Voilà encore un livre que j’ai adoré ! Merci à Kathel de me l’avoir fait connaître : son billet est ici
Joseph O’Connor place l’action de son livre Le bal des ombres dans la ville de Londres en 1878 et dans le cadre du théâtre Lyceum, alors en très mauvais état, acheté et rénové par Sir Henry Irving, célèbre acteur de l’époque. Celui-ci va prendre pour directeur financier un écrivain sans succès, lui-même persuadé d’être un raté, Bram Stoker qui est pourtant le père d’un des personnages les plus célèbres du monde, être fantastique devenu un mythe : Dracula. Une femme vient rejoindre ces deux hommes, actrice aussi célèbre en Angleterre que Sarah Bernhardt en France, Ellen Terry. Cette dernière forme avec eux un trio à l’intérieur duquel l’amitié et l’amour le disputent parfois à la colère et la trahison mais parviennent toujours à triompher.
Les personnages
Ellen Terry dans Catherine d'Aragon |
Le bal des ombres rappelle à la vie des personnages historiques fascinants.
Henry Irving n’est pas seulement un acteur hors norme, démesuré et génial, un metteur en scène illuminé mais aussi un homme colérique, explosif, mégalomane et torturé. Et son ami, le très sérieux et très gentil - malgré sa force herculéenne- Bram Stoker, fait figure, en tant que financier, de rebrousse-poil, d’empêcheur de danser en rond; il est celui qui compte les recettes et les dépenses, celui qui brime et interdit le luxe inconsidéré, d’où une situation explosive entre les deux hommes. Ellen Tracy est une actrice pleine de finesse et d’émotion. Elle est la figure de la femme libre, totalement indépendante, imperméable aux jugements sociaux, qui choisit ses amants comme elle l’entend. Il faut lire sa diatribe contre le mariage ou plutôt contre les maris qui est un modèle du genre.
C’est autour de ce trio mythique que le roman va s’articuler, Bram Stoker en étant le principal narrateur parlant de lui-même, à la fois comme « je » et comme « il », dans une sorte de dédoublement qui sied bien au personnage. En effet, il porte en lui des zones d’ombre. Son image n’est pas aussi lisse et lumineuse qu’elle le paraît. C’est à l’intérieur de son cerveau que vivent et s’ébattent les monstres qui se nourrissent de leur créateur et peuplent ses écrits.
Parmi les personnages secondaires, Florence, l’épouse délaissée de Bram Stoker, est aussi un femme forte, indépendante, qui saura garder une amitié indéfectible à son mari. C’est elle qui obtiendra, après la mort de Stoker, quand paraît Nosfératus, le plagiat de Dracula, que les droits d’auteur de son mari soient reconnus, créant ainsi un précédent qui servira tous les écrivains.
Histoire et Fantastique
Henry Irving |
Le roman joue, entre lumière et ombre, sur le réel et le fantastique, un récit hanté, effrayant et surtout enveloppant. Nous déambulons dans l’atmosphère trouble des nuits londoniennes, des rues noyées dans le brouillard où sévit Jack l’éventreur et où erre un Bram Stocker agité, angoissé, en proie à des tourments intérieurs, peut-être habité par ces vampires ? On est transporté dans le grenier du théâtre, devenu le bureau secret de Bram Stocker, décor hors du temps où le fantôme de Mina « vit » sa mort violente et devient l’amie de l’écrivain. On se laisse emporter par ce passage de la vie à la mort, par cet entre-deux qui déstabilise le lecteur et crée un aura de mystère et d’angoisse.
Un hommage au théâtre
Théâtre Lyceum |
La vie du Lyceum, sa résurrection, ses réussites et ses échecs, ses joies et ses peines, ses tournées dans les pays étrangers font parti des thèmes passionnants et variés du roman.
Le bal des ombres est le lieu où s’élabore le théâtre, où se construisent les mises en scène, où les Hamlet, lady Macbeth, Richard III ou Henry VIII prennent vie et s’incarnent. Les apparitions de ces grands personnages célèbres viennent se mêler à ceux de notre trio mais aussi à d’autres, Oscar Wilde, Bernard Shaw, Walt Whitmann, leurs amis ou détracteurs… Nous sommes bien sur une scène mais comment distinguer une ombre d'une autre ? Chacun y joue son rôle et s’efface, laisse place à une autre ombre et tout n’est enfin que ombre de l’ombre.
Un bal à la musique triste
Bram Stoker |
On est saisi d’une émotion qui naît de la tristesse de cet homme blessé qui n’a jamais su qu’il avait créé un mythe universel et qui s’est éteint dans l’obscurité. On est animé aussi d’une mélancolie nourrie de toutes ces figures fugitives qui reviennent du passé pour danser autour de nous. Nous sommes entraînés dans un bal dont la musique nostalgique retentit encore doucement bien après que l’on ait fermé le livre.
Remarque : Pourtant je lis, dans une critique sur Babelio, la réflexion suivante, que je cite :
C'est intéressant, mais j'ai eu comme la sensation que Joseph O'Connor avait appuyé par mégarde sur une pédale qui étouffe le son, met tout en sourdine, empêche la musique d'éclater.
