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lundi 30 novembre 2015

De quelques peintres vénitiens et de quelques romans qui parlent d'eux (2)

Le Titien

Le Titien (1488_1576)

Le Titien : La Vénus d'Urbino (détail) 1538 une de ses  oeuvres les plus célèbres

Tiziano Vecelli dit Le Titien, d'abord influencé par Giorgione, acquiert la maîtrise de son art qu'il mène à son apogée au début du XVI siècle en soulignant l'importance à la couleur et à la lumière. En 1529 il devient le peintre officiel de la république de Venise.


Le Titien : La présentation de Marie au Temple

Le Titien  La présentation de Marie au temple 

Le Titien : L'homme à la manche bleue

Véronèse (1528_1588)

 Véronèse :  Le repas de Levi (détail)

Paolo Calieri est né à Vérone en 1528 d'où son surnom de Véronèse. Il a étudié la peinture dans sa ville de naissance avant de venir Venise où il s'impose comme un des grands noms du cinquecento à côté du Titien et du Tintoret. Il décore de fresques les grands palais et villas de Venise et se rend célèbre pour ses grandes compositions en trompe-l'oeil et ses talents de coloriste. Les noces de Cana, un de ses tableaux les plus célèbres, est exposé au Louvre.
Le vert véronèse : Véronèse utilise ce vert très particulier qui tire sur le jaune et qui était fabriqué à l'origine à partir d'arséniate de cuivre  qui est un poison très dangereux.

Véronèse (détail)
Véronèse : les noces de Cana


 Tintoret (1518-1594)

Jacopo Robusti est né à Venise vers 1518. Il est appelé Il Tintoretto car son père a été teinturier sur tissu de soie et de velours.  Le Titien a été son maître mais trente années le séparent de lui. Il joue dans ses oeuvres sur les forts contrastes entre obscurité et lumière et est considéré pour cela comme le précurseur  de Rembrandt.

Tintoret (1518-1594): La Cène

Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770) et son fils 

Giandomenico Tiepolo(1727-1804 )

Giovanni Tiepolo est un des plus grands artistes du XVIII siècle. Il est l'auteur de grandes compositions allégoriques  ou religieuses qui allient  le mouvement, le sens du théâtre, l'hyperbole.

Son fils Giandomenico Tiepolo après avoir imité les oeuvres grandiloquentes de son père se tourne vers des compositions plus sobres en peignant des scènes plus réalistes. Giandomenico était moins célèbre que son père Giambattista, mais personnellement c'est celui des deux que je préfère.

Venise Giovanni battista Tiepolo : 1696-1770 Le sacrifice d'Isaac Plais des Doges
Giovanni Battista Tiepolo : 1696-1770 Le sacrifice d'Isaac Palais des Doges

Giamdomenico Tiepolo : 1727-1804  Polichinelles et acrobates

  
Giandomenico Tiepolo  : La fresque du Monde Nouveau


Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697-1768)

Canaletto ; Le palais des Doges

Giovanni Antonio Canal dit Le Canaletto naît dans la paroisse de San Lio, près du Rialto. Il est fils d'un artiste vénitien, Bernardo Canal, peintre de scénographies et de décors de théâtre. C'est d'abord dans l'atelier de son père qu'il apprend la peinture. Il va se spécialiser dans les panoramas urbains de Venise (vedute), de Rome, d'Angleterre. Il est avec Guardi un des maîtres du védutisme. Il allie à un sens aigu de l'observation, un goût pour la composition géométrique nette et précise. j'ai vu l'été dernier l'exposition d'Aix en Provence qui lui était consacrée ICI

Canaletto : La place Saint Marc

 

Pietro Longhi (1701-1785)

Pietro Longhi La leçon de géographie

Pietro Longhi  s'est intéressé à la vie quotidienne des vénitiens dans une intention morale et satirique. C'est pourquoi son nom est souvent associé à Goldoni.  Ses tableaux réalistes peignent l'intérieur de des maisons riches, nobles  et nous donnent un aperçu de ce qu'il s'y passe : leçon de danse, de géographie,  concerts, fiançailles, mariage. Les classes inférieures ne sont pas exclues : l'arracheur des dents, les prostituées..

