Pages

dimanche 1 novembre 2020

Picardie/ Pas de Calais : L'abbaye de Valloires

 Valloires : bâtiment abbatial

A celles qui me demandent si j'ai vu l'abbaye de Valloires, je réponds, oui, et c'est une visite très agréable, apaisante, qui emplit le coeur de beauté.  !  Décidément, cette région est riche en abbayes, collégiales, églises en sus de tous ses paysages de rêve !  

abbaye de Valloires : le colombier

L'abbaye cistercienne de Valloires, située au coeur de la vallée d'Authie, fondée au XIIème siècle et habitée par une centaine de moines connaît la prospérité au XIIIème. Ruinée au cours des siècles par les guerres et la révolution, elle est reconstruite au XVIIIème. La  décoration intérieure fut confiée au baron Pfaffenhofen, sculpteur sur bois, pierre et marbre, dont vous rencontrerez le portrait au cours de la visite guidée de l'intérieur.  La chapelle vaut la visite si vous appréciez le baroque.

Abbaye de Valloires : Le cloître

Pour ma part, ce que j'ai aimé particulièrement, c'est la visite des jardins destinés à recueillir les vastes collections de plantes et d'arbres venus d'Asie et d'Amérique du Nord, envoyées par le pépiniériste Jean Louis Cousin. Il y a cinq jardins d'ambiance et 5000 espèces végétales.

 J'imagine aisément combien ces jardins doivent être splendides au printemps avec les arbres et les parterres, les roseraies en fleurs. Mais en ce début automne, ils ne sont pas moins colorés et luxuriants avec ce mélange de verts, d'ors et de rouges auquel s'ajoute la mélancolie des feuilles qui jonchent le sol.

L'abbaye et l'église abbatiale vues des jardins à la française
 
Entrée des jardins de Valloires



 

  






mardi 27 octobre 2020

Voyage Picardie/ Pas de Calais : L'abbaye de Saint Riquier


L'abbaye de Saint Riquier  est un des plus beaux exemples de gothique flamboyant de Picardie avec la chapelle Saint esprit de Rue et l'abbatiale d'Abbeville dont je vous parlerai plus tard. Fondée au VII siècle, elle devient une abbaye royale sous la protection de Dagobert 1er et a un tel rayonnement que Charlemagne la choisit comme centre spirituel de son empire. Elle a été détruite et reconstruite à maintes périodes ce dont témoigne son architecture.

La beauté de la façade de l'église gothique flamboyant



Eglise abbataile grille ouvragée du choeur






Se promener dans les jardins du monastère avec ses longues et élégantes façades de facture classique, ses bâtiments agricoles en pisé, désaffectés, ses vergers de vieux pommiers de toute espèce dont les fruits de sont pas ramassés (miam! un délice!), est un beau moment de paix et de beauté.

 












samedi 24 octobre 2020

Voyage en Picardie/Pas de Calais avec Victor Hugo : La baie de Somme : Le Crotoy, le Hourdel, Saint Valery

 

La baie de Somme est située sur le littoral de la Picardie et s'étend sur 70 km2. Elle est d'une grande richesse écologique notamment en tant que haut lieu ornithologique.
La baie de Somme est située entre la pointe du Hourdel au sud et la pointe de Saint-Quentin-en-Tourmont au nord. La Somme, fleuve côtier qui a donné son nom au département, se jette dans la Manche à cet endroit.
La baie est principalement constituée de deux milieux :
    •    la slikke, zone de vasières, recouverte par la mer deux fois par jour,
    •    le schorre ou « mollières » qui est couvert par la mer seulement lors des grandes marées.
Elle est constituée de deux estuaires emboités :
    •    celui de la Somme au sud, et
    •    celui de la Maye, petit fleuve côtier, au nord.
Elle est cependant menacée d'ensablement et les premiers symptômes sont déjà visibles. (Wikipédia)



Le Crotoy : au nord de la baie de Somme

Hier, j'ai fait à pied une excursion au Crotoy, charmant petit port vis-à-vis St-Valéry, à l'embouchure de la Somme. Au moment où j'arrivais, c'était le départ des barques, chose toujours admirable et toujours nouvelle. Toutes les voiles, dessinées nettement par les angles, s'enlevaient en noir sur le ciel et sur la mer qui éblouissaient. (Victor Hugo  France et Belgique (1837, Lettre XII, Du Tréport, 6 septembre)

 

Hôtel des Tourelles  

A côté des petites maisons de pêcheurs du Crotoy se dressent de belles et riches maisons dont l'hôtel des Tourelles emblématique de la ville.



