Voilà quel est le bilan de ces naufrages d'après ces études : « 7 navires coulés, deux énormes caraques des Indes de 1800 tonneaux, chargées de pierres précieuses et d'épices, escortées par cinq galions de guerre portant la fine fleur de l'aristocratie portugaise, 2000 morts, 300 rescapés. Tout cela donna lieu à un imbroglio diplomatique entre la France et le Portugal, qui impliqua le duc d'Epernon, Richelieu, Louis XIII, l'Eglise et les grandes familles du Médoc. Car si les " bourgeois " de Saint-Jean-de-Luz recueillirent des naufragés, plus au nord, sur les côtes des Landes et du Médoc, les Français pillèrent les épaves et massacrèrent les survivants. »
Dans le Médoc : Fernando va rencontrer Marie. Cette dernière, une fille qui sait se défendre, a blessé un fils de famille qui l’agressait et doit se cacher des autorités dans les landes sauvages du Médoc, chez son oncle Louis, un homme brutal, pilleur d’épaves. Celui-ci qui règne par la terreur sur un peuple de travailleurs primitifs et misérables. Ces hommes vont non seulement piller les richesses de la nef mais aussi achever les rares rescapés.
Piet Heyn, le commandant de la flotte hollandaise occupe Bahia |
De Salvador de Bahia : Au Brésil, vit Diogo, dont les parents ont été brûlés vifs pendant le siège mené par la marine Hollandaise pour enlever la ville aux Portugais. Ces derniers, avec à sa tête Dom Manuel de Meneses secondé par les espagnols, vont reprendre Bahia. A cette époque le Portugal, au grand dam des nobles portugais, était alors réuni à la couronne d’Espagne. Au cours de cette guerre Diogo et son ami, un indien Tupinamba, Ignacio, deviennent les aides de camp de Dom Manuel Meneses et partiront avec lui vers le Portugal. Plus tard, sommés par le roi d’escorter les caraques venues de l’Inde, leur galion le Santo Antonio et Sao Diogo fera naufrage devant Saint Jean de Luz.
C’est ainsi que Yan Lespoux mène ses trois personnages principaux à travers les océans et de points de l’horizon diamétralement opposés jusqu’aux côtes françaises où ils se rencontreront, une navigation houleuse et tumultueuse qui se double d’une traversée de l’enfance à l’âge adulte, tout au long de ce roman initiatique.
Le roman de Yan Lespoux est très enlevé et bien écrit ! Les descriptions sont à la hauteur des éléments déchaînés, des pays exotiques. De plus, l’écrivain se révèle un bon conteur et nous plonge dans un récit mouvementé et aventureux, agréable à lire par un effet proportionnellement contradictoire aux émotions rencontrées, plus j’ai peur, mieux c’est ! Oui, je sais ! Je dois avoir gardé mon âme d’enfant parce qu’après les romans qui parlent du froid, de la neige et de la survie dans le Grand Nord, juste après, j’adore toujours les récits de mers démontées et de bateaux en détresse, voire d’îles désertes.
Découvrir la vie au bord d’une caraque ou d’un galion, braver les tempêtes, souffrir du scorbut, faire naufrage deux fois, échapper à l’inquisition, commercer avec les Indes, découvrir la misère et la sauvagerie des résiniers, des costejaires et des bergers des Landes dans notre France du XVII siècle, mesurer la misère des peuples, qu’ils soient colonisés, esclaves ou nés, comme Fernando, « au mauvais endroit », du mauvais côté de la barrière sociale, tout est passionnant !
Le sérieux de la documentation nous permet de découvrir des faits historiques que je ne connaissais pas , ce naufrage, la reconquête de Bahia, la colonisation des Indes et la présence de l'Inquisition jusque là-bas, et ceci, comme si on le vivait en même temps que les personnages.
