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jeudi 30 avril 2020

Philippe Lançon : Le lambeau


Survivant de l’attentat terroriste de Charlie Hebdo, Philippe Lançon raconte dans Le Lambeau sa lente reconstruction physique à l’hôpital. Il a eu la mâchoire emportée et a dû subir pas moins de dix-sept opérations. Parallèlement, il décrit aussi sa reconstruction sur le plan psychique car un survivant n’est pas un vivant et doit le redevenir. Il y aura toujours, désormais, un avant et un après pour cet homme qui revient à la vie mais qui n’est plus ni tout à fait lui-même, ni tout à fait un autre.


Le lambeau

Charlie Hebdo : les disparus  Charb, Cabu, Bernard Maris, Tignous, Wolinsky
Le titre du livre présente donc un double sens : le terme lambeau fait référence à une partie de lui-même qui a définitivement disparu : “Il reste des parties de ce que j’étais, mais elles sont en lambeaux”.
"Eux (ses parents) souffraient, je le voyais, mais moi je ne souffrais pas, j’étais la souffrance. Vivre à l’intérieur de la souffrance, entièrement, ne plus être déterminé que par elle, ce n’est pas souffrir; c’est autre chose, une modification complète de l’être."
Mais le lambeau, c’est aussi, comme il nous l’explique en parlant de ses opérations, une technique chirurgicale qui permet de remplacer le manque de substance par de la matière et des tissus vascularisés. C’est un morceau de son péroné qui va lui servir de menton.


L'Avant, l'Après, Pendant

Philippe Lançon Prix feminan et prix spécial Renaudot 2018

Le livre est construit sur cet « avant » et cet « après » dont il a une conscience aiguë, avec un arrêt sur image, temps suspendu, sur « pendant » : l’attentat !
L’avant, c’est La nuit des rois au théâtre avec son amie Nina, les articles à écrire pour Charlie et Libération, les deux journaux pour lesquels il travaille, son amour, Gabriella, son prochain départ pour l’université de Princeton pour y enseigner la littérature. C'est la lecture de Houellebecq et les discussions houleuses à Charlie Hebdo.
Pendant : l’attentat ! Moment bouleversant, d’une grande intensité, et dont la scène apparaît comme dédoublée : Elle est décrite par la victime sous un angle flou, brouillé, incomplet, partiel, ce qu’il voit, ce qu’il entend sans voir, ce qu’il comprend ou non, dans une sorte de stupéfaction et d’anesthésie ( il ne prend pas conscience de sa blessure) et pourtant, contradictoirement, tous les sens en alerte  : le crépitement des armes, les cris des terroristes et des victimes, les odeurs, celle du sang en particulier. Elle se déroule comme un film, d’abord accéléré avec l’irruption des tueurs, puis au ralenti  : Franck, le policier qui assura la sécurité de Charb, sort son arme mais trop lentement et s’écroule et puis il y a les gros plans sur les victimes proches de lui, ceux qui n’arrêteront pas de hanter sa mémoire et qu’il  passe et repasse sans cesse dans sa mémoire comme un film que l’on peut dérouler et rembobiner. Le premier visage qui lui apparaît, la prise de conscience de ses blessures dont celle de la mâchoire. Il est défiguré.
L’Après : Philippe Lançon raconte, de souffrances en souffrances, d’opération en opération, d’espoir en désespoir et vice versa, une descente aux enfers non pas sous le signe de Dante mais plutôt sous celui de Kafka :
«  La plupart des réveils ont été soit difficiles, soit épouvantables.(…) De nouveau j’étais chez moi et une journée ordinaire allait commencer, de nouveau les lumières blafardes et les voix des infirmières chassaient le bien-être éprouvé, cette queue de coma, pour me replonger dans l’une des marmites kafkaïennes; mais l’enfer, n’était-ce pas toujours ça : l’éternel retour d’une sensation fictive, créée par la mémoire et la brutale expulsion du paradis ordinaire qu’elle rappelait »
L’absurdité du monde, de ce qui est arrivé, de ce qui lui arrive, est une sensation qui revient à maintes reprises dans ce récit, comme cette impression de culpabilité alors qu’il est victime :
« J’étais le compagnon des pauvres K de Kafka. Cette tendance allait vite s’accentuer. Je voulais bien faire pour qu’on ne puisse rien me reprocher. Je voulais être en règle avec les autorités. Plus la situation devenait extraordinaire, plus je voulais être conforme. Plus je comprenais que j’étais victime, plus je me sentais coupable. Mais de qui étais-je coupable si ce n’est d’avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment ?.»