Bref, un gros potentiel, mais ça reste un peu timoré, ça ne m'a pas complètement emballée.
Inutile de dire que je ne suis pas du tout d’accord avec cet avis même s’il est intéressant ! Non, Joseph O’Connor n’a pas appuyé par mégarde sur la pédale, il l’a fait exprès ! Nous sommes dans la demi-teinte. Il a sciemment voulu que la musique n’éclate pas, il a mis une sourdine aux sentiments qui naissent en nous à la lecture de ce livre. Il a refusé l’éclat pour mieux nous envelopper dans une brume nostalgique, une douce tristesse, afin de ne pas nous laisser oublier que ce sont des ombres qu’il convoque devant nous et que ces fantômes, comme à la fin de toute pièce de théâtre, vont retourner dans les limbes dont il les a tirés pour nous, l’espace d’un livre.
Et c’est pourquoi j’ai adoré ce très beau roman ! Et c'est pour cela qu'il m'a complètement emballée !
Je comprends l'avis que tu cites de Babelio. J'ai aimé ce roman mais j'ai trouvé qu'il était trop atmosphère et brume qu'il manquait de substance.
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai beaucoup aimé le traitement de Wilde, comme un fantôme qui passe à l'arrière-plan, qui entraîne un vent de panique derrière lui.
Et moi, c'est ce que j'ai le plus aimé, cette atmosphère brumeuse, ces ombres qui surgissent du passé, ce mode mineur qui procure un sentiment de tristesse douce, diffuse! Mais on lit avec sa propre sensibilité, d'où des ressentis qui sont très différents. Oui, le traitement de Wilde est très bon et je dirais la même chose des autres personnages.
SupprimerJe suis ravie de lire cet avis enthousiaste. Et je trouve très bien vu ton dernier paragraphe !
RépondreSupprimerC'est toi qui m'a donné envie de lire ce roman et je ne le regrette pas ! j'ai été sensible comme toi à l'atmosphère du livre.
Supprimerah là tu viens de faire une adepte, j'avais noté ce livre chez Kathel mais je crois que j'ai lu son billet au mauvais moment et je ne l'ai pas fait suivre d'une lecture
RépondreSupprimerici je crois être enfin convaincue
Tant mieux ! j'espère que ce sera une bonne lecture.
SupprimerJ'adore Joseph O'Connor, auteur qui a suscité plusieurs coups de cœur (A l'irlandaise, Muse, Redemption falls...) et pourtant je n'ai toujours pas lu celui-ci, malgré tous les avis enthousiastes !
RépondreSupprimerMerci pour la piqûre de rappel et pour ce billet très complet.
Quant à moi, je vais lire d'autres livres de Josoph O'Connor et en particulier les titres que tu cites.
SupprimerJ'ai noté ce roman chez Kathel moi aussi, je vais essayer de l'avoir à la bibliothèque. En ce moment c'est un peu le bazar de ce côté là.
RépondreSupprimerJe t'assure qu'il vaut le coup ! Pas toujours facile d'avoir les romans récents en bibliothèque !
SupprimerC'est bien tentant. Je ne connais pas cet auteur mais ma liste à lire est si longue que je ne sais quand je m'y mettrai
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il vaudrait mieux lire d'abord ceux que l'on a chez nous, cela éviterait les piles d'attente !
SupprimerBonjour Claudia. Il ya longtemps que je n'avais pas laissé un mot chez toi. Très enthousiaste moi aussi. Ombres du théâtre et fascination pour ces personnages. Mais je suis un grand adepte de Joseph O'Connor dont j'ai lu presque tout ce qui est paru en France. La plupart sont chroniqués sur mon blog. Bonne journée.
RépondreSupprimerHeureuse de te revoir ici ! Je vois que tu as apprécié et comme je ne connais pas les autres livre d'O'Connor, je sens que je vais avoir envie de les lire. Je vais venir grapiller chez toi !
SupprimerLa couverture est magnifique ! JE note, je ne l'avais pas encore repéré. Vu le type de personnage ( Bram stocker et autres, je pense que ça pourrait me plaire...)
RépondreSupprimerC'est vrai, j'aime cette couverture ! et l'intérieur est tout aussi bien !
SupprimerMerci pour ce joli billet, j'aimerais découvrir ce roman tout en contrastes. J'en profite pour t'envoyer mes meilleurs voeux pour 2021 de joies, de santé et de belles découvertes livresques ;)
RépondreSupprimerMerci pour ta visite et tes voeux ! A mon tour, je te présente les miens et te souhaite une bonne année..
RépondreSupprimerCet auteur est admirable ! Tu devrais lire « Muse » ... comme c’est beau ! Je te présente tous mes vœux pour année 2021 la plus douce possible :)
RépondreSupprimerCet auteur est admirable ! Tu devrais lire « Muse » ... comme c’est beau ! Je te présente tous mes vœux pour année 2021 la plus douce possible :)
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