L'église Saint Pierre




 La Somme, canalisée de nos jours, se jette dans la Manche et le contraste entre la petite rivière et son immense estuaire est saisissant. La baie offre une vue grandiose  C'est le combat entre la mer qui cherche à gagner les terres et la rivière qui en apportant des alluvions envase la baie. Tout est spectaculaire,  somptueux  : Le jeu des lumières et des couleurs toujours changeantes, les formes des nuages qui varient sans cesse, les oiseaux en grand nombre (Je ne suis pas encore  allée au parc ornithologique),et, dans l'arrière-pays, les moutons de pré-salé qui paissent sur les Mollières, prés envahis par la mer pendant les fortes marées.

 



 

Le Hourdel et Saint Valery : au sud de la baie de Somme


En vis à vis de Le Crotoy, le phare du Hourdel constitue un très beau point de vue sur la baie.

La baie de Somme vue du phare du Hourdel

La baie de Somme vue du phare du Hourdel

  Saint-Valery-sur-Somme est un des plus charmants lieux de la côte et ne le cède ni au Tréport, ni au Bourg-d’Ault, ni à Étretat. C’est ici que Guillaume de Normandie s’embarqua en 1066 sur une flottille de quatre cents voiles pour aller prendre l’Angleterre. Après les conquérants il y a eu les voleurs. J’ai traversé là-haut en arrivant un hameau appelé Pinchefalise. Lisez pince-valise. Sur la porte de l’église on lit ceci écrit à la craie : Votons tous pour Louis-Napoléon Bonaparte.(Victor Hugo En voyage La Somme et l'oise)


Le Crotoy et la Baie de Somme vus de Saint Valéry

Le Crotoy et la Baie de Somme vus du haut de Saint Valéry

Saint Valery, en face de Le Crotoy,  est une jolie petite ville médiévale juchée sur une falaise qui domine toute la baie de Somme. Cette ville est lié à l'histoire de Jeanne d'Arc qui y est passée, alors prisonnière des anglais. Les remparts du XI siècle s'ouvrent par deux portes, celle de Nevers en bas et en haut les tours Guillaume.

Saint Valéry : Les tours Guillaume

Saint Valery  :Eglise Saint Martin

Saint Valery  : Eglise Saint Martin


Saint Valery : porte de Nevers 

 Victor Hugo arrive à Saint Valery :

Le cheval trottait rapidement, la route était redevenue bonne ; avant sept heures nous descendions à Saint-Valery. Là j’ai quitté mon excellent fermier. J’arrivais à temps pour prendre la patache qui va à Abbeville.

Le port de Saint-Valery était charmant au crépuscule. On distinguait au loin les dunes du Crotoy et, comme une nébulosité blanchâtre, les vieilles tours arrachées et démolies au pied desquelles j’avais dessiné deux jours auparavant.

Au premier plan, à ma droite, j’avais le réseau noir et inextricable des mâts et des cordages. La lune, qui se couchait hier une heure après le soleil, descendait lentement vers la mer ; le ciel était blanc , la terre brune, et des morceaux de lune sautaient de vague en vague comme des boules d’or dans les mains d’un jongleur.

C'est cette ville qui lui inspira  l'un de ses plus fameux poèmes :

Océano Nox

Saint-Valery-Sur-Somme.

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? -
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!

Dessin de Victor Hugo


samedi 10 octobre 2020

Sébastien Spitzer : La fièvre Rentrée littéraire 2020


Par ces temps de coronavirus, il n’est pas inintéressant, en cette rentrée littéraire, de lire La fièvre de Sébastien Spitzer sur l’épidémie de  fièvre jaune qui a touché Memphis en 1878. La fièvre jaune dont on sait de nos jours qu’elle est due à un flavivirus transmis par un moustique comme on l’apprend dans ce roman. Sébastien Spitzer nous dit qu’il commencé ce livre avant que ne se propage l’épidémie du coronavirus et qu’il a donc été rejoint par l’actualité au moment où il le terminait.
Là encore, comme dans La peste écarlate de Jack London, en l’absence de réponse médicale comme nous en avons de nos jours, la panique fait fuir la presque totalité de la population la vouant à une mort certaine. L’auteur raconte, à travers le personnage de la petite Emmy, métisse, et de sa mère, ce voyage cauchemardesque dans des trains bondés qui favorise la propagation de la maladie. Ceux qui cherchent à y échapper sont accueillis à leur descente du train par des hommes armés de fusils qui leur tirent dessus impitoyablement pour les empêcher  de répandre la maladie. C’est ainsi que la mère d’Emmy est tuée. La fillette parvient à rejoindre Memphis où la vie s’organise tant bien que mal tandis que l’épidémie fait des milliers de morts en quelques jours.
Ce récit se fait autour de personnages principaux comme Emmy dont le père, blanc, est le premier à mourir de la fièvre jaune en venant retrouver sa fille après sa sortie de prison. Au drame de l’épidémie s’ajoute celui du racisme, des exactions du Ku Kux Klan et des exécutions sommaires des noirs dans une région encore marquée par la guerre de sécession et par la haine du Nord. Il y a aussi Keathing, journaliste, proche de ses amis racistes, touché par la maladie et qui va peu à peu évoluer devant tant de peurs et de souffrances. Puis un belle figure féminine, Anne Cook, maquerelle, tenancière d’une maison close, qui fait de son lupanar un hôpital et soigne les malades avec dévouement. Enfin, un personnage qui a réellement existé et à qui Sébastien Spitzer dédicace son livre, Raphaël T. Brown, ancien esclave noir, libéré par la guerre, qui prend les armes et organise une milice pour défendre les habitants des hordes de pillards qui volent, violent et tuent à la faveur du désordre et de la maladie.  