Ce qu’il nous décrit est un parcours très intime puisque l’on pénètre dans la conscience même de l’écrivain, de ses peurs, ses doutes, mais aussi des souffrances du corps, de ses blessures, de ses trahisons intimes, de ses exigences matérielles. On y parle du quotidien du blessé, de la bave qui coule par les trous des tissus lésés, des intestins qui refusent de fonctionner, de la virilité défaillante, bref ! de tout ce qui assure normalement le bon fonctionnement de la machine, de tout ce qui nous rappelle et, ici, intolérablement, notre condition humaine.
 Il rend compte de l’amitié et de l’amour, de tous ces sentiments, ces émotions qui permettent de ne pas céder au désespoir, qui obligent à la lutte, à être à la hauteur, ce qu’il nomme « un dandysme » de l'esprit, de l’attitude. Il ne faut pas céder parce que l’on risque de décevoir ceux qui vous aiment et aussi ceux qui vous soignent. Mais cela aussi, est une douleur ! Il rend un bel hommage aux médecins et en particulier à sa chirurgienne Chloé, il dresse de beaux portraits, humains, vivants, de ses infirmières, sa kinésithérapeute, de tout le personnel soignant mais aussi de ces policiers qui ont assuré sa sécurité et l’ont accompagné pendant si longtemps.

Le trait d’union
 

Et parce que c’est un intellectuel, il est accompagné par les grandes figures de la littérature et de l’art, ceux qui sont essentiels pour lui, Thomas Mann, Proust, Kafka, Supervielle, Bach… C’est par la littérature qu’il est rappelé à la vie. Ainsi  lorsque par un matin de réveil brumeux, il est capable de se souvenir du prénom de madame Bovary, il remercie Flaubert de cette renaissance.
Peu à peu il va devoir quitter l’hôpital, métaphore du berceau, réapprendre à vivre comme un bébé apprend à marcher. Cette image de l’enfant dépendant est plusieurs fois évoquée dans le livre.
« Elle (l’infirmière) a posé un masque sur mon visage, elle me parlait, je ne la comprenais plus, j’ai senti que j’étouffais et tandis que la panique me saisissait, je me suis mis à pleurer, j’avais de nouveau cinq ou sept ans, je les aurais toujours… »
Peu à peu, il se remet à écrire des articles sur des expositions, des spectacles et il écrit ce livre catharsis : Le lambeau.
Ainsi, c’est certainement la littérature dans ce qu'elle a d'universel mais aussi l’écriture qui assureront le trait d’union entre l’avant et l’après, entre lui et lui-même. Une forme d'unité. Une constante !
Le livre se clôt sur l’attentat du Bataclan. Philippe Lançon l'apprend aux Etats-Unis. Il est avec Gabriella :  « Je suis heureuse de vous savoir loin. Ne rentrez pas trop vite » lui écrit Chloé, sa chirurgienne.
Conclusion 

