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vendredi 24 mai 2024

Stockholm : Thiekska Galleriet ou la Galerie Thiel

La Galerie Thielska
 

Décidément mon musée préféré à Stockholm pour ma seconde visite de la ville est toujours la Tielska Galleriet. Il en était de même déjà en 2015 quand je lui avais consacré deux billets que je reprends en Mai 2024 en y ajoutant des photos nouvelles. (Voir  Ici et Ici les précédents billets)

Aux plaisirs des riches collections d'art, s'ajoute la découverte de cette belle villa Art Nouveau construite pour le financier Ernest Thiel, un riche collectionneur d'art, au milieu de la nature et au bord de l'eau.  On peut gagner la villa Thiel en autobus depuis le centre ville jusqu'au promontoire de Bolckhussudden dans l'île de Djurgarden. Le bus s'arrête devant le musée. C'est le terminus. Puis revenir à pied en suivant la rive  jusqu'à la villa du Prince Eugène, deuxième petite merveille.
 
 
Carl Larsson et la famille Thiel
 
 
La pièce Carl Larsson

 
La pièce Carl Larsson


 
C'est dans cette jolie pièce  sont réunies les oeuvres de Carl Larsson dont celles sur la famille Thiel.
 
 
Carl Larsson : madame et monsieur Thiel


Carl Larsson : Inga-Maria Thiel

J'aime beaucoup aussi ce tableau autour de la lampe. Regardez les yeux de la petite fille à droite.

Carl Larsson : Autour de la lampe Alton


Les peintres suédois

 

La salle des peintres suédois : Bruno Liljefors, Eugène Jansson, Gustave Fjaestadt, Richard Bergh, Prince Eugène..


Le peintre Gustav Fjaestad (1868_1948)
 

Gustav Fjaestad (détail)  

 

 Gustav Fjaestad, est un peintre suédois, né à Värmland dans l'ouest de la Suède.  J'adore! Je suis fascinée par ses paysages d'hiver et de neige, cet art de mettre en relief la matière qui donne l'impression de l'épaisseur, du moelleux, du froid, par les effets de lumière, de reflets, de scintillement extrêmement décoratifs et mystérieux à la fois, par ce mélange entre réalisme et féérie.
 
 
 
Gustav Fjaestad

 

 
Gustav Fjaestad

 

 

Le peintre Eugène Jansson (1862_1915)


Eugène Jansson

Une découverte et un coup de coeur : Thiel a acquis de nombreuses oeuvres de Eugène Jansson, peintre suédois né à Stockholm, ce qui explique que celui-ci soit largement représenté à la galerie Thielska. Ses paysages urbains sont d'une grande beauté, transfigurés par la palette extraordinaire de bleus et les lumières qui semblent émaner de sa toile.


Eugène Jansson


Eugène Jansson


Eugène Jansson



La salle de Munch


La salle de Munch, sculpture de Rodin



Munch : Au centre le portrait de Nietsche



Edward Munch



Je me suis intéressée aux détails, les pieds en dedans de la fillette de droite, son air triste, le regard poignant de celle à gauche.



Munch (détail)



Munch : L'enfant malade (détail)


 
Thielska Galleriet possède la plus riche collection de Munch en dehors de la Norvège. Au dernier étage de la demeure on retrouve Munch avec des lithographies.


La salle à la coupole : Oskar Bergman


La salle à la coupole


 


 
Oskar Bergman

Oskar Bergman est un peintre suédois né à Sotckholm en 1879. il est mort en 1963. Il exécute des paysages réalistes avec une technique extrêmement fine et ciselée.


Oskar Bergman


L'exposition temporaire : Stefan Johansson (printemps-été 2024)


Stefan Johansson


La pratique de Stefan Johansson (1876-1955) se caractérise par des portraits finement ajustés, des études audacieuses de la lumière et des intérieurs intimes. En 1910, il commence à utiliser une technique spéciale d'aquarelle qui consiste à apprêter des toiles de lin avec couche après couche de peinture qu'il efface ensuite progressivement. Il a exploré les techniques, la lumière et la couleur d'une manière sans précédent dans l'histoire de l'art suédoise.

