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samedi 16 juin 2012

Un livre/Un film : Enigme 37






Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 37
 
Je ne vous présenterai pas cette pièce de théâtre, très célèbre, autrement qu'en vous disant : reconnaissez le texte! Certains de ces vers sont si célèbres qu'ils sont passés comme proverbes!  ils sont connus de tous mais l'on oublie parfois d'où ils proviennent.   est le nom de l'auteur et le titre de la pièce?
Pour la ricaneuse qui trouvera la question trop  facile (il y en a bien une qui se reconnaîtra!), je pose une question supplémentaire : citez trois grands interprètes du personnage principal : l'un au début du XIX ième siècle, l'autre au début du XX et un autre encore au début du XXI siècle.

 Tout ce qui brille n'est pas or
 

Beau sépulcre a vers pour trésor


On souffre autant d'indigestion avec trop, que de famine avec rien.

C'est un bon  prêtre que celui qui observe ses sermons.

La vertu de la la clémence est de n'être forcée
Et le pouvoir terrestre est plus semblable à Dieu
Quand la clémence adoucit la justice.

Oh! si les fonctions, les rangs, les charges
n'étaient obtenus par corruption  et que l'honneur clair
Fut acquis au mérite du porteur,
Combien alors seraient couverts qui sont nu-tête!
Combien seraient commandés qui commandent!

mardi 12 juin 2012

Jonathan Safran Foer : Extrêmement fort et incroyablement près





Extrêmement fort et incroyablement près  est le deuxième livre que je lis de Jonathan Safran Foer .  Avant ce roman, j'avais découvert son essai passionnant :   Doit-on manger des animaux?  qui est  une étude accablante et consternante des méfaits de l'élevage industriel en Amérique, de son inhumanité et des risques qu'il fait peser sur la santé mondiale. (voir Ici)

Extrêmement fort et incroyablement près est d'une tout autre veine. Jonathan Safran Foer s'inspire des événements du 11 Septembre  et raconte l'histoire d'un petit garçon Oskar, extrêmement savant pour son âge, passionnément curieux, d'une grande sensibilité,  qui se trouve confronté à la mort violente de son père lors de l'attentat. Comment l'enfant va-t-il réagir face à l'inacceptable? Comment peut-il faire son deuil avec le poids de cette disparition mais aussi les secrets qu'il accumule, incapable de communiquer, d'exprimer ses sentiments. Un jour, pourtant, Oskar trouve une clef en fouillant dans les affaires de son père. Il va alors mener une enquête pour savoir quelle serrure elle ouvre. Peut-être apportera-t-elle une réponse à ses interrogations? C'est surtout un moyen de partir à la recherche de la mémoire de son père à travers New York et d'accepter une mort qu'un cercueil vide n'a pu matérialiser.
Le récit de cette quête que l'enfant consigne dans ses cahiers secrets, est entrecoupée par les écrits de son grand père et de sa grand mère qui tous deux ont dû fuir la barbarie nazie et émigrer aux Etats-Unis, portant eux aussi le deuil de ceux qu'ils aiment.
Le roman de Jonathan Foer est bouleversant car il raconte à travers des générations éloignées dans le  temps les terribles conséquences de la haine et de la violence. Le grand père, muré dans le silence, est tellement marqué par l'horreur de la guerre, qu'il a refusé de voir naître son fils parce que "vivre est terrifiant". Dans une longue lettre, il s'adresse au fils qu'il n'a pas connu. En revenant aider à son petit-fils, il lui permettra de ne pas refuser la vie comme il l'a fait lui-même! La personnalité de l'enfant, petit bonhomme submergé par le chagrin, le mélange de maturité et de naïveté touchante dont il fait preuve, le rendent particulièrement attachant. Sa vive imagination qui fait de lui un inventeur loufoque et plein de génie donne au récit un aspect poétique et émouvant qui se manifeste dans les rencontres qu'il va faire au cours de son enquête. Tous les adultes semblent, au contact du petit garçon, perdre leur défense et retrouver l'innocence de l'enfance. On a toujours envie de sourire avec Oskar tant il est vif, curieux, inventif, naturel, mais on reste toujours sur le fil du rasoir de l'émotion. J'ai adoré cette tonalité entre le le rire et les larmes, cet humour léger qui n'empêche pas la gravité.
La typographie du roman, sa forme, est, de plus, déroutante :  la prose a parfois l'aspect de vers, libres, bizarrement agencés, de lignes entrecoupées, de répétitions, comme si le contrôle échappait au narrateur écrivant, que ce soit l'enfant ou les grands parents. Les ratures, les pages blanches, les fautes de frappe, témoignent de l'émotion du personnage. La présentation est accompagnée de de photographies qui prennent un poids considérable au niveau du sens quand on les regarde différemment selon l'imagination du petit garçon. Des  pages de grafittis en couleur serrent le coeur car elles témoignent de la mémoire disparue avant de prendre encore une autre  signification.... bref! le livre  est étonnant de bien des manières!
Un très beau roman et un talent d'écrivain peu ordinaire! Excellent!