Dom Manuel de Meneses capitaine-mor du Sao Juilao et du Bartolemeu |
De plus, le texte ne manque pas d’humour. J’ai aimé le personnage du noble portugais, le Fidalgo, Dom Manuel de Meneses, dont l’écrivain fait un portrait réjouissant par exemple lorsqu'il refuse d’échapper à la flotte anglaise plus nombreuse et mieux armée que lui à la faveur de la nuit. Il fait attacher un fanal à la poupe de son navire pour ne pas avoir l’air de fuir … d’où un premier naufrage quand il se fait canarder le lendemain matin ! Ou encore en 1627 quand il discute de figures de style dans un texte de Lope de Vega avec Dom Manuel de Melo alors que son navire est en train de sombrer, malmené par les vagues de l’océan déchaîné. On rit de son sens de l’honneur qui n’a d’égal que sa stupidité mais qui finit par forcer l’admiration, porté à un degré tel que la démesure l’empêche d’être ridicule ! De plus sous ses airs de grand seigneur impassible, l’écrivain nous fait toucher l’homme, celui qui éprouve de la peur et trahit parfois ses faiblesses, un être humain, pas des meilleurs, mais humain, en quelque sorte ! Une personnalité historique que Yan Lespoux traite comme l'un de ses personnages et à qui il donne une complexité.
Donc un bon roman ! N'hésitez pas à embarquer ! A lire pour le plaisir de l’aventure et de la rencontre avec l’Histoire !
Et puis, quand vous l'aurez lu, venez nous voir Fanja et moi, pour nous dire ce que vous avez pensé de la fin ouverte du roman, l'écrivain ne précisant pas vraiment ce que ses personnages sont devenus !
Enfin, j'ajoute que j'aime ce livre parus aux éditions Agullo. Je trouve que c'est un bel objet (conception de la couverture par Cyril Favory) avec la carte jaquette d'après Jan Huygen van Linschoten et les images de la première et quatrième de couverture d'Alfredo Roque Gameiro.
Première de couverture |
Quatrième de couverture |
Chez Fanja |
Ce Dom Manuel de Meneses, quel personnage ! Un fier fidalgo, s'il en est !^^ Il finirait même par être attachant à force d'être tordu, haha ! Sinon, bien d'accord avec toi, c'est un roman d'aventures particulièrement enthousiasmant et vraiment bien écrit, cet aspect-là aussi m'a marquée. Je suis bien contente que tu soulignes toi aussi que la fin n'est pas si limpide concernant le sort de certains personnages. J'ai lu divers commentaires depuis, mais quasiment personne n'en parle. Je te rejoins en tout cas sur son interprétation (ton commentaire chez moi).:)
RépondreSupprimerA force d'être tordu ! C'est vrai ! C'est exactement ça ! Je pense que tu aimerais aussi La conquête des îles de la terre ferme d'Alexis Jenni.
SupprimerC'est noté ! Le thème des civilisations pré-colombiennes m'intéresse aussi énormément.
SupprimerJe me suis laissée entraîner aussi par Fanja et Keisha dans la lecture de ce roman maritime et je n'ai pas regretté. Comme tu le dis, le style de l'auteur est enlevé et le lecteur est heureux de suivre ses personnages aux quatre coins du monde.
RépondreSupprimerOui, une belle lecture. Je vais ajouter un lien vers ton blog.
SupprimerUn chouette roman, oui!!! J'ai vraiment totalement embarqué.
RépondreSupprimerLa fin? Heu, je ne m souviens pas, elle était ouverte, mais de toute façon, en 2024 les héros sont morts, ça c'est sûr. Moi j'essaie le plus optimiste et romantique, avec des descendants et la reprise de la boutique.
Je l'ai trouvé excellent, au point d'en faire un coup de cœur. Mais j'ai un problème avec les fins, que j'oublie quelques jours après ma lecture... alors je ne te serai pas d'une grand aide à ce sujet !
RépondreSupprimerTu nous as déniché de bien belles illustrations ! Je compte bien lire ce roman qui semble faire l'unanimité.
RépondreSupprimerJe viens de survivre au naufrage du Wager : j'embarquerai certainement pour cet autre voyage !
RépondreSupprimerun billet fort intéressant sur un roman qui me semble tout autant ..; Intéressant!
RépondreSupprimerune aventure qui a l'air passionnante !
RépondreSupprimerje crois que je vais embarquer avec vous.
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