Stefan Johansson

 

Stefan Johansson

Originaire du comté de Värmland, Stefan Johansson est surtout connu pour les portraits sensibles de sa mère, Maria. Il en a fait don de certains à la galerie Thiel. La mort de sa mère ouvre un vide que l’artiste comble d’une lumière nouvelle.

 

Stefan Johansson

Stefan Johansson

Stefan Johansson

Il se lance dans la peinture des faisceaux de lumière circulaires, des ombres balayées et des lanternes dans le brouillard, auxquels il se consacrera jour et nuit pour le reste de sa vie. Johansson a étudié sur place comment les particules de couleur se déplaçaient sous l'effet de la lumière, puis est retourné dans son atelier pour peindre de mémoire. (texte site Thielskagalleriet ici)

 

Stefan Johansson


Stefan Johansson



jeudi 23 mai 2024

Stockholm : Vasa Museet ou Le musée du Vasa

La poupe et le Beaupré du Vasa

Lors de mon second voyage à Stockholm, je suis retournée voir le Vasa dans son musée au bord de l'eau. Je reprends ici le billet que j'avais écrit en 2015 en complétant les commentaires et en ajoutant des images.
 
 
La proue du Vasa

 
 
Le musée de Vasa ou Vasamuseet porte le nom du vaisseau de guerre qui a coulé il y a presque quatre cents ans dans le port de Stockholm. Après avoir été renfloué, il est maintenant exposé à la curiosité des visiteurs. Intéressant, oui ! Mais mieux que cela, passionnant, beau et aussi émouvant quand on évoque la vie de ces passagers qui ont péri pendant le naufrage et des marins qui vivaient à bord et qui n'étaient pas mieux traités que du bétail ! Voilà un musée qui allie à une belle recherche muséographique, une conception intelligente de l'Histoire en faisant revivre le passé et en tenant compte de tous ses publics, enfants et adultes. Il y a même une salle de legos où, après la visite, les enfants peuvent s'amuser à reconstituer le bateau ! 


Vasamuseet sur l'île de Djurgarden (A l'arrière-plan, le Nordisca museet)
 
 
Semblable à un  navire, le musée construit pour abriter le Vasa, se dresse au-dessus de l'eau. Les trois mâts qui dépassent de son toit ne sont pas ceux du Vasa qui n'ont pu être reconstitués entièrement mais des éléments décoratifs de ce bâtiment.


En s'élevant dans les étages les détails de la proue nous apparaissent

 
Vasa, ce navire aux proportions gigantesques, s'élève sur les sept étages du musée qui l'encerclent permettant aux visiteurs de le découvrir de la proue à la poupe, de la carène aux mâts, dans une demi-obscurité, son bois patiné et luisant, dévoilant les sculptures qui le parent, les sabords des canons ouverts, ses trois mâts épais se dressant démesurément vers le ciel alors qu'il ne reste d'eux que la première partie. 
 
On dirait un géant prisonnier entre les murailles qui l'enserrent. C'est l'impression que vous ressentez quand vous pénétrez dans le bâtiment au niveau du premier étage qui correspond à la ligne de flottaison. Une surprise, un écrasement! Et nous voilà embarqués, c'est le cas de le dire, vers un voyage dans un passé éloigné de nous de près de 4 siècles.

Vasa, le navire de guerre a été construit au XVIIème siècle

Le Vasa fut commandé en 1625 par le roi Gustave II Adolphe qui souhaitait un navire de guerre hors du commun pour écraser ses adversaires et témoigner de sa puissance. Ce devait être le plus grand vaisseau de son temps, cinq étages au lieu de quatre, le plus lourdement armé (48 canons), capable de transporter 445 hommes dont 330 soldats. Un monstre né du délire d'un souverain mégalomane.
 

Gustave II Adolphe, roi de Suède



Lors de sa première sortie, le 16 août 1628, le voilier avança de quelques mètres, mais secoué par une rafale de vent, se coucha sur le côté et sombra. Quarante à cinquante personnes ne purent se dégager et périrent avec lui. Ce n'est qu'en 1961 que le navire put être renfloué.
 