Ceux qui s’attendent de la part de Philippe Lançon, comme je l’ai lu dans les critiques, à une analyse de l'islamisme, à une remise en cause des injustices sociales, à la dénonciation des ghettos que sont devenus nos cités, en seront pour leur frais. Il s'y refuse catégoriquement.
" Voilà trente ans, peut-être un siècle, que ces discours humanistes n'aboutissent à rien."
Il ne s’agit donc pas d’un texte social ou politique même si l'écrivain appelle au respect de la liberté de pensée, à la tolérance, à la suspension du jugement afin de mieux comprendre les idées des autres.
"J'avais passé une partie exagérée de ma vie à juger les autres. C'était une manière efficace de ne pas les comprendre, de ne pas m'oublier en m'échauffant... "
 Il déplore l’évolution de notre société vers l'obscurantisme, le puritanisme, le fanatisme, ce qu’il dénonce comme « la grande peur des bien-pensants »  et qui est à la source de la violence, de la haine, de l'extrêmisme.
«  Nous avions senti monter cette rage étroite qui transformait le combat social en esprit de bigoterie.. La haine était une ivresse; les menaces de mort, habituelles; les mails orduriers nombreux… »
Mais plus que tout Le lambeau est un cri douloureux, un cheminement intime et philosophique vers une forme de compréhension et de sagesse qui permet à l'écrivain d'être laissé "à la liberté et au silence du récit".



jeudi 23 avril 2020

Jack London : le peuple de l'abîme


C’est dans l’été 1902 que Jack London décide de descendre dans les bas-fonds de Londres pour en rapporter un témoignage de la misère sociale qui règne dans la capitale anglaise. Dans la préface, il nous dit qu’on  lui a parfois reproché d’avoir noirci le tableau mais qu’il n’en est rien, bien au contraire. La préoccupation de Jack London, témoigner pour les pauvres, correspond  à son engagement social et politique. Cependant, il le précise, ce sont les individus qui l’intéressent, non les idées d’un parti. Les partis se désagrègent, cessent d’exister, la misère non.
Je me suis demandée pourquoi il avait choisi l’Angleterre et non les USA pour cette enquête dans l’abîme, la situation des ouvriers chez lui n'était pas toute rose et il la dénonce souvent! Il semble, - c’est ce qu’il dit, et on peut le croire puisqu’il l’a vécu-, que le dénuement en Angleterre est encore plus terrible que dans son pays, la législation anglaise concernant les sans-logis venant encore aggraver les conditions de vie des misérables en les privant de toute possibilité de s'en sortir.
Jack London en revêtant de vieux vêtements va se faire passer pour un marin américain sans ressources et vivre par l’intérieur, tout en nous le faisant partager,  la vie de ces pauvres gens. 

Une rue du quartier de Whitechapel en 1902
Le premier chapitre s’intitule La descente et rejoint le titre général de l’essai : le peuple de l’abîme qui désigne l’East End de Londres. C'est là que s’entassent des milliers de malheureux dans la promiscuité la plus totale, à plusieurs familles par chambre, dans un total manque d’hygiène et une saleté sordide. Et plus Jack London s’enfonce au coeur de l’abîme, plus il découvre, comme Dante, les différents cercles de l’Enfer, le chômage, la faim, la privation, la maladie, l’ivrognerie, la prostitution, la violence, le crime, bref!  la déchéance et surtout, plus que tout, la fin de l’espérance ! Ces pauvres gens sont nés dans la misère et leur vieillesse, en les privant de leurs forces, leur enlève la possibilité de travailler, leur ôte tout espoir de survie.

« Mais la région où s’engageait ma voiture n’était qu’une misère sans fin. Les rues grouillaient d’une race de gens complètement nouvelle et différente, de petite taille, d’aspect miteux, la plupart ivres de bière. Nous roulions devant des milliers de maisons de briques, d’une saleté repoussante, et à chaque rue transversale apparaissaient de longues perspectives de murs de misère. L’air était alourdi de mots obscènes et d’altercations.  Devant un marché, des vieillards des deux sexes, tout chancelants, fouillaient dans les ordures abandonnées dans la boue pour y trouver quelques pommes de terre moisies, des haricots et d’autres légumes, tandis que des enfants agglutinés comme des mouches autour d’un tas de fruits pourris, plongeaient leurs bras jusqu’aux épaules dans cette putréfaction liquide… »

