Tapisserie d'Aubusson |
Je reviens d'Aubusson, en Creuse, et je ne résiste pas à vous donner un aperçu du musée de la tapisserie d'Aubusson
La Cité internationale de la tapisserie fait écho à l’inscription de
la tapisserie d’Aubusson au Patrimoine culturel immatériel par l’UNESCO
en 2009.
Ce lieu dédié au rayonnement de la tapisserie ouvre ses portes à
l'été 2016 au sein de l’ancienne école Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson, entièrement restructurée : 1200 m2
d'exposition, une plateforme de création contemporaine et d'innovation,
un lieu de formation complété par une pépinière art textile / art tissé,
le premier centre de ressources sur la tapisserie en Europe. (site
officiel)
La façade de l'ancienne école de tapisserie a été recouverte de lames multicolores faites de membrane textile et de lames de bois pour évoquer les fils d'un métier. Y sont regroupées les tapisseries du XVième au XXième qui permettent de voir l'évolution de la tapisserie au cours des siècles.
Du XV au XX siècle
La "nef des tentures" exposent les oeuvres classiques parmi lesquelles trône La Millefleurs à la licorne, la plus ancienne tapisserie du musée qui date du XV siècle.
Millefleurs à la licorne (XV siècle) |
Vers la fin du XIX siècle, la tapisserie est tombée en désuétude faute de renouvellement et par manque de créativité. C'est Jean Lurçat qui, en 1939, redonne vie à cet art et l'inscrit dans la modernité.
Jean Lurçat Le soleil de Paris |
A l'arrière plan, Jean Lurçat : Claires |
Jean Lurçat : Claires atelier Raymond Picaud (Aubusson) |
Jean Lurçat célèbre ici les paysages du sud rayonnants et lumineux. Le soleil a tête de lion qui évoque la puissance est une image récurrente de son oeuvre.Toutes ces heures claires vertes bleuesvertes claires bleues
Dom Robert |
J'ai beaucoup aimé aussi l'inspiration de Dom Robert tournée vers la nature dont il révèle la beauté, la poésie. Moine bénédictin et cartonnier, il affirmait : Il n'y a qu'une chose qui ne trompe pas, c'est la nature. La nature, c'est le vrai, le réel." Il citait souvent la phrase de Monet : Je peins ce que je vois, et non ce que les autres voient." Il fait partie d'un mouvement nommé La Nouvelle Tapisserie qui a explosé dans les années 1960 et a pris une ampleur internationale..
à côte des grands noms, Braque, Picasso, Léger, Gromaire, Le Corbusier...
... j'ai découvert des tapisseries de Lucien Coutaud que je ne connaissais pas.
Lucien Coutaud La Jeune endormie (1945) |
Lucien Coutaud : La main magique |
Lucien Coutaud est un peintre peu connu en regard de son oeuvre originale, mystérieuse et dense. Il était peintre, graveur, et utilisait toutes les techniques, lithographies, cuivre, eaux-fortes. Il a aussi réalisé des décors de théâtre ainsi que 29 tapisseries, participant avec Lurçat au renouveau de la tapisserie à Aubusson. Son oeuvre montre son attirance pour le mystère, la magie, l'onirisme et l'ésotérisme. Peintre du surréel, il n'a jamais voulu être classé parmi les surréalistes mais tout son travail est une invitation au rêve. Le réel existe mais toujours avec des frontières floues, à la limite de l'imaginaire.
Tapisserie contemporaine
C'est dans un autre bâtiment que les productions contemporaines sont installées. En effet, depuis 2010, le fonds régional pour la création de la tapisserie contemporaine a initié un appel à projets annuel. Les oeuvres qui obtiennent des prix rejoignent les collections du musée et permettent un renouvellement des tapisseries exposées.
Peau de Licorne
Nicolas Buffe : Peau de licorne
Le premier projet qui obtient le prix en 2010 est Peau de licorne par Nicolas Buffe. Celui-ci, diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, vit et travaille à Tokyo. La licorne représentant l'animal emblématique de la tapisserie, Nicolas Buffe explique : "J’ai conçu un projet représentant la dépouille de la licorne. Dans ce geste quelque peu iconoclaste de tuer le symbole pour le régénérer, j’espère imprimer la marque d’une nouvelle époque pleine de créations stimulantes pour Aubusson mais aussi pour la tapisserie française."