La figure de proue : un lion; et le Beaupré, le mât fortement incliné sur la proue
 
 
Chaque étage du musée construit autour du bateau est consacré à une étude particulière : Les difficultés de la construction, les causes du naufrage, la recherche des responsabilités, les étapes du renflouement du navire, les techniques de restauration, de conservation. 
 
 
Maquette de la constuction du Vasa

 
Nous apprenons tout, aussi, sur les différentes parties d'un voilier, les voiles, les mâts, sur la vie des marins à bord d'un voilier... 
 
 
 



Les sabords et le porte-hauban, pièce de bois ou sont fixés les haubans, cordages qui soutiennent les mâts
 
 
Maquette de l'intérieur du navire et des métiers de marin
 
 
Maquette de la vie et des métiers à l'intérieur du navire
 
 
Reconstitution du logement des officiers
 
 
 Les voiles dont il ne reste que des vestiges n'ont pu être reconstituées...
 
 
 vestiges des voiles du Vasa

 
mais une image datant de 1626 du navire The Kronor permet  d'imaginer comment le Vasa était équipé.
 
 
Les voiles du Kronor navire de 1626

 
Les sculptures qui ornent la proue, la poupe et les flancs de Vasa sont détaillées et leur symbolique révélée.. Elle sont toutes à la gloire du roi de Suède Gustave Adolphe II et elles encouragent les Suédois à cultiver toutes les vertus dont fait preuve le roi : courage, sagesse et piété !  Il aurait dû ajouter la modestie ! Elles étaient toutes peintes de couleurs vives et d'or et le navire était flamboyant ! 
 

Une animation lumineuse permet d'imaginer le navire entièrement peint 
 
 
 
Répliques peintes des sculptures du Vasa

 
 
Mais la technique n'est pas tout ! L'humain est pris en compte aussi. Les conditions de vie des marins, des canonniers, les règles draconiennes qui les régissaient, nous permettent de mieux comprendre quelle était la vie à bord. Des animations vidéos, des maquettes, des reconstitutions mettent l'histoire à portée de l'imagination. Au sous-sol, sous la quille du navire, les squelettes des hommes et des femmes qui sont morts dans le naufrage ont permis de recréer le visage du disparu et de le vêtir grâce à la morphologie du crâne, l'étude des os, des dents, les lambeaux de tissus, les boutons, les objets retrouvés sur eux. Nous sommes au plus près de ce qu'ils ont pu être ! Le risque d'erreur existe mais ils revivent d'une manière saisissante, presque en chair et en os, devant nous! Saisissant ! Jugez plutôt ! Beaucoup d'émotion dans cette recherche muséographique !
 

Reconstitution d'un marin, victime du naufrage

Reconstitution d'un marin, victime du naufrage  



Quelques images



Vasa : le pont et les écoutilles donnant aux cales 


Le château d'arrière, logement des officiers.


Stockholm : Vasa le navire renfloué est exposé dans le Vasamuseet sur l'île de Djurgarden
Vasa, la proue, navire guerrier commandé par le roi de Suède, Gustave II Adolphe

 

La poupe du Vasa

 

 

Les sculptures (détails)



Les sabords et les haubans (détails)


En s'élevant dans les étages


Et pour mériter de participer à Book Trip et de gagner mes galons, j'ajouterai qu'il y a un roman où le personnage principal se trouve à bord du Vasa quand il coule ! Bienheureusement pour les lecteurs, il parvient à s'échapper et à poursuivre ses aventures : Olivier Truc : Le cartographe des Indes boréales ICI .



mardi 21 mai 2024

Challenge Marcel Proust : Bilan 1

 

Aifelle


Claudialucia

 


Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Combray

 
 
 

Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Un amour de Swann


Evelyne Bloch Dano une jeunesse de Proust

Céleste Albaret : Monsieur Proust

Laure Murat : Proust roman familial


Dominique

Laure Murat, roman familial

Bribes et conseils aux réfractaires


Fanja

Céleste : Bien sûr, monsieur Proust BD  Chloé Cruchaudet


Keisha

Laure Murat : Proust roman familial

Brassaï : Marcel Proust sous l’emprise de la photographie


Luocine

Laure Murat, roman familial


Miriam

Présentation du challenge Marcel Proust

Du côté de chez Swann : Marcel Proust lecture gourmande

Du côté de chez Swann : l’amour de la lecture/écriture

Du côté de chez Swann :  Combray En famille

Un amour de Swann Marcel Proust


Sandrine

Du côté de chez Swann


Quand vous écrivez sur Proust, laisser le lien vers votre billet dans mon blog en cliquant sur la vignette de la colonne de droite, en haut, challenge Marcel Proust


lundi 20 mai 2024

Maryse Condé : Tituba, sorcière

 

Maryse Condé nous l’annonce, dès le titre, Tituba, sorcière, elle va raconter l’histoire de Tituba, l’une des femmes qui a été accusée de sorcellerie lors du procès qui s’est tenue à Salem en 1692. Dénoncée par des jeunes filles de la bonne société puritaine, menteuses, affabulatrices, perverties par l’éducation répressive liée à la religion, par l’obsession du péché, et la peur du diable, Tituba n’a pas été condamnée à mort. Mais, remarque l’écrivaine, elle n’a jamais été réhabilitée non plus, comme l’ont été les autres victimes. Elle est restée un nom sur les minutes d’un procès avec une mention :  pratique le vaudou, et l’on ne sait rien de plus d’elle. Si tout le récit lié à Salem est historique et s’appuie sur des documents, le reste est  donc laissé à l’imagination de Maryse Condé.

Tituba naît d’un viol subie par sa mère Abena dans le bateau négrier qui l’amène comme esclave à la Bardade. A l’âge de quatre ans, elle voit sa mère pendue pour avoir donné un coup de couteau au maître qui cherchait à abuser d’elle. La petite, chassée de la plantation, est recueillie par une vieille femme Man Yaya qui lui apprend les vertus des plantes et les rites vaudous qui lui permettent de parler avec ses morts.

« Elle m’apprit que tout vit, tout a une âme, un souffle. Que tout doit être respecté. Que l’homme n’est pas un maître parcourant à cheval son royaume »
« Les morts ne meurent que s’ils meurent dans nos coeurs. Ils vivent si nous les chérissons, si nous honorons leur mémoire… »


Elle est bientôt reconnue et redoutée par les siens pour ses pouvoirs. Mais elle choisit bien mal son compagnon, John Indien, un esclave qui flatte les blancs pour survivre et l’abandonnera dans la détresse quand elle sera accusée. Pourtant, Tituba a accepté de redevenir esclave pour ne pas être séparée de lui quand il est vendu au pasteur Samuel Paris qui les emmène à Boston puis dans le village de Salem.

Salle d'audience au procès de Salem

 Le  livre de Maryse Condé décrit les horreurs de l’esclavage mais ce n’est pas le thème principal indiqué dès le titre : Tituba, sorcière. Ce roman fait revivre un personnage injustement persécutée pour son action de guérisseuse et revient sur la connotation péjorative liée au mot sorcière alors que, bien souvent, il s’agissait de femmes qui avaient acquis leurs connaissances dans la nature, ce qui leur permettait de soigner les maladies.  Au-delà, elle dénonce comment le savoir que Tituba utilise pour le bien et pour guérir les maladies la met à l’écart de ses semblables qui ont peur d’elle, et est détourné par les blancs au nom de leur religion. 

« Qu’est-ce qu’une sorcière ? je m’apercevais que le mot était entaché d’opprobre. Comment cela ? Comment ? La faculté de communiquer avec les invisibles, de garder un lien constant avec les invisibles, de garder un lien constant avec les disparus, de soigner, de guérir n’était-elle pas une grâce supérieure de nature à inspirer respect, admiration, gratitude ?
Elle montre combien la négation de ce savoir, est un abandon préjudiciable à l’homme de connaissances ancestrales qui ont fait leur preuve On est donc aux antipodes de la religion et sur un plan différent qui vise à réhabiliter l’image de la sorcière.
Pourtant, il faut remarquer que Tituba se venge de la maîtresse de John Indien en la rendant malade, c’est la seule fois qu’elle utilise ses connaissances pour le mal, ce qui est la cause de sa perte de liberté. On peut se demander s’il faut y voir l’idée chrétienne de la punition divine du péché. Bien sûr, il me semble que c’est très éloigné des idées de Maryse Condé et même que c’est un contresens. Pourtant, le fait que Tituba va payer l’utilisation pernicieuse de son savoir en devenant l’esclave d’un homme d’église, d’un puritain sans bonté et humanité, qui va causer son malheur, semble bien être ironique de la part de l’écrivaine.