Pietro Longhi (1701-1785) Le rhinocéros
Pietro Longhi (1701-1785) Il ridotto la maison de jeu

Francesco Guardi (1712-1793)

Francesco Guardi : Piazza San Marco la tour de l'Horloge et la cathédrale
Francesco Guardi : Piazza San Marco
Francesco Guardi est un  des maîtres du védutisme (de vedeta : peinture de paysage urbain)  et de Venise avec Canaletto. Son style est moins froid et moins géométrique que celui de Canaletto, les couleurs sont plus chaudes, les lumières plus diffuses.

(1712-1793)

Guardi : La place San Marco

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Roman lu et commenté ICI Claude Delerme La bulle de Tiepolo (Il s'agit de Giandomenico)

Dans La bulle de Tiepolo Philippe Delerm met en scène deux personnages, une Vénitienne, Ornella Malese, écrivain en visite à Paris pour la promotion de son livre et  Antoine Stalin, parisien, historien de l'art. Tous deux vont être réunis par le tableau d'un artiste peu connu, découvert dans une brocante. Antoine hésite à l'acquérir séduit par la qualité de l'oeuvre et Ornella l'achète pour des raisons que nous découvrirons plus tard. Tous deux sont à un moment difficile de leur vie : Antoine a perdu sa fille et sa femme dans un accident de voiture et il ne s'en remet pas. Ornella complètement déboussolée, devenue subitement célèbre, s'interroge sur les raisons de son succès et sur sa vocation d'écrivain!
Antoine n'aime pas Venise mais lorsque la directrice de sa revue d'art lui donne l'occasion de partir pour travailler sur Il Mondo Nuovo, une fresque de Giandomenico Tiepolo, il n'hésite pas!
 

Roman que j'aimerais lire :  Le Testament du Titien d'Eva Prud'Homme 

Dans la Venise du XVIe siècle ravagée par la peste, Virgile Preudhomme et son ami Pierre assistent par hasard à l'agonie de Tiziano Veccellio, dit le Titien, l'illustre peintre presque centenaire, qui leur confie un secret : dans l'une de ses toiles il a immortalisé le plus horrible des meurtres.
...... l'auteur nous entraîne à travers une poursuite policière haletante dans une succession de péripéties rocambolesques où l'amour côtoie les plus noirs desseins.   

Roman lu et commenté ICI : Le Turqueto de Metin Arditi

Le Turquetto de Metin Arditi nous fait voyager dans l'espace, de Constantinople à Venise, et dans le temps pendant la Renaissance au début du XVI ème siècle. Nous suivons les aventures d'un jeune garçon, Elie Soriano d'origine juive qui vit à Constantinople. Son père et Arsinée qui lui tient lieu de mère sont tous deux des vendeurs d'esclaves. Passionné par le dessin, Elie sait que sa religion lui interdit la représentation figurative. Aussi à la mort de son père, il s'enfuit et gagne Venise où il se fait passer pour chrétien. Ses talents exceptionnels lui permettent d'entrer dans l'atelier du Titien et bien vite d'égaler son maître voire de le surpasser. Elie surnommé le Turquetto devient le peintre le plus couru de Venise et réalise de magnifiques tableaux pleins de sensibilité. Hélas! toutes ces oeuvres seraient promises au bûcher et lui-même condamné à mort si l'on découvrait qu'il est juif! 


BD à découvrir (à partir de 9 ans) L'or du vénitien : Le peintre Jacopo Robusti, dit le Tintoret, et son assistant Sebastian Casser Album
Basé sur le testament d’Ottavia Robusti, la fille du Tintoreto, qui atteste de son mariage avec le « peintre capable » Sebastian Casser, cette Bande Dessinée raconte de façon romanesque la vie d’une garçon vacher qui quitte son village du sud de l’Allemagne actuelle, pour devenir, à Venise, apprenti du Tintoret. Les dix dernières pages de l’album constituent une partie documentaire rédigée par Christina Buley-Uribe, pour mieux comprendre ce qui a été évoqué dans l’histoire qui vient de nous être racontée.
Les dessins, à la manière de gravures est dynamique, et l’histoire rondement menée, bien que l’on puisse déceler des failles, font de cet album un livre agréable à parcourir. Mais la vie de ce Sebastian Casser étant un immense mystère (de lui on sait très peu de choses), cela pouvait permettre toutes les fantaisies. C’est fait de façon intelligente. Voir suite ici.