La tapisserie est réalisée en laine et en soie par l'atelier Patrick Guillot en 2011 à Aubusson, la tête et les sabots de la licorne sont en porcelaine de Limoges, émaillés par le Centre de Recherche sur les Arts du Feu et de la Terre de Limoges.
Panoramique Polyphonique
Cécile Le Talec : Panoramique polyphonique |
Cécile Le Talec est lauréate en 2011. Elle a réalisé cette tapisserie tissée en double face, extérieur et intérieur. Quand le visiteur entre dans la structure, il baigne dans une lumière bleutée et se laisse bercer par une musique faite de chants d’oiseaux et du langage sifflé de l’île de la Gomera, inscrit lui aussi, comme la tapisserie d'Aubusson, au patrimoine mondial immatériel de l’Humanité. Calme, rêve, féérie ! Si le spectateur ci-dessous ne paraît pas très rassuré, et pourtant, comme chacun le sait, c'est un chevalier sans peur (mais pas sans reproches), c'est qu'il est encore bien petit !
Cécile Le Talec : Panoramique polyphonique : Visiteur pas très rassuré ! |
Melancholia I de Marc Bauer
Melancholia I de Marc Bauer |
Melancholia I a obtenu le deuxième prix en 2011.
Marc Bauer, artiste suisse vit et travaille à Berlin, est inspiré par la Renaissance italienne ou germanique. Dans cette oeuvre, le dessin de Dürer lui sert de base pour une transposition dans un autre matériau, ici, la tapisserie. "Marc Bauer vise à enrichir le dessin de départ tout en rendant une certaine sculpturalité. Pour l’artiste, la tapisserie ne doit pas seulement être considérée comme le support de l’image, elle doit également exister dans sa réalité propre."
"La tapisserie est tissée en noir et blanc, avec seulement quelques éclats de couleurs vives. Pour la réaliser, un important travail de réflexion avec le lissier est nécessaire afin de rendre compte de l’effet déstructuration, de dilatation voulu par l’artiste. Le lissier doit donc jouer sur la matière de façon assez innovante tout en conservant des techniques de tissage classique, pour les chairs par exemple. La traduction de l’idée d’usure, d’altération dans une tapisserie neuve afin de lui apporter, selon les mots de Marc Bauer, "une deuxième couche émotionnelle" est un défi technique pour le lissier."
Tissée par l'atelier Patrick Guillot à Aubusson, la tapisserie est tombée du métier le 22 novembre 2013. C'est une oeuvre qui a nécessité 2 ans de travail et 8 mois de tissage.
Marc Bauer, artiste suisse vit et travaille à Berlin, est inspiré par la Renaissance italienne ou germanique. Dans cette oeuvre, le dessin de Dürer lui sert de base pour une transposition dans un autre matériau, ici, la tapisserie. "Marc Bauer vise à enrichir le dessin de départ tout en rendant une certaine sculpturalité. Pour l’artiste, la tapisserie ne doit pas seulement être considérée comme le support de l’image, elle doit également exister dans sa réalité propre."
"La tapisserie est tissée en noir et blanc, avec seulement quelques éclats de couleurs vives. Pour la réaliser, un important travail de réflexion avec le lissier est nécessaire afin de rendre compte de l’effet déstructuration, de dilatation voulu par l’artiste. Le lissier doit donc jouer sur la matière de façon assez innovante tout en conservant des techniques de tissage classique, pour les chairs par exemple. La traduction de l’idée d’usure, d’altération dans une tapisserie neuve afin de lui apporter, selon les mots de Marc Bauer, "une deuxième couche émotionnelle" est un défi technique pour le lissier."
Tissée par l'atelier Patrick Guillot à Aubusson, la tapisserie est tombée du métier le 22 novembre 2013. C'est une oeuvre qui a nécessité 2 ans de travail et 8 mois de tissage.
Confluentia de Bina Betail, micro paysage en tapisserie avec deux mobiliers design, a obtenu le grand prix 2012. La tapisserie a été réalisée par l'atelier Françoise Vernaudon
Bina Baitel est née en 1977 à Paris. Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette, elle fonde son propre studio en 2006.
