Le fantastique est l’un des thèmes étudié en classe de quatrième. J’ai donc relu La Vénus d’IIle de Prosper Mérimé pour accompagner ma petite-fille. Dans cette nouvelle qui se passe dans les Pyrénées orientales, au pied du Canigou, dans la petite ville d’Ille, le narrateur, un savant archéologue, est reçu par monsieur de Peyrehorade, antiquaire, qui l’invite à admirer la statue antique que ses employés ont déterrée au pied d’une souche d’olivier. Cette statue, d’une grande beauté, est une Vénus romaine mais le narrateur constate que l’artiste a donné à la Vénus un expression méchante. D’autre part, une inscription, Cave Amantem, que l’auteur traduit ainsi « Prends garde à toi si elle t’aime. » semble avertir ses admirateurs qu’elle est dangereuse et qu’il ne faut pas prendre l’amour à la légère.
Cette expression d’ironie infernale était augmentée peut-être par le contraste de ses yeux incrustés d’argent et très brillants, avec la patine d’un vert noirâtre que le temps avait donnée à toute la statue. Ces yeux brillants produisaient une certaine illusion, qui rappelaient la réalité, la vie. Je me souvins de ce que m’avait dit mon guide, qu’elle faisait baisser les yeux à ceux qui la regardaient.
Le narrateur est invité au mariage du fils de Mr Peyrehorade, Mr Alphonse, qui a lieu un vendredi, le jour de Vénus. Celui-ci dans un geste de défi passe l’anneau de mariage destiné à la fiancée, au doigt de la statue. Dans la nuit, après le mariage, on entend des pas sourds dans l’escalier et au matin on retrouve le jeune marié mort, étranglé. Son épouse rend la Vénus responsable.
Dans cette nouvelle, le choix de l’écrivain est de placer le récit sous la plume d’un témoin extérieur, l’archéologue, et non, comme dans le Horla, sous celle de la victime qui dit « je » et rapporte les évènements tels qu’elle les vit. En fait, nous ne voyons et nous n’entendons que ce que nous raconte le narrateur et c’est notre imagination qui complète le reste. Ainsi tous les faits peuvent être interprétés différemment et libre à nous de voir le fantastique dans tous ces évènements ou de leur donner une explication rationnelle.
Ainsi monsieur Alphonse boit trop de vin de Collioure pendant le dîner. Il est ivre quand il explique au narrateur que la statue refuse de lui rendre la bague. Propos d’ivrogne ou vérité ? Les pas lourds entendus dans l’escalier peuvent être les pas du jeune homme aviné ou ceux de la statue venue réclamer son époux ?
Le silence régnait depuis quelque temps, lorsqu’il fut troublé par des pas lourds qui montaient l’escalier. Les marches de bois craquèrent fortement.
— Quel butor ! m’écriai-je. Je parie qu’il va tomber dans l’escalier.
La jeune mariée a-t-elle raison ou est-elle devenue folle ? La police suspecte un homme mais ne parvient pas à trouver le coupable. Fantastique ou réalité ? Et la chute de la nouvelle introduit la même interrogation : La statue est fondue en cloche mais depuis que celle-ci sonne au clocher de l’église les vignes ont gelé deux fois. Oui mais… l’hiver précédent, Mérimée a pris soin de nous le faire savoir au début du récit, bien avant la découverte de la statue, l’hiver avait été rude.
Ainsi le fantastique de la nouvelle fonctionne très bien. De plus, j’ai trouvé une grand intérêt dans les portraits dressés par Mérimée, certains avec beaucoup d’humour comme celui du guide du narrateur qui lui explique la longévité de la statue,
Une grande femme noire plus qu’à moitié nue, révérence parler, monsieur, toute en cuivre, et M. de Peyrehorade nous a dit que c’était une idole du temps des païens… du temps de Charlemagne, quoi !
d’autres avec sévérité comme celui du fils Peyrehorade, un imbécile sans cervelle et sans culture, lourd, cupide. Il épouse sa jolie, intelligente et fine fiancée pour sa dot, sans se préoccuper de ses sentiments. Il n’a aucune délicatesse de sentiments. Ayant oublié la bague au doigt de la statue, il donne à sa jeune épouse un anneau, cadeau d’une de ses maîtresses.
Les deux cérémonies civile et religieuse s’accomplirent avec la pompe convenable ; et Mlle de Puygarrig reçut l’anneau d’une modiste de Paris, sans se douter que son fiancé lui faisait le sacrifice d’un gage amoureux.
En conclusion, il mérite bien son sort, celui qui se moque de l’amour !
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je l'ai lue au collège aussi, j'avoue que j'en ai peu de souvenirs, à relire!
RépondreSupprimerEn le relisant on note toutes sortes de détails qui échappent ou qui paraissent secondaires mais ont leur importance.Ainsi, à propose de la jeune mariée, Mérimée fait preuve d'une délicatesse et d'une compréhension envers les femmes que ne possède pas ce malotru d'Alphonse !
SupprimerJ'ai lu La Vénus d’IIle une première fois lorsque j'étais au collège puis une seconde, il y a quelques années. Merci pour cette ultime participation au challenge Bonnes nouvelles.
RépondreSupprimerParticipation un peu en retard ... mais je n'ai pas beaucoup de courage en ce moment pour écrire. Heureusement, pour la lecture, ça va !
SupprimerJ'en avais un souvenir vague, tu décortiques bien l'histoire
RépondreSupprimerLa nouvelle est riche, je n'en ai pas fait tout le tour.
SupprimerJ'ai relu aussi cette nouvelle (ou court roman) pour accompagner une de mes petit fils en quatrième, il n'a pas aimé et moi non plus, je trouve cet auteur n'a pas résisté au temps.
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord avec toi, je trouve cette nouvelle bien construite et riche au niveau des personnages et de la vie dans cette région française. Certes, Mérimée n'est pas et n' a jamais été mon écrivain préféré du XIX siècle. Il n'est pas au niveau des plus grands ( Hugo, Stendhal, Zola ou Balzac), il est plus limité et la nouvelle lui convient mieux que le roman. Ceci dit, je trouve que cette nouvelle a bien résisté au temps. C'est, d'ailleurs, la nouvelle que ma petit-fille a préférée !
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