Si vous connaissez d'autres oeuvres qui se rapportent à des peintres vénitiens, n'hésitez pas à me donner des titres! 



dimanche 29 novembre 2015

De quelques peintres vénitiens et de quelques romans qui parlent d'eux (1)


Giovanni Bellini

Les peintres vénitiens sont nombreux si bien que je ne citerai ici que ceux que je connais bien pour les avoir maintes fois rencontrés dans les musées, à Venise, en Italie ou ailleurs, ou dans les livres.
Je vous parlerai aussi des romans que j'ai lus ou que j'aimerais lire à propos de ces peintres.

Giovanni Bellini (1425-1516) et son frère Gentile Bellini (1429_1507)

La Vierge et l'enfant Jésus entourés de Saintes

Les frères Bellini, fils du peintre Jacopo Bellini, fondent un atelier à Venise. Giovanni Bellini rompt avec le style gothique et est considéré comme le chef de file de l'école vénitienne. Il se tourne vers la peinture à l'huile et apporte de profonds bouleversements dans l'art européen. G. Bellini est à la fois imprégné par l'art byzantin et l'art flamand très présents à Venise et il subit l'influence de Mantegna qui était son beau-frère. J'aime ce moment de la peinture où les personnages, cessent d'être icônes pour devenir humains; j'aime cette invention du portrait réaliste qui représente vraiment la personne peinte mais en conservant encore quelque chose de hiératique hérité de l'art byzantin, beauté, noblesse et fierté.  Bref! j'aime beaucoup ce peintre qui est un de mes favoris! Au cours de cette première Renaissance, au début du XV siècle, où seuls les nobles riches et puissants se faisaient portraiturer, Giovanni devient  le peintre officiel de la Serenissime en 1483. Il est aussi le maître de nombreux peintres qui travaillent avec lui dans ses ateliers, en particulier le Giorgione et le Titien sur lesquels il exerce une grande influence.

Giovanni Bellini  peintre vénitien, chef de file de la première  renaissance vénitienne: la présentation de Jésus au temple
Giovanni Bellini : la présentation de Jésus au temple
Giovanni Bellini le doge Loredan  (1425 ?-1516)
Giovanni Bellini (1425 ?-1516) : femme à sa toilette (détail)

Gentile Bellini, frère de Giovanni Bellini : Portrait d'un jeune homme (1429_1507)
Gentile Bellini : Portrait d'un jeune homme (1429_1507)

Vittorio Carpaccio (1465_1526)

VVVenise Musée de l'Académie Légende de Saint Ursule : arrivée des pèlerins (détail)
Légende de Saint Ursule : arrivée des pèlerins (détail)
J'ai une longue histoire d'amour avec le Carpaccio après avoir découvert son Saint George terrassant le dragon quand j'étais ado dans la scuola San Giorgio degli Schavioni.  j'aime qu'il raconte des histoires comme il le fait pour La légende de Sainte Ursule au musée de l'Académie, j'aime le mélange de réalisme et de naïveté de ses peintures, j'aime quand qu'il ancre ses tableaux dans Venise et sa vision de la cité et des vénitiens à cette époque, son sens de la précision et des détails qui fait de chacun de ses tableaux un témoignage historique.
Carpaccio (1460_1526) Le miracle de la relique de la Sainte Croix

Carpaccio (1460_1526) Venise Le miracle de la relique de la Sainte Croix (détail) le pont en bois ancêtre du pont du Rialto
Carpaccio (1460_1526) Le miracle de la relique de la Sainte Croix (détail)
Détail du pont en bois qui deviendra le Pont du Rialto quand il sera rebâti en dur. Il un pont levis en son centre pour permettre le passage des mâts des bateaux dans le Grand canal.

Vittorio Carpaccio : Les deux vénitiennes

Giorgione (1477_1510)

Giorgione :Les trois âges de l'homme

 Giorgione  représente, avec le Titien, un tournant : celui du XVI siècle, qui amène à une autre manière de peindre que Vasari a appelé la "maniera moderna" à la Michel Ange, Léonard de Vinci et Raphaël. Disciple de Bellini,  Giorgione a  été le maître du Titien avant de devenir son rival. Il peut peindre des portraits très réalistes comme Il Vecchia ou mystérieux, pleins de symboles comme La Tempête.