Jeunes auteurs américains

Arni Thorarinsson : Le temps de la sorcière





Einar, reporter du journal du soir, a été muté dans la petite ville d'Akureyri dans le nord de l'Islande pour implanter le journal dans cette région et faire augmenter les ventes... ce qu'il n'apprécie pas particulièrement! Deux collègues l'accompagnent :  Asbjörn qu'il déteste cordialement  et son amie  et confidente, Joa, la sympathique photographe du journal, qui ne s'intéresse pas aux hommes! Pas de sexe donc, pas d'alcool car Einar a renoncé à boire! Loin de Reyjavick et de sa fille Gunna, on comprend que notre journaliste broie du noir. Le travail routinier qui lui est demandé l'ennuie, compte-rendus de réunions électorales, questions stupides pour la rubrique hebdomadaire et il ne cesse d'avoir des prises de bec téléphoniques avec le nouveau rédacteur en chef qui est resté bien tranquillement à Reyjavik, lui! Sa seule distraction réside dans son tête-à-tête quotidien avec Snaelda mais lorsque vous aurez découvert la personnalité de cette compagne, vous comprendrez qu'il y a mieux comme distraction!
Cependant deux enquêtes vont bientôt l'occuper après le décès d'une femme dans la rivière et le meurtre d'un brillant mais étrange étudiant, Skarphedinn, qui disparaît le soir où doit avoir lieu la première de la pièce de théâtre où il tient le rôle principal. Quel lien entre ces deux meurtres? A priori, aucun puisque la mort de la femme est accidentelle mais la mère de celle-ci, Gunnhildur, est persuadée du contraire. Elle accuse même son gendre d'assassinat!
L'intrigue nous entraîne donc à la suite d'Einar dans les différents milieux de la ville, à la recherche d'indices qui permettraient de comprendre ce qui s'est passé et quelle est la personnalité de chacune des victimes. L'intérêt du roman dépasse alors la seule intrigue policière puisqu'il nous introduit dans la société islandaise et nous en dévoile les maux. Le capitalisme sans morale sacrifie la beauté de la nature islandaise pour en tirer le maximum de profit. L'industrialisation sauvage saccage et pollue les sites en entraînant une immigration intense. Les immigrés exploités d'un côté, sont rejetés de l'autre par une population qui se sent envahie et défend sa culture. Le racisme et ses violences sévissent. Les jeunes, quant à eux, trompent leur ennui et leur  mal être en  buvant et en se droguant.
Un constat bien noir qui est contrebalancé par l'humour de Thorarinsson. Vous l'aurez compris, Einar n'a pas bon caractère et sa patience a des limites. Les tribulations de notre anti-héros qui pratique l'auto-dérision nous font rire. Ses rapports avec l'étonnante Snaelda ; avec  Absjorn dont il résoud les problèmes conjugaux; avec Joa qui lui souffle sous le nez la seule femme séduisante de la ville, sont réjouissants. Sa rencontre, en particulier avec Gunnhildur, la vieille dame qui lui téléphone de sa maison de retraite  pour lui faire part de ses soupçons est touchante  :
Je voudrais simplement que personne ne soit méprisé ou mis hors jeu à cause de son âge. Ca s'applique aussi aux enfants. Et aux adolescents. Tout le monde a le droit d'être écouté.
Mais elle est aussi hilarante, la veille dame ne manquant pas de caractère! Voilà comment elle présente Einar à son amie Ragna :

