Dans La nuit du bûcher de Sandor Marai paru aux éditions Albin Michel, nous sommes à Rome en 1598 au temps de l’Inquisition.
Le narrateur qui écrit à un des frères de son ordre est un moine espagnol du monastère des Carmes d’Avila. On sait dès la première page qu’il ne reviendra jamais à Avila. Il nous reste à apprendre pourquoi.
Inquisiteur, il est envoyé à Rome par son supérieur pour prendre des leçons auprès du Saint-Office catholique romain. L’inquisition espagnole, en effet, pourtant zélée comme chacun sait, accusait un peu de retard par rapport à Rome dans la chasse des hérétiques et leur punition. C’est avec beaucoup de sérieux et de conviction que notre jeune moine s’instruit. Pendant ces deux années d’étude, les tortures, la manière d’obtenir des rétractations et des repentirs, et les différentes façons de brûler les impies, n’ont plus de secrets pour lui. C’est ainsi qu’il aide les inquisiteurs romains et les confortateurs, laïcs qui les assistent, à sauver l’âme des hérétiques en livrant leur corps à la flamme du bûcher pour les purifier. L’ombre de Torquemada règne sur eux et ils sont persuadés de venir en aide au supplicié en l’arrachant à l’hérésie et donc à la damnation. Les autodafés leur apportent à tous le réconfort du devoir accompli. Et pourtant le jour où le narrateur voit brûler Giordano Bruno, il sait qu’il ne pourra plus reprendre la vie monastique à Avila au sein de l’Inquisition espagnole. Je ne vous en dis pas plus !
Le narrateur qui écrit à un des frères de son ordre est un moine espagnol du monastère des Carmes d’Avila. On sait dès la première page qu’il ne reviendra jamais à Avila. Il nous reste à apprendre pourquoi.
Inquisiteur, il est envoyé à Rome par son supérieur pour prendre des leçons auprès du Saint-Office catholique romain. L’inquisition espagnole, en effet, pourtant zélée comme chacun sait, accusait un peu de retard par rapport à Rome dans la chasse des hérétiques et leur punition. C’est avec beaucoup de sérieux et de conviction que notre jeune moine s’instruit. Pendant ces deux années d’étude, les tortures, la manière d’obtenir des rétractations et des repentirs, et les différentes façons de brûler les impies, n’ont plus de secrets pour lui. C’est ainsi qu’il aide les inquisiteurs romains et les confortateurs, laïcs qui les assistent, à sauver l’âme des hérétiques en livrant leur corps à la flamme du bûcher pour les purifier. L’ombre de Torquemada règne sur eux et ils sont persuadés de venir en aide au supplicié en l’arrachant à l’hérésie et donc à la damnation. Les autodafés leur apportent à tous le réconfort du devoir accompli. Et pourtant le jour où le narrateur voit brûler Giordano Bruno, il sait qu’il ne pourra plus reprendre la vie monastique à Avila au sein de l’Inquisition espagnole. Je ne vous en dis pas plus !
« Certes
nous inquisiteurs espagnols voués à servir le Saint-Office connaissons
bien des choses. Mais j’ai été surpris de constater à quel point la
surveillance romaine est bien plus développée et efficace que chez nous.
(…) Alors s’est déroulé lentement devant moi le jeu d’une prévoyance
magnifique orchestrée par la Sainte Inquisition en vue de surveiller la
vie privée des gens, ici, à Rome mais aussi sur l’ensemble du territoire
italien, partout où s’active l’Inquisition. J’ai été empli d’admiration
et de zèle en me rendant compte à quel point tout ce que l’on accomplit
chez nous en Espagne sur ce plan-là est imparfait et primitif. La plupart
du temps nous nous contentons de brûler tous ceux qui sont soupçonnés
d’hérésie et ne peuvent attester de leur innocence. Ici à Rome, on est
plus exigeant : on veut débusquer chez chacun le moindre manquement à
servir les buts de l’inquisition. Les indolents sont tout aussi
dangereux que les hérétiques actifs et véritables... »
Le roman est donc une dénonciation des horribles pratiques de l’Inquisition. La violence est soulignée par la sérénité et la bonne conscience des inquisiteurs et de leurs complices. Mais bien vite, sous la description de ce fanatisme religieux, apparaît au second degré, la dénonciation des totalitarismes vécus par Sandor Marai, du nazisme au stalinisme.
L’habileté de Sandor Marai - qui fait la force du roman- est nous faire découvrir l’Inquisition non par l’intermédiaire d’un détracteur mais au contraire par quelqu’un qui y adhère entièrement ! D’où une ironie féroce qui frappe le lecteur de plein fouet quand le narrateur s’extasie sur les mérites supérieurs de l’Inquisition romaine par rapport à l’espagnole et sur la perfection du système mis en place pour encourager la délation, les souffrances des prisonniers, et l’interdiction de penser par soi-même!