Le  roman présente donc des questions intéressantes et fait vivre une personne doublement condamnée  en tant qu'esclave et guérisseuse.


LC initié par Miriam

 avec Nathalie Victoire

avec Aifelle ICI


vendredi 17 mai 2024

Marcel Proust : Du côté de chez Swann : Des noms de pays, le nom (III)


Dans cette troisième partie de Du côté de chez Swann : des Noms de pays : le nom, Marcel est à Paris. Il  doit partir à Venise et Florence mais la joie et l’excitation ressentis à l’idée de ce voyage  dont il a tant rêvé, lui donnent de la fièvre et le médecin lui interdit tout départ. Il n'est même pas autorisé à entendre la Berma au théâtre, ce qui l’aurait peut-être consolé.

La seule sortie permise est celle du parc des Champs-Elysées qu’il accomplit sous la surveillance de Françoise que ses parents ont pris à leur service après la mort de tante Léonie. Marcel s’y ennuie d’abord jusqu’au moment où il rencontre Gilberte et cherche à devenir son ami. Le sentiment amoureux qu’il développe envers elle ressemble beaucoup à celui de Swann pour Odette. Marcel vit cet amour comme une maladie et ce sentiment devient obsessionnel. Il souffre quand le jeune fille ne vient pas, il est jaloux de ses fréquentations, cherche à gagner sa préférence, à être distingué des autres dans son affection. Mais surtout il se torture pour connaître la réalité de son amour, pour savoir si l’image qu’il se fait d’elle n’a pas évolué et correspond bien à celle qu’il a emmagasiné dans son esprit :

Par exemple si depuis la veille je portais dans ma mémoire deux yeux de feu dans des joues pleines et brillantes, la figure de Gilberte m’offrait maintenant avec insistance quelque chose que précisément je ne m’étais pas rappelé, un certain effilement aigu du nez qui, s’associant instantanément à d’autres traits, prenait l’importance de ces caractères qui en histoire naturelle définissent une espèce, et la transmuait en une fillette du genre de celles à museau pointu. Tandis que je m’apprêtais à profiter de cet instant désiré pour me livrer, sur l’image de Gilberte que j’avais préparée avant de venir et que je ne retrouvais plus dans ma tête, à la mise au point qui me permettrait dans les longues heures où j’étais seul d’être sûr que c’était bien elle que je me rappelais, que c’était bien mon amour pour elle que j’accroissais peu à peu comme un ouvrage qu’on compose, elle me passait une balle…. 

 
Et bien, je l’avoue je ne me suis pas passionnée pour cette troisième partie. J’avais l’impression de relire avec des variantes ce qui précédait dans Un amour de Swann et les angoisses, les minuties, les souffrances, de l'amour de Marcel qui semble toujours hésiter entre le réel et le rêvé m’ont paru lassantes.
En même temps ce qui est dit sur les noms de pays m’a intéressée et c'est lorsque j'ai pu les relier à l'histoire avec Gilberte qu'il m'a semblé mieux comprendre le texte.


Proust établit une distinction entre les mots et les noms propres, ces derniers ayant le pouvoir par  leurs sonorités  de convoquer l'imagination.

Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle comme celles que l’on suspend aux murs des écoles pour donner aux enfants l’exemple de ce qu’est un établi, un oiseau, une fourmilière, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte. Mais les noms présentent des personnes — et des villes qu’ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme des personnes — une image confuse qui tire d’eux, de leur sonorité éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte uniformément comme une de ces affiches, entièrement bleues ou entièrement rouges, dans lesquelles, à cause des limites du procédé employé ou par un caprice du décorateur, sont bleus ou rouges, non seulement le ciel et la mer, mais les barques, l’église, les passants.

