutes ces versions!
RépondreSupprimerDifficile de le voir sur scène mais sait-on jamais!
SupprimerGrand merci, ClaudiaLucia, pour cette article de toute beauté grâce auquel je viens de relire la fin de la pièce, dans mon exemplaire de poche en Garnier-Flammarion (traduction de Régis Boyer). J'avoue que j'avais un peu oublié le passage du carrefour et cela m'intriguait.
RépondreSupprimerJ'en ai profité aussi pour redécouvrir celui de l'acte IV, quand Peer Gynt discute politique avec ses "amis" (le français Mr Ballon et l'anglais Master Cotton entre autres) et qu'il évoque la révolte des Grecs contre la domination ottomane. Un passage qui, cent cinquante ans après (la révolte crétoise a débuté le 26 mai 1866 et l'écriture de Peer Gynt date de cette année là) n'a rien perdu de son actualité.
Quant aux deux suites de la musique de scène, je suis fan depuis toujours ! En particulier de la sublime "Chanson de Solveig".
Encore merci pour cette excellente présentation et pour les vidéos, l’interprétation de Marita Solberg est vraiment divine.
Bises
Oui et cette discussion aboutit à une chute assez terrible: Alors que tous croient que Peer Gynt veut secourir les grecs il dit qu'il a donné son soutien aux turcs!
SupprimerJ'adore la chanson de Solveig moi aussi!
Je connais la musique, mais pratiquement pas l'histoire. J'avoue ne pas être tentée de la lire, surtout s'il y a des passages ennuyeux.
RépondreSupprimerEnnuyeux pour moi dans cette quatrième partie mais regarde, Tilia, a aimé! Rt puis je crois que c'est le genre d'oeuvre qu'il faut lire plusieurs fois pour parvenir à tout saisir.
SupprimerMerci pour cet article dense et documenté, qui m'en apprend beaucoup. La Chanson de Solveig est un air que j'aime beaucoup. Je ne sais pas si je comprends la pièce de Ibsen, mais elle m'a toujours renvoyée à ma propre inefficacité, à mon incapacité à trouver qui je suis, où je veux aller, et ce que je peux apporter de bon à ce monde. Elle me rend nostalgique de je ne sais quoi... C'est peut-être ce que j'aime le plus dans cette œuvre.
RépondreSupprimerBonne fin de weekend à toi.
Heureuse d'avoir ta visite Océane! Tu vas reprendre ton blog? Oui, je pense qu'il doit y avoir de nombreuses interprétations possibles et ce que tu en dis me paraît très intéressant. La rencontre de Peer Gynt avec le Courbe quand il échappe aux trolls de la montagne du Dove, l'oblige à emprunter toujours la ligne courbe, le mensonge autrement dit la ruse et cela le coupe définitivement du droit chemin.
SupprimerJe découvre ce blog et j'aime. Je vous mets dans mes liens !
RépondreSupprimerMerci Nikole et moi je viens te voir!
SupprimerNikole, le lien ne m'amène pas jusqu'à ton blog. Je n'ai pu venir te voir.
SupprimerComment ne pas se laisser enchanter par cette musique ? J'écoute le premier extrait - reconnu, en effet - et les autres suivront. Je n'ai jamais lu "Peer Gynt", tes explications m'ont beaucoup appris, un grand merci.
RépondreSupprimerUne manière de me mettre dans le "bain" norvègien. j'y vais en Mai. Et je sais que près de Bergen,je visiterai la maison de Grieg sur la colline des Trolls!
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