J'ai à mes côtés un jeune homme. Non,non, je ne le fais pas sauter sur mes genoux. Mais non, mais non... Tout ça est tellement jeune et fragile. Ma petite Ragna, je vais te l'envoyer (...) Ne te laisse pas impressionner... Il fait un peu benêt mais il n'est pas méchant. Il m'a apporté une boîte de friandises; je vais lui demander de t'en apporter une à toi aussi en le prévenant que sinon tu ne lui diras rien.

Thorarinsson signe avec "Le temps de la sorcière"  un  livre policier réussi!

Auteurs scandinaves

lundi 4 juin 2012

Départ pour Paris



Bientôt je verrai cette exposition!


Et voilà, je pars à Paris!  Mon blog sera à l'arrêt pendant quelques jours. Pas d'énigme samedi 9 Juin.

A bientôt

dimanche 3 juin 2012

Cormac McCarthy : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme réponse à l'énigme N° 36




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  Un  grand matador (hum?)  pour :   Aifelle, Eeguab,  Keisha, Nanou, Pierrot Bâton..

  le roman : Cormac  McCarthy Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme

Le film :  Les frères Coen : No country for old man (sous-titre : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme)

  Pas d'énigme la semaine prochaine car nous sommes à Paris. Rendez-vous donc le samedi 9 Juin.


Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme est le titre français du roman de  Cormac  McCarthy paru sous le titre No country for old Man, titre conservé dans la version française du film des Frères Coen.

Le récit : Llewelyn Moss est un simple ouvrier. Aussi quand il découvre sur les lieux d'un massacre à la frontière du Texas et du Mexique, une mallette contenant deux millions de dollars, il a le vertige. Et il cède à la tentation, sachant qu'il libère ainsi toutes les forces du mal et ne devra attendre aucune pitié de ses poursuivants. Commence alors une cavale tragique à travers les paysages du Texas et Moss et sa jeune femme vont bientôt se rendre compte qu'ils ont déclenché un mécanisme irréversible et fatal.

Le récit proprement dit alterne les points de vue selon les personnages, que ce soit celui de Bell , le shériff, de Moss, l'ouvier qui a fait le Vietnam, de Chigurh, le tueur fou qui opère avec un matador, pompe a air comprimé pour tuer les animaux à l'abattoir...
 Il est entrecoupé par de petits chapitres séparés du récit par la présentation graphique,  en italique, et qui résonnent comme un commentaire de l'action et une réflexion sur l'Humain. Ces passages présentent les pensées intérieurs du shérif, le vieil homme du titre, celui qui ne se sent plus adapté dans ce pays qui est pourtant le sien mais dont l'évolution l'effraie. C'est pourtant un dur à cuire, le shérif Bell, il a fait la guerre en France avant de devenir shérif du comté mais cette violence gratuite qui se déchaîne autour de lui, y compris chez les plus jeunes, le fait que la frontière entre le Bien et le Mal soit devenue si floue, le font se sentir étranger :

Aujourd'hui les gens quand on leur parle du bien et du mal il y a des chances pour qu'ils vous regardent avec un petit sourire. Moi je n'ai jamais eu de doutes là-dessus. Quand je réfléchis à des choses comme celles-là. J'espère que je n'en aurai jamais.