Giorgione (1477_1510) La tempête
Giorgione (1477_1510) Il Vecchia portrait de la mère du peintre


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ROMANS

Carpaccio 

Un essai que j'aimerais lire : L'ennui de deux vénitiennes du Carpaccio de Eduoard Dor

Mais qui sont donc ces deux Vénitiennes? Deux prostituées attendant le client? Deux aristocrates prenant le frais sur leur terrasse? Cette œuvre du plus " intellectuel " et du plus mystérieux des peintres de la Renaissance, Vittore Carpaccio, a été considérée comme "le plus beau tableau du monde " et a, entre autres, séduit Marcel Proust. Ce que l'on sait c'est que ce tableau n'est, en fait, que l'une des parties d'une composition beaucoup plus grande dont un autre morceau a été retrouvé... en Californie et dont d'autres existent encore quelque part dans le monde ! Ce que tente ce court essai c'est d'imaginer ce que pouvait être cette composition dans son ensemble et qui sont ces deux femmes, en essayant notamment de comprendre où va leur regard... sans doute beaucoup plus loin qu'on ne l'a pensé et écrit jusque-là.

Giorgione

Roman lu et commenté ICI  : La Tempête de Juan Manuel de Prada

Si j'ai choisi ce roman de Juan Manuel de Prada, c'est pour la référence à l'oeuvre du Gorgione qui allait m'amener inévitablement à Venise! Bingo!  Je suis arrivée dans la Serinissime en plein mois de Janvier avec  Alejandro Ballesteros, universitaire espagnol, qui a "dilapidé sa vie", dit-il, à l'exégèse de ce tableau. Une fois sa thèse finie, Ballesteros se rend à Venise pour voir l'oeuvre. Enfin! A peine parvenu dans sa chambre d'hôtel, il téléphone, impatient, au directeur du musée de l'Accademia, Gilberto  Gabetti qui doit lui servir de cicerone et lui donner son avis de spécialiste sur sa thèse. Mais voilà que, de sa fenêtre, il assiste en direct à un meurtre.

Roman Lu et commenté ICI  : Claude Chevreuil : Les Mémoires de Giorgione

Dans les Mémoires de Giorgione, Claude Chevreuil raconte, à partir des quelques données biographiques glanées dans la Vie des meilleurs peintres, sculpteurs, architectes, de Vasari, la vie  du grand peintre vénitien, Giorgio de Castelfranco, plus connu sous le pseudonyme de Giorgione : Le Grand George, l'unique, le seul.
On sait peu de choses sur ce  peintre qui reste, à la fois par sa vie et par ses oeuvres, l'un des plus mystérieux de la Renaissance. D'origine modeste -ses parents sont paysans- il est né près de Venise à Castelfranco, vraisemblablement en 1477. Il est mort de la peste en 1510 au moment où il atteignait la pleine maîtrise de son art à l'âge de 33 ans.



 Encore un roman que j'aimerais lire : Les maîtres mosaïstes de George Sand

Que diriez-vous de faire un voyage à Venise ? Pas la Venise d'aujourd'hui, grouillante de touristes malappris et de deux roues pétaradants ! Non, la Venise triomphante du milieu du 16e siècle, celle des arts florissants et de la "dolce vita".
Imaginez-vous, en cette fin de chaude journée de printemps, flânant dans le quartier Saint-Marc, favori des Dieux… Vous traversez sa place immense et majestueuse ébloui(e) par l'architecture resplendissante… Puis vous vous dirigez tranquillement vers la basilique, et vous pénétrez alors, dans le Cœur de Venise…
Vous déambulez maintenant dans l'édifice, ému(e) par tant de magnificence… Mais soudain, des voix venues du ciel vous sortent de votre contemplation… Ça chante, ça crie, ça s'interpelle !
Très joli roman sur les artistes et les jalousies entre les arts et les artistes. Sand l'a écrit pour son fils Maurice, adolescent, on peut le lire dès 12/13 ans.
Citation : « La plus ardente des jouissances humaines, c'est l'amour ; la plus sensible, c'est l'amitié ; la plus âpre, c'est en effet la gloire. Mais qui dit âpre dit poignant, terrible et dangereux. »
Considéré par André Maurois comme un des meilleurs romans de George Sand, Les Maîtres Mosaïstes, roman vénitien, tout de charme et de vivacité, est aussi un texte d'histoire de l'art qui met en scène la querelle et le procès opposant deux ateliers de mosaïstes à Venise, en 1563. Le récit et les théories esthétiques sont intimement liés, l'argument principa portant sur la liberté de création, et d'interprétation du mosaïste par rapport au peintre qui donne le carton de la composition. En filigrane, apparaissent également les préoccupations esthétiques de l'entourage de George Sand.



