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Fondation Lambert : Yan Pei-Ming : Tigres et vautours
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Quel bonheur de pouvoir à nouveau
renouer, après les années Covid, avec les grandes expositions du Palais
de Papes et de la Fondation Lambert autour d'un artiste commun Yan
Pei-Ming ! Après Marcello Barcello, Camille Claudel, Ernest
Pignon-Ernest, je découvre pour la première fois les oeuvres
de cet artiste français d’origine chinoise. Dans
le cadre de la majestueuse chapelle du Palais des Papes et sur les murs
blancs du bel Hôtel particulier du XVIII siècle, l'Hôtel Caumont, qui
abrite la collection Lambert, ses oeuvres apparaissent monumentales,
puissantes, impressionnantes.
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Palais des Papes : photo du catalogue de l'exposition : Yan Pei-Ming Tigres et vautours
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Nulle reproduction ne peut
rendre les émotions que communiquent ces immenses peintures toujours en
relation avec l'Histoire, notre époque et notre société. Ainsi en est-il de ces tigres
et vautours qui se disputent une carcasse sanguinolente et donnent son titre à l'exposition,
métaphore évidente qui nous ramène à l'histoire de l'humanité, à l'éternelle lutte des puissants qui s'arrachent les dépouilles des plus faibles. La mort, la guerre et la violence du pouvoir, l’être humain, les puissants et les humbles , en particulier des migrants, (importance du portrait), l'exode, sont les thèmes récurrents de l'oeuvre de Yan Pei-Ming..
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Yan Pei-Ming : La massive nuit
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C'est que Yan Pei Ming n'est pas sans connaître ce qu'est l'exil. Né à Shangaï en 1960 dans une famille modeste, il trouve dans la peinture un mode d'expression qui supplée à ses difficultés de langage car il bégaie. Recalé à l'entrée de l'école d'Art et Design de Shangaï, il vient en
France, en 1981, étudier à l’Ecole Nationale Supérieure de Dijon où il étudie
cinq ans avant de s’inscrire à l'Institut des Hautes Etudes en Art
plastique à Paris. Il est désormais installé à Dijon, travaille
entre cette ville et Paris et est internationalement reconnu.
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Fondation Lambert : Yan Pei-Ming : autoportrait |
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Fondation Lambert : Yan Pei-Ming : autoportrait |
Sa technique aussi est impressionnante : le noir y domine avec, parfois, l'utilisation de la couleur rouge. Il peint en grands traits épais qui barrent
la toile, avec une rapide dextérité.
Vite ! sans repentis ! sans retouches !
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AUbe noire (1) (détail)
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Aube noire (2) (détail)
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Sauf pour le magnifique portrait de sa
mère où il a tenu à rester longuement avec elle et où le trait se fait plus délicat, plus intime, plus apaisé.
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Fondation Lambert : Yan Pei Ming : Ma mère
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La première impression
que donnent certaines des toiles de l'artiste, c'est la noirceur sous laquelle se dissimulent le danger, la violence et la mort tapis dans l'obscurité, la seconde est celle d'être pris dans un maelstrom, entraîné dans un mouvement impétueux, furieux, angoissant.On entend aussi le bruit, les cris assourdissants qui s'élèvent de ce tumulte. L'univers de Yan Pei-Ming n'est pas de tout repos !
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Yan Pei-Ming (détail) Exode
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Souvent nous plongeons dans les ténèbres de ces toiles sans rien pouvoir distinguer.
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Fondation Lambert : Yan Pei -Ming : All crows under the sun are black !
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Fondation Lambert Yan Pei-Ming Aube noire (1)
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Fondation Lambert Yan Pei-Ming : Aube noire (2)
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Puis l'oeil
s'habitue comme lorsque l'on passe de la lumière à l'obscurité. On distingue la scène plus nettement. Si l'on approche de la toile pour la scruter attentivement,
on aperçoit des détails. De la nuit de Aube noire (1) surgit un bateau trop lourdement chargé. Les migrants...
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Yan Pei-Ming : Aube noire (1) détail |
puis dans le tableau suivant, Aube Noire (2) lorsque le matin amène une relative clarté, l'on distingue les corps des noyés qui flottent à la dérive.
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Collection Lambert Yan Pei-ming : Aube noire (2) |
Et sous les larges coups de brosses l'on distingue en transparence des formes évanescentes de barques, de voiliers... Autres bateaux perdus en mer coulant sous le poids des fugitifs ou fantômes des naufrages du passé ?
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Aube Noire (2) détail
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Le palais des Papes
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Exposition Yan Pei-Ming : palais des Papes d'Avignon
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Pour finir j'aimerais vous montrer les oeuvres que Yan Pei-Ming a créées spécialement pour la grande chapelle du Palais des Papes et qui prennent dans ce cadre grandiose si chargé d'Histoire une résonance particulière.