Les passages ( très beaux stylistiquement ) où Marcel Proust parle de la puissance des noms de pays et des villes qui, avec la musicalité de leurs voyelles ou de leurs consonnes, éveillent des images, des couleurs, des odeurs, des sensations, donnent une vision des lieux hautement désirable.

Mais j’avais beau les comparer, comment choisir plus qu’entre des êtres individuels, qui ne sont pas interchangeables, entre Bayeux si haute dans sa noble dentelle rougeâtre et dont le faîte était illuminé par le vieil or de sa dernière syllabe ; Vitré dont l’accent aigu losangeait de bois noir le vitrage ancien ; le doux Lamballe qui, dans son blanc, va du jaune coquille d’œuf au gris perle ; Coutances, cathédrale normande, que sa diphtongue finale, grasse et jaunissante, couronne par une tour de beurre ; Lannion avec le bruit, dans son silence villageois, du coche suivi de la mouche ; Questambert, Pontorson, risibles et naïfs, plumes blanches et becs jaunes éparpillés sur la route de ces lieux fluviatiles et poétiques ; Benodet, nom à peine amarré que semble vouloir entraîner la rivière au milieu de ses algues : Pont-Aven, envolée blanche et rose de l’aile d’une coiffe légère qui se reflète en tremblant dans une eau verdie de canal ; Quimperlé, lui, mieux attaché et, depuis le moyen âge, entre les ruisseaux dont il gazouille et s’emperle en une grisaille pareille à celle que dessinent, à travers les toiles d’araignées d’une verrière, les rayons de soleil changés en pointes émoussées d’argent bruni ? 

Et ce désir qui naît envers un pays, une ville, ressemble beaucoup, nous dit-il Proust, à l’amour que l’on éprouve pour une personne. Mais Marcel n'est pas sûr de parvenir à appréhender le réel pas ce biais. L’image qui se forme dans son imagination pour une ville, risque bien de se ternir au contact de la réalité ou tout au moins ne pas être à la même hauteur que le rêve et ceci est vrai pour l’amour qu’il éprouve pour Gilberte.

Mais rien ne ressemblait moins non plus à ce Balbec réel que celui dont j’avais souvent rêvé, les jours de tempête, quand le vent était si fort que Françoise en me menant aux Champs-Élysées me recommandait de ne pas marcher trop près des murs pour ne pas recevoir de tuiles sur la tête, et parlait en gémissant des grands sinistres et naufrages annoncés par les journaux. Je n’avais pas de plus grand désir que de voir une tempête sur la mer, moins comme un beau spectacle que comme un moment dévoilé de la vie réelle de la nature ; ou plutôt il n’y avait pour moi de beaux spectacles que ceux que je savais qui n’étaient pas artificiellement combinés pour mon plaisir, mais étaient nécessaires, inchangeables — les beautés des paysages ou du grand art.

Cette inadéquation entre le réel et l’imaginaire s’accompagne d’une vraie souffrance pour Marcel car il n'est jamais sûr de détenir l'image réelle de ce qu'il aime. Aussi les rencontres avec Gilberte qu'il désire plus que tout sont rarement heureuses. Il veut être convaincu de "la réalité" de l’imagination, ce qui est bien évidemment contradictoire et pour tout dire impossible.


 

LC avec Miriam


LC : La publication du billet du tome 2  A l'ombre des jeunes filles en fleurs est prévue pour le 3 Juillet. Besoin de souffler un peu ! Proust n'est pas une lecture si facile ( surtout cette troisième partie) oui, je sais, j'enfonce les portes ouvertes !  Parfois je m'ennuie parce que je trouve qu'il y a des longueurs, parfois je me fatigue et je ne peux le lire qu'en m'arrêtant souvent, parfois je m'enthousiasme et suis prise par le texte, et souvent ce texte est tellement dense que j'ai l'impression de passer à côté de beaucoup de choses.

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