Ce personnage est attachant, même s'il apparaît parfois comme un vieux réac, car il n'a pas perdu le sens de l'humain. Face à lui, Chigurgh, le tueur incarne le contraire, l'inhumain. Il est l'incarnation du mal car il ne se conforme plus  à aux lois des Hommes,et n'éprouve plus de sentiments. Ce qui le rend si fascinant, c'est qu'il obéit pourtant à un sens de l'honneur tout personnel. Ce qu'il a promis, il le tient, même si c'est absurde, même si cela implique la mort de personnes innocentes. Il incarne une sorte de démiurge du Mal, jouant la vie de ses semblables à pile ou face. Il est passé dans un autre monde, un no man'sland de la conscience et de la morale. Il est l'emblème de ce pays qui n'est pas pour le vieil homme. Entre les deux, Moss incarne l'humanité moyenne avec ses faiblesses (il vole l'argent et tue pour se défendre) mais qui conserve pourtant des valeurs morales : Il refuse de tromper sa femme, qu'il aime, avec la jeune fille qu'il prend en stop; et surtout il met sa vie en danger et il en a conscience en retournant sur le lieu du massacre pour donner à boire au blessé.

Le style  de Carmac McCarhty est assez déroutant bien que je l'aie déjà rencontré chez d'autres écrivains américains. On dirait que c'est un livre qui été rédigé pour être adapté au cinéma! Le style est réduit à de nombreux dialogues entrecoupés par un récit qui peint les actions sans s'arrêter sur les descriptions. Autrement dit, le roman est presque écrit comme un scénario. Je suppose que l'adaptation au cinéma ne doit pas être difficile! Personnellement cela m'a gênée et j'ai eu du mal à entrer dans l'action. Mais l'histoire est si forte, la dénonciation de cette société si violente, que j'ai fini par adhérer totalement au récit. Il ne s'agit pas d'un thriller où le mal est décrit  seulement comme un ingrédient pour exciter le plaisir des lecteurs mais pour l'amener à réfléchir  sur la société, la perte des valeurs et plus universellement sur nous-mêmes et la fragilité des frontières qui distinguent l'humain du monstre.  Un bon roman!

samedi 2 juin 2012

Un livre/ Un film Enigme N° 36





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 36
 
Ce roman est l'oeuvre d'un écrivain américain né en 1933 qui a été couronné par des prix prestigieux comme le National Book Critics Award et le National Book Award. L'action se situe au Texas.  Le titre a été traduit en français pour le livre alors que le film affiche le titre anglais et le sous-titre français..

Il n'y a rien dans la constitution du Texas sur les conditions à remplir pour devenir shérif. Pas la moindre disposition. Il n'y a même rien qui ressemble à un règlement au niveau des comtés. Pense à un poste où tu as pratiquement la même autorité que le Bon Dieu. Et il n'y a aucune règle qui t'est imposée et tu es chargé de faire respecter les lois qui n'existent pas alors allez me dire si c'est bizarre ou pas. Parce que ça l'est pour moi. Est-ce que ça marche? Oui? Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas. Il faut très peu de choses pour administrer de braves gens. Très peu. Et les gens malhonnêtes de toute façon on ne peut pas les administrer. Ou si l'on peut c'est la première nouvelle.