Ce roman passionnant se termine par une très belle déclaration sur la liberté dans laquelle Sandor Marai exprime sa foi en l’homme et dans le triomphe de la pensée.
« Il est à craindre que tant qu’un tel homme* existe quelque part, il soit vain de faire frire les autres sur le gril, de les cuire dans l’huile et de les casser sur la roue. J’avais appris que la Sainte Cause était plus important que tout, qu’il fallait un Seul Berger et un Seul Troupeau. Mais c’était avant d’être frappé comme par la foudre par un doute effrayant : un homme peut compter plus qu’un troupeau »
* Giordano Bruno a existé. La photographie de la première de couverture aux éditions Albin Michel représente sa statue érigée sur le campo del Fiori à l’endroit où il a été brûlée comme hérétique en 1600.
Giordano Bruno est un ancien dominicain, humaniste et philosophe, proche des idées de Copernic, il publie des écrits jugés blasphématoires. Torturé, gardé prisonnier pendant huit ans , il n’accepte pas de de rétracter et meurt sur le bûcher .
Sándor Márai, né Sándor Grosschmid de Mára (Márai Grosschmid Sándor Károly Henrik en hongrois) le 11 avril 1900 à Kassa, qui fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui Košice, en Slovaquie), et mort le 22 février 1989 à San Diego, aux États-Unis, est un écrivain et journaliste hongrois (Wikipedia)
Un auteur jamais lu, mais dans mes listes 'à découvrir', bien sûr
RépondreSupprimerEncore un incontournable !
SupprimerBonjour Claudia. J'ai aimé vraiment ce livre. Pas surprenant, ayant aimé tout autant les huit autres livres de cet auteur que j'ai lus. La plupart sont chroniqués sur mon blog. Bonne journée et à bientôt.
RépondreSupprimerC'est en effet un auteur d'envergure;je viendrai lire les billets sur ton blog.
Supprimerpour moi, l'inquisition est avec sans doute l'extermination des juifs une des choses qui me fait le plus horreur. Je lirai volontiers ce livre surtout que j'ai eu du mal avec cet auteur pourtant considéré par beaucoup comme un très grand écrivain.
RépondreSupprimerC'est un très grand écrivain mais ni facile ni apaisant !
SupprimerTu aurais pu te joindre à Athalie, Miss Léo et moi pour notre LC du 21 ! Je viens de le terminer et de rédiger mon billet. Le choix du narrateur est en effet judicieux, car il rend les descriptions des pratiques inquisitoriales et l'état d'esprit de ces hommes persuadés de servir le bien d'autant plus glaçants. Un réquisitoire qui, au-delà de l'Inquisition, vise toutes les formes de totalitarismes et d'aliénation de la liberté de penser...
RépondreSupprimerJe ne savais pas que vous aviez un billet en commun sur ce livre. Je viendrai vous lire ! Je n'oublie pas les LC d'Avril et de Juin.
SupprimerC'est vrai cette bonne conscience est terrifiante ! Et l'on songe maintes fois au nazisme, en particulier quand le padre explique qu'il faudra envisager de tuer à plus grand échelle !
affreux la vitesse du temps j'avais l'impression de l'avoir lu hier et c'était il y a déjà deux ans
RépondreSupprimerun roman que j'ai beaucoup aimé, cette froideur inquisitoriale est parfaitement rendue et c'est écrit avec élégance
Je suppose que ce n'est pas un texte qu'on oublie vite et que certains détails doivent marquer la mémoire !
SupprimerJe me suis demandé qui était ce Giordano Bruno avant d'en avoir la réponse à la fin de ton message...
RépondreSupprimerCe roman historique semble haletant, un véritable thriller comme le sont les livres de Ken Follett si bien documentés "Les Piliers de la Terre" (les bâtisseurs de cathédrales) et surtout la suite "Un monde sans fin" qui traite de la folie religieuse...
Non, ce livre ne peut être comparé à ceux de Ken Follett. Certes, il s'agit d'un roman puisque le personnage central est fictionnel, mais le ton est plutôt celui du témoignage, de la dénonciation, du pamphlet : tous ceux qui croient détenir la vérité sont des êtres dangereux pour les autres. C'est une réflexion sur le fanatisme quel qu'il soit, religieux ou totalitaire, sur le pouvoir. Il ne raconte pas un histoire comme le fait Ken Follett dans "Les Piliers de la terre "
SupprimerTrès envie de le lire, mais il devra attendre!
RépondreSupprimerTu y viendras un jour, j'en suis sûre.
SupprimerTerrible sujet ! J'aime cet écrivain, mais je n'ai rien lu de lui dans cette veine - je note le titre.
RépondreSupprimerUn sujet impressionnant, en effet !
SupprimerNoté de mon côté, je ne connais malheureusement pas assez cette triste période.
RépondreSupprimerSi tu lis ce livre, tu la connaîtras bien et en détail ! Sans oublier, bien sûr, qu'en parlant de cette période de l'histoire, il parle aussi de ce qu'il a vécu.
Supprimer