Les autres chapitres alternent entre le récit de ses expériences vécues et des études plus synthétiques qui présentent les réflexions de sociologues, les statistiques établis sur la vie et la mort dans l’East End, sur la législation qui les dirige.
« Un quart des londoniens meurt dans des asiles publics, tandis que 939 habitants sur mille, dans le Royaume-Uni, meurt dans la misère. 8 000 000 d’individus se battent pour ne pas mourir de faim, et à ce chiffre, il faut ajouter 2 000 000 de pauvres bougres qui vivent sans confort, dans le sens le plus élémentaire et le plus strict du mot. »
Les textes généraux sont utiles car ils nous font prendre conscience de l’importance de ce phénomène à partir de chiffres d'abord. Ils soulignent ainsi cruellement  la férocité d'un capitalisme qui exploite et broie les individus et d’un gouvernement qui ne cherche pas à régler le problème mais à le masquer en le brimant et le contenant. 
En même temps, Jack London nous amène à découvrir l’absurdité ubuesque des lois anglaises qui interdisent aux  sans-abris de dormir dans les rues la nuit. La police les traque en les réveillant sans répit. S’ensuivent des nuits sans sommeil, par tous les temps et sans rien dans le ventre. Abrutis de fatigue, affaiblis par la faim, par le sommeil, les gens finissent par dormir le jour dès que les parcs sont ouverts, n’ayant plus la force de travailler. La seule solution est donc de chercher un asile de nuit pour y dormir. Mais si l’on veut avoir une possibilité d’y obtenir une place, il faut faire la queue dès le début de l’après midi. Il est donc impossible de chercher un emploi et ceci d’autant plus que les misérables, en échange des nuits d'asile et d’une nourriture mauvaise et insuffisante, doivent accomplir des journées de corvées. Ceux qui n’ont pas de toit peuvent donc difficilement accéder au travail. 
Mais ceux qui ont la « chance » de travailler ne sont pas beaucoup mieux lotis  : un salaire de misère, des horaires surchargés, une pollution au travail intense, hydrocarbones, suie, acide sulfurique, et aucune protection. Les maladies et accidents entraînant des incapacités de travail sont légion et les invalides ne peuvent espérer aucun secours.

« On est donc amené à conclure que l’Abîme n’est qu’une vaste machine à détruire les hommes.. » 

Enfant dans l' East End
Ce que j’ai préféré dans cet essai, c’est de pouvoir partager avec l’écrivain la vie de ces gens. Pouvoir mettre des visages, des histoires sur eux pour qu’ils ne soient pas seulement des chiffres mais des êtres vivants. Certaines scène sont très fortes, marquantes, comme celles où Jack London passe la nuit dans un de ces asiles, les vêtments grouillant de vermines, ou celle où il bénéficie de "la charité" de l'armée du Salut ! 
Avec ses talents de conteur, son sens du détail qui touche, Jack London dresse les portraits pleins d’humanité de ces misérables dont certains ressemblent fort à Jude L’Obscur, le personnage de Thomas Hardy. Sans pathos mais avec amour, il leur redonne ainsi la dignité qu’on leur a arrachée. Certes, London sait qu’il a devant lui l’illustration de la théorie darwiniste de la survie de l’espèce par la loi du plus fort. Mais il se révolte car dans un pays prospère cela n’a plus aucune raison d’être et il exprime son empathie pour les malheureux.

« Je ne voudrais pas être présent lorsque tous ces gueux crieront d’une seule voix à la face du monde leur profond dégoût. Mais je me demande parfois si Dieu les entendra. »

On retiendra donc en conclusion cette phase qui reflète son indignation  :  « Mais la plupart des gouvernements politiques qui gèrent si mal les destinées de ce pays sont -et, là aussi, c’est mon opinion-  destinés à la décharge publique. »

Lecture commune pour le challenge Jack London : 

Lilly
Miriam
Nathalie


Lectures communes Jack London, je vous propose  :

Pour le 8 mai : Le vagabond des étoiles

Pour le 25 Mai : L'amour de la vie

ou si vous préférez un autre au choix



mercredi 22 avril 2020

Honoré de Balzac : Pierrette

Guido Reni : portrait de Beatrix Cenci
Pierrette, roman qu'il place dans Scènes de la vie de province, fait partie de la série que Honoré de Balzac consacre aux Célibataires, êtres inutiles, vides, sans valeur, qu’il écrase de son mépris. Nous avions commenté précédemment Le Curé de Tours au cours des lectures communes balzaciennes initiées par Maggie.