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Yan Pei-Ming : Autoportrait en trois personnes
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Cet autoportrait en trois personnes, monumental, magnifiquement adapté au cadre, montre trois aspects du personnage. Au centre, Yan Pei-Ming, la tête baissée sur ses mains croisées, en position de méditation, est représenté en pape. Il s'agit d'une "blague" nous explique-t-on "autant qu'une réflexion sur les pouvoirs et leur caractère transitoire." Que Yan Pei-Ming convoque la figure du pape dans ce lieu ne paraît pas surprenant d'autant plus que l'on retrouve celui-ci tout au long de son oeuvre depuis son séjour comme membre de la Villa Médicis à Rome. A la manière du Titien ou de Vélasquez, le pape représente, en effet, une figure du pouvoir qui cohabite avec celles des exilés, des clandestins ou des prostituées, oeuvres que l'on retrouve à la fondation Lambert.
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Yan Pei-Ming : Le pape Paul III ( le Titien)
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Yan Pei-Ming : Les clandestins
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Yan Pei-Ming : Autoportrait en trois personnes (détail)
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Yan Pei-Ming : Autoportrait en trois personnes: le double échiquier (détail)
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Les pieds de Yan Pei-Ming reposent sur un double échiquier, international et oriental, rappelant la double origine de l'artiste.
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Yan Pei-Ming : Autoportrait en trois personnes: le double échiquier (détail) |
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Yan Pei-Ming : le pape
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Sur le mur d'en face, une splendide crucifixion semble répondre à cet autoportrait en trois personnes.
Enfin sur le mur sud, une série de quatre panneaux : Exode, comme une gigantesque fresque, nous raconte une histoire qu'il faut lire de droite à gauche. D'une grotte dont l'ouverture est faiblement éclairée surgit une multitude de chauve-souris qui se répand dans l'espace, comme une nuée menaçante qui recouvre et obscurcit la terre. Puis de cette masse menaçante, se détache une bête aux dents acérés qui se rue sur nous, précisant le danger. C'est fou comme les oeuvres de Pei-Ming sont à la fois bruyantes et mouvementées, rapides et tumulteuses.
"La grotte est ici la métaphore de la pandémie du Covid 19. Yan Pei-Ming fait de la chauve-souris le sujet central de l'oeuvre, en qui nous voyons soit la cause de la pandémie, soit le vecteur involontaire d'un virus né d'un ordre du monde devenu insoutenable."
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Yan Pei-Ming : Exode | | | |
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palais des Papes Yan Pei-Ming : exode |
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Yan Pei-Ming : Exode (détail)
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Yan Pei-Ming :Exode (détail)
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Yan Pei-Ming :Exode (détail)
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Yan Pei-Ming : Exode (détail)
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Pour moi, Aube Noire à la collection Lambert et
Exode au Palais des Papes font partie des oeuvres que je préfère et qui
m'ont particulièrement touchée..
Mais je veux aussi vous montrer ce splendide paysage en noir et blanc que j'aime beaucoup découvert à la fondation Lambert, à mi-chemin entre peinture et photographie.
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Yan Pei-Ming : International Landscape
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Yan Pei-Ming : International Landscape (détail)
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Yan Pei-Ming : International Landscape (détail) |
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Yan Pei-Ming : International Landscape (détail) |
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Catalogue de l'exposition Actes Sud
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Le portrait de la mère de l'artiste est réellement sublime. Tout est dans son regard, à la fois curieux et désabusé du monde, inquiet de l'avenir et confiant envers son fils.
RépondreSupprimerMerci pour ce beau reportage et bonne fin d'été
Très beau portrait en effet, où l'on sent l'amour du fils pour sa mère.
SupprimerComment te remercier pour ta générosité tant en explications qu'en illustrations !? Comme si javais visité l'expo avec toi ou presque.
RépondreSupprimerPlusieurs tableaux me plaisent (d'autres pas du tout, hihi) et j’ai un coup de cœur pour la mère superbe, mais aussi pour les derniers, Lanscape et ses détails.
Bon dimanche.
Il est très difficile de juger les tableaux de Yan Pei-Ming (immenses!) ) à partir de ces petites vignettes.
SupprimerAh je note, je pourrais essayer d'y aller si j'ai le temps. Je ne crois pas connaître cet artiste. merci pour ce beau billet !
RépondreSupprimerAttention, l'exposition finit le 26 septembre.
SupprimerC'est très impressionnant toutes ces oeuvres. Le portrait de la mère bien sûr, mais tout ce qui émerge lorsque tu t'es approchée des toiles, c'est puissant. Il faudra que je fasse attention s'il y a une expo à Paris dans les mois à venir.
RépondreSupprimerOui,c'est très fort mais il faut le voir pour ressentir cette puissance, cette impétuosité
Supprimercertaines œuvres sont vraiment saisissantes!
RépondreSupprimerTrès très impressionnée par les peintures de Yan Pei Ming. Tout est saisissant dans ses oeuvres. J'ai eu l'occasion de voir une de ses expositions à Dijon en 2019. Présence importante de sa mère également. Et ce bleu qui se mêle parfois au noir! Tant de choses se jouent dans ses peintures que l'on reste "scotché" devant. Ce n'est pas un joli terme mais je n'en trouve pas d'autre.
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