samedi 28 novembre 2015

Théophile Gautier : Variations sur le carnaval de Venise, poésie, peinture et musique


Giandomenico Tiepolo : Carnaval de Venise

Variations sur le Carnaval De Venise de Théophile Gautier

Monet
Sur les Lagunes
" Tra la, tra la, la, la, la laire ! "
Qui ne connaît pas ce motif ?
A nos mamans il a su plaire,
Tendre et gai, moqueur et plaintif

L'air du Carnaval de Venise,
Sur les canaux jadis chanté
Et qu'un soupir de folle brise
Dans le ballet a transporté ! 

Renoir : la gondole

Il me semble, quand on le joue,
Voir glisser dans son bleu sillon
Une gondole avec sa proue
Faite en manche de violon. 

Véronèse

Sur une gamme chromatique,
Le sein de perles ruisselant,
La Vénus de l'Adriatique
Sort de l'eau son corps rose et blanc.

Les dômes, sur l'azur des ondes
Suivant la phrase au pur contour,
S'enflent comme des gorges rondes
Que soulève un soupir d'amour. 

Monet : Venise

L'esquif aborde et me dépose,
Jetant son amarre au pilier,
Devant une façade rose,
Sur le marbre d'un escalier. 

Turner

Avec ses palais, ses gondoles,
Ses mascarades sur la mer,
Ses doux chagrins, ses gaîtés folles,
Tout Venise vit dans cet air. 

La Venise de Canaletto

Une frêle corde qui vibre
Refait sur un pizzicato,
Comme autrefois joyeuse et libre,
La ville de Canaletto ! »
 
Théophile Gautier - Émaux et Camées


 Le carnaval de Venise de Francisco Tarrega


Francisco Terraga : 

Guitariste et compositeur espagnol (1852_1909)

L'interprète

Emmanuel Rossfelder (né en 1973) est un guitariste classique français. Débute la guitare à l'âge de 5 ans, il commença la guitare en étant l'élève de Raymond Gellier. A l'âge de 8 ans il entre au Conservatoire de musique d'Aix en Provence dans les classe de Bertrand Thomas. À 14 ans il obtient la médaille d'or du conservatoire d'Aix-en-Provence et devient élève d'Alexandre Lagoya au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Il est alors le plus jeune guitariste à intégrer les classes du maître Alexandre Lagoya. A seulement 18 ans il obtient son prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. En 2004, il est nommé Révélation soliste instrumental de l'année des Victoires de la musique classique.



vendredi 27 novembre 2015

Michael Rosen/ Helen Oxenbury : La chasse à l'ours


A l'approche de la Noël, je dégaine une arme redoutable autant que pacifique et irrésistible pour les petits enfants lecteurs, un album que j'ai lu à ma fille quand elle avait 3 ans et ceci pendant des années et que j'ai ressorti des étagères pour ma petite fille Léonie. Et toujours avec autant de succès! Il s'agit de La Chasse à l'ours paru en 1989 aux Editions Ouest-France. Je vois qu'il est à l'heure actuelle en poche à l'école des loisirs. Un beau cadeau de Noël.

Résumé :



 

Mais devinez ce qui se passe quand ils découvrent un très gros... ours?

Tout dans ce livre est réjouissant, les illustrations très douces, des pages en gris et blanc qui alternent avec des images de paisibles paysages aux couleurs gaies ou plus sombres, plus inquiétantes comme celles de la forêt ou la grotte. 


Le jeu des onomatopées, des couleurs gaies


Une sombre forêt
Des personnages sympathiques dans lesquels les enfants se retrouvent, une histoire pleine d'humour ou le texte avec ses onomatopées, ses petites phrases récurrentes "On ne peut pas passer dessus, qu'on ne peut pas passer dessous"... résonne comme une comptine que les enfants s'amusent à reprendre avec bonheur. On rit à se faire peur lorsque la famille est poursuivie par l'ours sans jamais avoir vraiment peur et l'on plaint presque le gros ours qui se retrouve tout seul dans la dernière image alors que toute la famille, du bébé aux adultes, est douillettement blottie sous la couette, image du bonheur familial. Un très joli livre amusant, plein de tendresse et sans mièvrerie.