« Aussi était-ce une fille, et une vieille fille. Quand elle eut déployé ses persiennes par un geste de chauve-souris, elle regarda dans toutes les directions (…) Y a-t-il rien de plus horrible que la matinale apparition d’une vieille fille laide à sa fenêtre ? De tous les spectacles grotesques qui font la joie des voyageurs quand il traversent les petites villes, n’est-ce pas le plus déplaisant ? Il est trop triste et éprouvant pour qu’on en rie? »

Le récit 
Pierrette
Nous sommes à Provins. Les célibataires sont un couple de vieillards, frère et soeur, les Rogron, secs et durs de coeur et avares, qui se sont enrichis et affichent dans leur maison tout le mauvais goût de parvenus. Ils accueillent chez eux une jeune cousine Pierrette, une petite bretonne,  que leur confie sa grand-mère, une parente désargentée. Ils n’auront de cesse de tourmenter la jeune fille qui tombe malade à force de tortures physiques et morales. Sa personne devient alors l’enjeu d’une lutte sournoise et acharnée entre les deux factions qui se disputent le pouvoir dans la ville. Son aïeule bien-aimée et Jacques Brigaud, son amoureux, venus à son secours, pourront-ils la sauver ?

Une critique sociale virulente
Sylvie Rogron frappe Pierrette
Comme dans Le curé de Tours, Balzac peint avec Pierrette une scène de la vie de province particulièrement cruelle et pessimiste. Toutes les classes sociales y sont représentées mais aucune n’est épargnée sauf les humbles, ouvriers, menuisiers comme Brigaud et son patron, la servante des Rogron, et Pierrette et sa grand-mère.  Toutes les autres sacrifient l’innocence à leur intérêt personnel, à leur ambition sociale et politique surtout en cette période pré-électorale où tous les coups sont permis.

Les Rogron représentent la petite bourgeoisie commerçante arriviste qui veut être reçue dans le monde et pense y parvenir grâce à son argent. Pour cela, ils n’hésitent pas à spolier leur famille, à chercher des appuis dans des mariages d’intérêt, à jouer sur les dissensions politiques.
Mais leur vulgarité et leur sottise leur ferment la porte de la haute bourgeoisie légitimiste, les Julliard, les Guépin, les Guénée, les trois grandes familles de Provins et leurs alliés. Les Rogron se tourneront alors vers la bourgeoise libérale représentée par le colonel Gouraud, le médecin Neraud,  et surtout l’avocat Vinet, adversaires politiques de ceux qui les ont rejetés
Si les grands bourgeois prennent le parti de Pierrette, c’est surtout pour s’opposer à leurs adversaires politiques pour emporter les élections. Quant aux libéraux, ils soutiennent les Rogron alors même qu’ils les savent coupables de sévices envers Pierrette pour les mêmes raisons.
Mais ce sont toute de même les libéraux qui détiennent la palme de l’hypocrisie et de la bassesse  ! 
Il charge ainsi l’avocat Vinet :  

« Accoutumé à tout concevoir par son désir de parvenir, il pouvait devenir un homme politique. Un homme qui ne recule devant rien, pourvu que tout soit légal, est bien fort : la force de Vinet venait de là. Ce futur athlète des débats parlementaires, un de ceux qui devait proclamer la royauté de la maison d’Orléans, eut une horrible influence sur le sort de Pierrette. »