Les personnages, leur humanité, nous permettent d’entrer dans ce récit et de vivre avec eux cette tragédie qui nous touche, au-delà des siècles, car toujours malheureusement actuelle. Un bon roman et qui devrait nous permettre de nous interroger sur la chance que nous avons, au XXI siècle, selon les pays où nous habitons mais aussi les milieux sociaux -car nous ne sommes pas tous égaux- d’avoir des hôpitaux à la pointe du progrès, des soignants compétents et dévoués, des chercheurs qui travaillent sans relâche sur les médicaments adéquats, des gouvernements, du moins ceux qui en ont le courage et la lucidité, pour nous protéger en prenant des mesures pas toujours populaires mais nécessaires malgré les grognements et les vitupérations des jamais contents ! 



jeudi 8 octobre 2020

Marie-Hélène Lafon : Histoire du fils Rentrée littéraire 2020


Le fils, c'est André. La mère, c'est Gabrielle. Le père est inconnu. André est élevé par Hélène, la soeur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille. Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le coeur d'une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences. (Quatrième de couverture)

Le fils, c’est André nous dit la quatrième de couverture, André  heureux dans sa famille adoptive, il aime ceux qu'il considère comme ses vrais parents, Hélène et Léon. S'il n'a qu’indifférence pour sa mère, Gabrielle, toujours absente, il est toujours à la recherche de ce père inconnu de lui.
Mais André n’est pas le seul fils, témoin ce Paul Lachalme que nous connaissons, nous, lecteurs, lorsqu’il était jeune lycéen, fils d’un notable de Chanterelle, maire de la ville, riche et ambitieux aubergiste, lui-même fils de paysans du Cantal. Et puis il y a Antoine, fils d’André, qui se chargera de terminer la quête du père menée par André. Une succession de générations ! Histoire des fils, histoire des rapports des fils à leur père !

Il est de règle de nos jours si l’on ne veut pas s’attirer les foudres des critiques d’éviter le schéma narratif chronologique jugé trop simpliste par certains d’entre eux. Marie-Hélène Lafon, tout en obéissant à ce qui semble être devenu un impératif, déconstruit son récit qui s’étale de 1908 à 2008 et en en tire parti  d'une manière non seulement brillante mais qui fait sens et donne de la densité et du corps au récit. Un siècle pour raconter une histoire qui telle un cercle se referme sur elle-même et dont tous les éléments se mettent en place jusqu’au dernier à la recherche des pans du passé qui nous échappent. Il y a de plus une émotion qui naît du fait que l’on retrouve les personnages qui vivaient au début du XX siècle par le regard que portent sur eux leurs descendants du XXI siècle à la recherche de leurs racines. Le poids du passé, la nostalgie pèsent sur le lecteur car ces personnages dont certains sont très attachants, nous les connaissions déjà. A la différence de leurs descendants, nous les avions rencontrés sans savoir ce qu’ils étaient devenus. Ainsi en est-il de l’adorable petit Armand et de la servante Antoinette dont nous n’apprenons l’histoire qu’après coup.  
j’ai vraiment adoré cette construction qui d’abord déroute, puis peu à peu nous entraîne, nous fait entrer dans une histoire et ses ramifications sans trop savoir où nous en sommes, rythmé surtout par la marche du temps, déchiré par les  deux guerres, puis nous implique et nous touche comme si nous faisions partie nous-mêmes de l’histoire. Le tout dans un style apparemment simple mais travaillé, ciselé, où chaque mot fait mouche. Un beau livre !

samedi 3 octobre 2020

Montaigne : Il n'a fait que des essais !

Michel de Montaigne

 Les perles du Bac 

 Je la trouve si savoureuse, celle-ci, que je veux la partager avec vous !


 

 

"Toute sa vie, Montaigne a voulu écrire mais il n'a fait que des essais" 

 

 

 

 Pauvre Montaigne, écrivain raté !

  Et voilà quand on prend ce qu'il écrit au premier degré !

"Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des essais de ma vie." 


Au lecteur

 C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dés l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus altière et plus vive, la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc ; de Montaigne, ce premier de mars mil cinq cent quatre vingts.