Bina Baitel est née en 1977 à Paris. Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette, elle fonde son propre studio en 2006.
Confluentia de Bina Betail |
If de Patrick Haudressy
La tapisserie de Patrick Haudressy, sculpteur et artiste numérique, français d’origine ouzbek, fait appel a plusieurs techniques : la tapisserie, la sculpture - les oiseaux sont réalisés en céramique-, la vidéo. Un film est projeté sur le fond clair de la tapisserie, animant la scène.
Le projet a été primé en 2014, la tapisserie réalisée par les ateliers Patrick et Marie Guillot et Cc Brindelaine en 2015.
La famille dans la joyeuse verdure
La famille dans la joyeuse verdure de Leo Chiachio et Daniel Giannone |
Le deuxième prix 2013 est remporté par un duo d’artistes, argentins, Leo Chiachio et Daniel Giannone. L'oeuvre est inspirée par l'imaginaire latino-américain, en particulier Guarani. L'image de cette forêt, idéalisée, vivement et joyeusement colorée, avec des détails oniriques, participe au réalisme magique en vigueur dans la littérature américaine du sud. Les deux artistes se sont représentés au centre avec leur chien Piolin et portent des masques et des plumes d’inspiration guaranie. La scène placée dans un cadre de verdure s'inscrit dans les "verdures" des tapisseries d'Aubusson dont les décors sont essentiellement des végétaux, avec des animaux et des oiseaux mais traditionnellement sans personnages humains.
Verdure, tapisserie d'Aubusson |
La famille dans la joyeuse verdure a été tissée par l'atelier A2 à Aubusson et exposée en 2017.
La famille dans la joyeuse verdure (détail) |
Quel beau lieu ce doit être ! J'aime beaucoup toutes celles en noir et blanc ; et le panoramique, on ne doit pas avoir envie d'en sortir de ce bain bleu !
RépondreSupprimerMerci pour cette jolie découverte.
Le bain bleu est une agréable sensation. Quant à la tapisserie blanc et noir Melancholia, elle est vraiment très belle!
SupprimerUn été, je ne sais plus où, j'avais eu l'occasion de voir une exposition des oeuvres de Jean Lurçat et j'avais beaucoup aimé. Je ne connais pas Aubusson, je pourrai peut-être y passer un jour, qui sait ..
RépondreSupprimerIl y a les deux musées de tapisserie mais aussi la Maison du Tapissier pour découvrir la maison d'un lissier et voir le travail de la tapisserie ; je n'ai pas eu le temps de la visiter. La ville est belle (sous le soleil!) mais petite.
SupprimerCela fait vraiment très envie, je suis allée à Aubusson, je devais avoir 11 ou 12 ans, nous avions acheté un carreau de céramique de Lurçat et je me souviens bine de ses tapisseries, les plus récentes me font très envie!
RépondreSupprimerCela fait longtemps que j'aime Lurçat ! Les contemporaines sont belles et leur conception intéressante. Finalement, après être restée longtemps stagnante, la tapisserie devient un art qui sait se renouveler et être en phase avec son époque.
Supprimerquelle richesse ce musée!
RépondreSupprimerOui, c'est une belle découverte !
SupprimerDonc c'était bien Aubusson
RépondreSupprimerquelle chance, cela a l'air magnifique, quand on pense à l'art on ne pense pas immédiatement aux tapisseries et on a tord
ET oui, c'était bien Aubusson ! La tapisserie, en sachant évoluer et en attirant les artistes contemporains est bien un art, en effet.
SupprimerCes musées ont l'air d'avoir de très beaux espaces. En tout cas ce billet donne très envie !
RépondreSupprimerEt je n'ai pas tout vu. Il y a aussi une maison-atelier dans la ville que je n'ai pas eu le temps de visiter.
SupprimerMerci Claudialucia pour cette superbe visite, qui ne fait qu'accroître mon désir d'aller à Aubusson. J'ai été frappée par toutes ces tapisseries contemporaines en noir et blanc comme le sont à présent beaucoup de nos vêtements et décors...
RépondreSupprimerC'est assez sinistre en fait et je me demande ce que cela dit de nous.