Des personnages sympathiques

mercredi 25 novembre 2015

Jean-Michel Maulpoix et Andrée Chedid : L'espoir luit/ L'espérance

André Bielen : La terre des promesses artiste contemporain
André Bielen : La terre des promesses

L'espoir luit

L’espoir luit comme un brin de paille

Comme une étincelle d’or sur les neiges d’antan

Comme les voiles au loin descendant vers Harfleur

Jusqu'à l’autre océan où la splendeur éclate.
 
L’espoir luit comme cette eau courante

Qui baigne les mains silencieuses

Traçant de lentes lignes claires.

Jean-Michel Maulpoix

L’espérance


J’ai ancré l’espérance

Aux racines de la vie

Face aux ténèbres

J’ai dressé des clartés

Planté des flambeaux

A la lisière des nuits
 
Des clartés qui persistent

Des flambeaux qui se glissent

Entre ombres et barbaries
 
Des clartés qui renaissent

Des flambeaux qui se dressent

Sans jamais dépérir

J’enracine l’espérance

Dans le terreau du cœur

J’adopte toute l’espérance

En son esprit frondeur.
 
Andrée Chedid


 
Ces deux poèmes ont été publiés dans l’anthologie Une salve d’avenir. L’espoir, anthologie poétique, parue chez Gallimard en Mars 2004

Et pour répondre à l'esprit de ces poésies, j'ai à nouveau choisi des tableaux d'André Bielen, un artiste dont je vous ai déjà parlé ICI,  et dont la représentation de l'univers me fascine. Il nous fait prendre de la hauteur pour embrasser le Monde du regard, en nous mettant à la place de Dieu, et nous plonge ainsi au coeur du Mystère. Avec La terre des promesses dont le titre devient pour moi pleine de sens  à la lueur des évènements de Janvier et Novembre 2015, le globe terrestre ensanglanté semble rouler dans l'espace en proie au désordre mais la lueur est bien là, elle émerge, c'est l'or de l'Espoir  car " Face aux ténèbres,/ j'ai dressé des flambeaux/ Des flambeaux qui se glissent/ entre ombres et barbaries."
Le deuxième tableau intitulé Phoenix fait partie du triptyque Gaïa, "des clartés qui renaissent/ des flambeaux qui se dressent/ sans jamais dépérir."
André Bielen : deuxième tableau du triptyque intitulé : Gaïa : Phoenix


mardi 24 novembre 2015

Tania de Montaigne : Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin


Tania de Montaigne et son livre Noire (source)

 Tania de Montaigne nous convie à un voyage dans le temps mais aussi dans notre présent avec Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin paru chez Grasset.

« Prenez une profonde inspiration, soufflez, et suivez ma voix, désormais, vous êtes noir, un noir de l'Alabama dans les années cinquante. Vous voici en Alabama, capitale : Montgomery. Regardez vous, votre corps change, vous êtes dans la peau et l'âme de Claudette Colvin, jeune fille de quinze ans sans histoire. Depuis toujours, vous savez qu’être noir ne donne aucun droit mais beaucoup de devoirs… »

Tania de Montaigne nous raconte comment, en ce jour du 2 mars 1955, une jeune fille noire de 15 ans a refusé de se lever pour céder la place à un blanc dans l’autobus au temps de la ségrégation qui régnait alors aux Etats-Unis. Elle dit comment cet acte héroïque influera sur la lutte des Noirs, le combat qui s’ensuit et l’irrésistible élan qui pousse toute la communauté noire à faire la grève des transports entraînant ainsi des perturbations économiques retentissantes. Les autorités sont alors bien obligées d’entendre les voix indignées qui s’élèvent contre la ségrégation. Jetée en prison, Claudette décide de plaider non coupable et d’attaquer la ville pour non respect de la constitution. Elle perdra, bien sûr, et en subira les conséquences toute sa vie, ses rêves d’étude et d’avenir (elle est une bonne élève, studieuse) définitivement étouffés. Elle a été la première, elle tombera pourtant dans l’oubli. Ce sont ceux qui suivront qui resteront célèbres : Rosa Parc qui a réitéré le geste de Claudette Colvin va devenir le symbole de la lutte vite relayée par le pasteur Martin Luther King.