Le colonel Gouraud, lui aussi, est un opportuniste, prêt à épouser la riche Sylvie Rogron malgré sa laideur, ou mieux encore - en vieux filou dépravé-  la petite Pierrette si elle est héritière !
Cependant, personne ou presque ne sort indemne de la peinture au vitriol faite par Balzac. Chacun fait sienne les maximes de Vinet :

« Nous serons de l’opposition si elle triomphe, mais si les Bourbons perdent, ah! Comme nous nous inclinerons tout doucement vers le centre ! »
Et les femmes ne sont pas les dernières. Dans les deux partis, deux grandes dames mènent le jeu. Elle sont égales par la beauté, le bon goût, l’éducation et l’intelligence mais non par la fortune : Madame Tiphaine et Batilde de Chargeboeuf, la dernière sans dot, qui épousera le vieux Rogron. Mais elles portent bien chacune les ambitions, les intrigues, les compromissions et les hypocrisies de leur rang. Ce sont elles qui font ou défont la carrière politique des hommes.
Batilde de Chargeboeuf «  ne se mariait pas pour être mère mais pour avoir un mari, elle se mariait pour être libre,(..) pour s’appeler madame et pouvoir agir comme agissent les hommes. Rogron était un nom pour elle, elle comptait faire quelque chose de cet imbécile, un Député votant dont elle serait l’âme.»
Le roman est une démonstration de la faiblesse des humbles lorsqu’ils deviennent le jouet des puissants. Pierrette en fait les frais et c’est encore Vinet qui résume la philosophie de ces gens-là quelque soit le parti où il se range  :

« Votre misère comme la mienne vous aura donné sans doute la mesure de ce que valent les hommes : il faut se servir d’eux comme on se sert des chevaux de poste. Un homme ou un femme nous amène de telle à telle étape. »

                                               Entre le conte et le réel : Des archétypes

Kay, Gerda dans le conte d'Andersen : La reine des neiges
Le roman a une particularité qui lui donne un dimension plus profonde. Il présente deux facettes, la réalité, d’une part, qui puise dans tous les aspects le plus sombres de l’être humain et de la société et de l’autre, le conte de fées. Ce dernier peut présenter des noirceurs mais il met à part les personnages en leur conférant un autre statut, en en faisant des archétypes.
Pierrette s’apparente à la petite fille des contes, elle affronte tous les êtres maléfiques qui dressent des pièges sur son chemin. La grand-mère n’est-elle pas celle du Petit Chaperon rouge ou de La petite fille aux allumettes? Les deux enfants pourraient être Gerda et Kay de La Reine des neiges, Hans et Gretel. Balzac en est conscient qui compare lui-même leur histoire d’amour à celle de Paul et Virginie.  

La sorcière du conte : Sylvie Rogron
 Balzac joue ainsi sur les deux tableaux entre réel et l’irréel : il dresse des portraits de méchants totalement effrayants et aboutis comme Melle Rogron, image de la sorcière et de la marâtre du conte traditionnel; et il hisse le portrait de Vinet, l’ogre, au niveau de l’archétype en faisant de lui un homme politique amoral et cynique, pour qui le pouvoir justifie tout et qui piétine ses semblables sans remords.

Le curé de Tours raconte aussi la même histoire et nous laisse sur un sentiment de tristesse et d’amertume  quant à la nature humaine mais avec Pierrette, Balzac frappe encore plus fort. Le curé Biroteau est un personnage réaliste avec des appétits et des faiblesses d’homme, gourmandise, jalousie, envie, ambition, le personnage de Pierrette est celui d’une enfant totalement innocente, douce et sans défense, une Cosette livrée aux Thénardier.  C’est pourquoi son sort nous touche plus profondément encore que celui de Biroteau. D’autre part, Honoré de Balzac est encore plus virulent dans la satire sociale. Il décrit la société comme une machine à broyer les plus faibles, d’où le sentiment de révolte, d’indignation qu’il fait naître en nous. Il englobe dans le même mépris tous les acteurs de la vie sociale et politique de son époque en France mais il étend, en conclusion, cette peinture sans illusion de la nature humaine à l'universel en terminant son récit par une allusion à Béatrix Cenci sacrifiée, elle aussi, à l'ambition d'un pape.

