En
1739, la Grande-Bretagne et l’Espagne se lancent dans une guerre
maritime pour étendre leur Empire respectif et s’approprier les
richesses des colonies. C’est ainsi que la Grande Bretagne arme cinq
navires confiés au commodore George Anson chargé de doubler le cap Horn en
direction des Philippines afin de détruire des navires ennemis,
d’affaiblir les possessions espagnoles de l’Amérique du Sud et de
s’emparer des richesses d’un galion que l’Espagne envoie deux fois par
an du Mexique en Asie. Le Wager est un de ces cinq navires et l’on peut dire
que, dès le début, le voyage s’annonce mal puisque l’escouade prend la
mer en 1740 avec des mois de retard rendant impossible le passage du cap
Horn avant les grandes tempêtes d’hiver.
Pour écrire ce récit non-fictionnel Les Naufragés du Wager David Grann s’appuie sur les nombreuses archives qui ont documenté ce voyage tragique, journaux de bord des commandants, de leurs seconds mais aussi des membres de l’équipage, témoignages, correspondances, articles parus dans les gazettes de l’époque, compte rendu du procès qui eut lieu à l’issue de la mission, sans compter tous les ouvrages qui ont tenté de comprendre ce qui s’était passé et d’en donner une explication. Mais, conclut l'auteur, il faut bien avouer que devant tous ces points de vue divergents, la vérité est bien impossible à établir.
"Aussi, nous avertit-il, au lieu de lisser les dissonances ou d'obscurcir davantage les éléments de preuve, j'ai voulu présenter tous les aspects de cette affaire, en vous laissant le soin de rendre le verdict ultime : le jugement de l'histoire."
Ce travail se présente donc comme une enquête judiciaire qui cherche à éclairer les faits sans influencer notre jugement, un sérieux et impartial travail d'historien.
John Byron, le grand-père du poète George Byron |
Mais
c’est aussi un récit d’aventures
car la réalité, parfois, dépasse la fiction et l’on finit par penser que
Robinson Crusoé avait bien de la chance d’être exilé en solitaire sur
une île hospitalière, de même que les mutins du Bounty sur une terre paradisiaque.
David
Grann nous présente d’abord les membres de l’expédition, du moins ceux
qui ont tenu un rôle important : le Commodore George Anson, le capitaine
du Wager, David Cheap, l’enseigne John Byron (l’ancêtre du poète) et ses pairs Henry Cozens et Isaac Morris, le
lieutenant Hamilton ainsi que certains hommes de l’équipage qui eurent une
influence décisive sur les cours des évènements comme le canonnier John
Bulkeley, le charpentier Cumming et bien d’autres. Ils nous
apparaissent, dotés d’un passé, d’une famille, d’une personnalité avec
leurs qualités et leurs faiblesses, leurs rêves et leurs ambitions.
David Grann leur redonne vie tout en respectant scrupuleusement ce que
l’on sait des personnages. Certains, les nobles, assez riches pour se
faire portraiturer, ont aussi un visage.
Comme des héros de romans,
l’écrivain les lance à travers l’Atlantique, livrant bataille, tout
canons dehors, décimés par le choléra et le scorbut, bravant les vagues
gigantesques du Cap Horn, description que le talent de David Grann rend
terrifiante, faisant naufrage sur une île de la Patagonie désormais
appelée l’île du Wager. Cette terre désolée, battue par les vagues,
toujours recouvertes de sombres nuages, de neige, de gel, sans aucune
ressource alimentaire à part quelques rares coquillages est bien ce que
l’on peut appeler un enfer sur la terre. Les marins souffrent de faim,
de froid, de maladie d’une manière qui semble être au-delà de tout
endurance humaine. Ils survivent grâce à quelques vivres retirées de
l’épave mais les relations humaines se dégradent, la solidarité ne fait
pas long feu, l’obéissance au capitaine non plus, mutinerie, vols, actes de violence, meurtre, cannibalisme…
Le capitaine David Cheap |
Finalement, avec le bois récupéré du Wager, les survivants vont construire des embarcations et s’enfuir, le groupe des mutins en abandonnant le capitaine et ses alliés qui partiront de leur côté. Lorsqu’ils reviendront en Angleterre les mutins et le capitaine David Cheap auront à répondre de leurs actes devant un tribunal. Aucun n’est irréprochable !