C’est pour réparer cette injustice et pour éclairer ce personnage gommé par l’Histoire que Tania de Montaigne écrit ce livre. Celui-ci montre que même au sein de la société noire, il y a des injustices et une ségrégation qui, pour n’être pas raciale, est cependant sociale et religieuse. Claudette Colvin est écartée et ne deviendra pas l’égérie de la lutte antiségrégationniste parce qu’elle est d’un milieu populaire et parce qu’elle est mère célibataire d’un enfant qu’elle a eu avec un blanc, heurtant ainsi la bonne morale chrétienne! Rosa Park, elle, est une femme de la bourgeoisie, institutrice, instruite et moralement recommandable!

Vous croyez tout savoir sur la ségrégation aux Etats-Unis? Détrompez-vous! Il y a toujours des éléments que vous ignorez, à moins d’être un spécialiste! Comment, par exemple, empêcher les noirs d’arriver jusqu’à un bureau de vote, dans un pays prétendument démocratique, où ils en ont le droit?

Noire relate ce qu’était la société dans les années 50 aux Etats-Unis et rappelle que la violence raciale existe toujours là-bas mais aussi en France. Chez nous aussi le racisme est vécu au quotidien par ceux qui n’ont pas la peau blanche. L’auteure, elle-même, l’a expérimenté et est marquée dans sa chair par des blessures insidieuses mais durables. 
Il est bon de lire ce livre intéressant, énergique, qui transmet des émotions mais sans pathos, qui assène des vérités et qu’il faut découvrir à la lueur des événements actuels.

Si un noir fait quelque chose de mal, ce sont tous les noirs qui payent. Qu’un seul trébuche et tous seront montrés du doigt. Parce qu’un seul a dit ou fait quelque chose de contrevenant, on pourra dire : « Vous, les noirs, vous êtes comme ci ou comme ça ». » « Vous, les juifs, vous faites ceci ou cela ». »Vous, les musulmans vous aimez ceci, vous n’aimez pas cela ». Et nous finissons par le croire et nous finissons par le penser, et alors ce préjugé deviendra nôtre et nous nous surprendrons un jour à dire face à un évènement qui implique un noir si nous sommes noirs,un musulman si nous sommes musulmans, un juif si nous sommes juifs : « ce n’est pas bon pour nous »? Mais qui est ce nous? Nous n’en savons rien mais nous pensons désormais qu’il faut en tenir compte. (…) Nous avons intégré la pensée raciste, elle modifie notre regard comme une paire de lunettes aux verres déformants. Et c’est une lutte en soi que de ne pas suivre cette pente, que de ne pas se laisser gagner par ce « nous », par la principe de ce qui est « bon pour nous », par la crainte de se faire remarquer, par la peur de ce  gendarme devenu intérieur, de ce croquemitaine, par le processus d’une dilution de ce que nous sommes dans le plus petit dénominateur commun.


Pourtant ce livre se termine par une note d’espoir à laquelle il est bon de se raccrocher!.

Pendant que j'écrivais ces pages, des policiers blancs ont fait l'objet d'une enquête pour avoir publié des photos de soirées "négros" où ils se peignent le visage en noir, portent des boubous et des bananes autour du cou ou de la taille.
Pendant que j'écrivais ces pages, le propriétaire blanc d'une équipe de basket a enjoint à sa petite amie, pourtant pas franchement blanche, de ne pas fréquenter de noirs.
Pendant que j'écrivais ces lignes, une ministre s'est fait traiter de guenon, et le vice-résident d’une fédération de football a déclaré en parlant d’un joueur noir : « quand il est arrivé, il mangeait des bananes, aujourd’hui, il est titulaire en série A. »
Pendant que j'écrivais ces lignes, un grand jury, majoritairement blanc, a décidé de ne pas renvoyer devant la justice un policier blanc ayant abattu de six balles à bout portant un jeune noir non armé.
Pendant que j'écrivais ces mots, des milliers, des millions de gens, de couleurs, de cultures différentes, se sont rencontrés, aimés et ont fait des enfants qui brouilleront les pistes, pourtant bien balisées, de la pensée raciste.
Pendant que j'écrivais ces mots, un homme blanc marié à une femme noire et père de deux enfants métis est devenu le maire de New-York. Il faudrait être fou pour penser que depuis les années 1950 tout a changé, que le racisme n'existe plus, que chacun avance sans préjugés; mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que pour cent reculs il y a mille avancées. C'est sur elles que je mise.