Lecture commune initiée par Maggie ICI

dimanche 12 avril 2020

Le pont d'Avignon est-il encore là ?


 Pont d'Avignon, soleil couchant. Photo d'un temps très ancien où l'on pouvait encore se promener en liberté ! Je ne l'ai pas vu, ce pont, depuis un mois. Vous croyez qu'il existe encore ?

Ce petit mot pour vous dire que je confine mon blog pour quelques jours ! Non, il n'a pas le coronavirus mais sa patronne à une petite baisse d'énergie!

Mais je serai présente pour les 22, 23, 30 Avril pour les Lectures Communes :

Le 22 Avril avec Maggie : Pierrette


23 Avril pour le challenge Jack London  : le peuple de l'abîme  


30 avril avec Ingammic  : Le lambeau de Philippe Lanson

Je suis là aussi pour ajouter vos liens vers vos lectures Jack London dans le bilan du challenge. Donc, continuez à me les envoyer.

Demande d'aide pour Blogger

D'autre part, j'ai besoin de votre aide car je n'arrive plus à répondre à vos commentaires dans mon blog. Mes réponses disparaissent quand je les envoie. Aucune explication de la part de blogspot ! Auriez-vous la réponse ? Merci
... et à bientôt !




mercredi 1 avril 2020

challenge Jack London : premier bilan


Le challenge Jack London

Voici le premier bilan du challenge Jack London avec les participations de certaines d'entre vous. Merci  à toutes !


Je rappelle en quoi consiste ce challenge  :  Il s'agit de découvrir et de commenter des romans, des nouvelles et des essais de Jack London. On peut aussi lire des BD, voir des films qui sont des adaptations de ses oeuvres, et s'intéresser à sa biographie.
 
On peut s'inscrire à tout moment à ce challenge qui durera un an, il suffit d'avoir envie de lire au moins UN livre de l'écrivain et pour les passionnés autant que vous le désirez. Je propose des Lectures Communes chaque mois que vous êtes libre de rejoindre ou pas car vous pouvoir choisir les oeuvres que vous préférez et les dates de publication.

  La seule contrainte est de venir mettre un lien dans mon blog pour que je puisse noter les oeuvres lues et venir vous lire. (Pour trouver la page ou déposer les liens, cliquez sur la vignette du challenge Jack London dans la colonne de droite de mon blog).

 Logos au choix à utiliser






Les lectures communes

Quelques LC

  Le 22 Avril avec Maggie : Pierrette

23 Avril pour le challenge Jack London  : le peuple de l'abîme  

30 avril avec Ingammic  : Le lambeau de Philippe Lanson

 

Les participants au challenge


Aifelle   Le goût des livres   

 

  

 

 

 

   

Claudialucia : Ma librairie









Electra La plume d'Electra









Ingammic Book'ing





Kathel : Lettres express




Contruire un feu London/Chabouté

La peste écarlate



Lilly et ses livres :

La peste écarlate

Le vagabond des étoiles

Le peuple d'en bas ou le peuple de l'abîme

Le vagabond des rails




Maggie Mille et un classiques







Marylin Lire et merveilles

Le vagabond des étoiles

Adaptation BD Riff Reb  du Vagabond des étoiles





Miriam Carnet de voyages et notes de lectures

Une fille des neiges 

La peste écarlate

Martin Eden 

Le peuple de l'abîme

Le vagabond des étoiles

Le vagabond du rail

Construire un feu




Nathalie : chez Mark et Marcel

Le peuple de l'abîme



L'appel de la forêt




 Patrice Et si on bouquinait un peu ?







Praline : blog Pralineries

 La peste écarlate








Ta d Loi du ciné Blog de Dasola









Tania Textes et prétextes