 Voir le billet de Lewerenz ICI

 LIVRE VOYAGEUR

Merci à Lewerenz qui m'a envoyé ce livre et sachez qu'il continue à voyager. Inscrivez-vous s'il vous intéresse, vous pourrez prendre tout le temps que vous voulez pour le lire.



lundi 23 novembre 2015

Maud Tabanich : Le sang de Venise



Résumé du livre :

Avril 1575. La communauté juive de Venise est en danger. Le cadavre d'un petit garçon est découvert près du ghetto.
Attisée par un moine franciscain fanatique, naît une odieuse rumeur : cet assassinat serait un crime rituel. Les Juifs utiliseraient du sang d'enfants chrétiens pour confectionner leurs galettes de Pâques.Si la rumeur se révéla fondée ou si, simplement, il était avéré qu'un Juif était le meurtrier, cela contraindrait les autorités de la ville à se débarrasser de la communauté tout entière.
Or ses activités financières enrichissent considérablement la cité, même si la tolérance de Venise envers les Juifs empoisonne ses relations avec la papauté.
Rachel da Modena vit dans le ghetto. C'est une jeune fille rebelle, courageuse, éprise de liberté, qui n'hésite pas à se mettre en péril, même vis-à-vis des siens, pour débusquer le véritable tueur et innocenter son peuple.. 

Venise Le Cannaregio : le ghetto fondé en 1516
Le Cannaregio : le ghetto relié par deux ponts qui étaient fermés le soir

Mon avis

Le roman de Maud Tabanich est présenté comme un roman policier puisque le point de départ est la découverte non loin du ghetto du corps d’un petit enfant vidé de son sang. Deux autres meurtres suivent rapidement. Mais bien vite nous nous doutons de l’identité du coupable et ce n’est pas tant l’enquête qui nous interpelle que le sort réservé aux juifs accusés de crimes à la veille de la fête de Pâques qui tombe cette année de 1575 à la même date que celle des chrétiens. Un moine franciscain fanatique, Bernardino da Mantova, épaulé par Cremone, un commerçant antisémite virulent, attisent la haine de la population.
L’intérêt de ce roman historique est donc de peindre la vie des juifs dans le ghetto situé sur une île reliée par deux ponts aux autres quartiers de la cité et fermés chaque soir par une porte aux deux extrémités. Le lieu doit son nom à une ancienne fonderie ou getto (getho) qui se trouvait là en 1516, date de la fondation.



Venise Le Cannaregio : le ghetto

Et mon intérêt est d’autant plus vif que j’ai visité ce quartier lors d’une de mes visites à Venise, dans le Cannaregio, un endroit si étroit que pour gagner un peu de place les immeubles étaient inhabituellement hauts, étroits et serrés les uns contre les autres.
Nous découvrons cette communauté à travers un personnage sympathique, Rebecca da Modena, fille de Asher, un riche banquier, jeune fille éprise d’art et d’indépendance, qui, bravant les interdits de sa religion, fréquente les ateliers d’artistes élèves du Titien, et se lie d’amitié avec une noble chrétienne. Cette jeune fille rebelle, intelligente, qui tient tête même à Joseph da Padova, son fiancé traditionaliste, est en tout point ... romanesque! Mais peu importe qu’elle ait pu exister ou non à cette époque puisque nous aimons à suivre ses aventures et à découvrir une cité de la Renaissance, la Serenissime, passionnante, bruissante de fêtes et d'intrigues, aimant le luxe, amoureuse des arts mais prompte à la haine. Nous nous promenons des étroites ruelles du Ghetto où est confiné un peuple toujours menacé qui vit dans la précarité et la peur, aux luxueux palais du Canale Grande ou du palais des Doges, jusqu’aux Plombs du pont des Soupirs. Un vrai plaisir pour les amoureux de Venise. Une agréable lecture.

Venise le Ghetto : musée hébraïque (source)