vendredi 1 juin 2012

René Manzor : Les âmes rivales




Les âmes rivales sont présentés comme un thriller surnaturel. Thriller parce que vous allez vivre avec ce roman des aventures angoissantes, des péripéties violentes,  poursuites, meurtres,...  Surnaturel parce que le "psychopathe", si on peut l'appeler ainsi,  n'est pas ici un simple mortel mais un fantôme qui se réincarne au cours des siècles pour retrouver la femme qu'il  a toujours aimée mais qui lui échappe toujours, amoureuse d'un autre.
Le récit commence en Louisiane dans les années 1970 et continue à New York. Cassandre une fillette d'une douzaine d'années est poursuivie par une ombre qui dit se nommer Jahal et être un ancien guerrier amérindien.  La fillette terrifiée se confie à un prêtre qui ne peut rien pour elle même s'il cherche à la protéger. Dix ans, après Cassandre tombe amoureuse de Thomas, ce qui déchaîne la colère du fantôme qui reconnaît en lui son âme rivale, celui qui l'a toujours supplanté dans le coeur de sa bien-aimée. Et pour cette raison, Jahal est prêt à tuer! C'est ainsi que commence le récit qui se poursuit jusqu'à notre époque.
Après cela l'écrivain qui a une imagination sans faille concocte une rocambolesque histoire avec doubles réincarnations que je vous laisse la surprise de découvrir. Je vous avoue que j'ai eu du mal à adhérer au récit et même que je n'y suis pas parvenue du tout! Mais c'est de ma faute, je me rends compte que j'ai parfois du mal avec les thriller, il y a quelque chose en moi qui se rebiffe : peur d'avoir (trop) peur, peur aussi que le thriller joue un peu trop sur les tendances et curiosité morbides qui est en chacun de nous! Bref! je n'ai pas envie d'adhérer à un livre pour de mauvaises raisons alors mon esprit entre en résistance et c'est dommageable pour la bonne continuation de ma lecture! Et, en plus, un thriller avec des fantômes!  Là aussi, la réincarnation, ce n'est pas pour moi! Je n'ai pas pu marcher! Alors me direz-vous qu'est-ce que tu fabriques avec ce genre de livres? Rien du tout! C'est une erreur! Le titre m'avait plu et la première de couverture aussi avec sa belle photo du pont sous la neige et puis j'aime bien découvrir de nouveaux auteurs, enfin cela se passait à New York!
Pourtant, pour les amateurs du genre, je dois reconnaître à René Manzor des talents de conteur, son livre est correctement écrit. Donc si cela vous dit je fais de ce roman un livre voyageur pour lui donner une autre chance!




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Kero

jeudi 31 mai 2012

Premier anniversaire de Ma Librairie avec Vik Muniz à la fondation Lambert Avignon


Vik Muniz : Marlène Dietrich en "diamants"


Première anniversaire de mon blog Ma Librairie que j'ai ouvert dans blogger le 31 Mai 2011 après avoir été obligée de quitter le site Le Monde où les bugs et les spams  se multipliaient. J'ai enfin terminé de transférer tous mes billets anciens! Merci à tous ceux et celles qui m'ont suivie et aidée dans mon déménagement  et merci tous les nouvelles et nouveaux amis qui sont venus en visite ici et ne sont plus repartis et que j'ai découverts en retour!
Pour célébrer cette première année, j'ai envie de vous faire visiter l'exposition d'un artiste contemporain qui a été pendant des mois l'invité de la fondation Lambert, musée contemporain de la ville d'Avignon, et dont j'ai adoré l'univers et l'imagination. Un anniversaire avec des "diams" et Marlène Dietrich, qui dit mieux?






            WIK MUNIZ

Voilà la présentation de Vik Muniz dans le catalogue  de l'exposition intitulée : Le musée imaginaire

Né en 1961 à São Paulo, Vik Muniz, qui partage son temps entre le Brésil et New York, a une vie à l’image des Telenovelas de son pays natal. Issu d’une classe plutôt pauvre, l’artiste gagne un concours à l’âge de 14 ans et une bourse qui lui permettent pendant trois ans d’étudier le dessin dans une académie, le soir après l’école. C’est là qu’il découvre pour la première fois les classiques de l’histoire de l’art, non pas dans les musées quasi inexistants en Amérique latine à l’époque, mais à travers des ouvrages désuets ou anciens, mal imprimés ou très colorés. D’où son goût immodéré pour les études chromogéniques, découvrant que selon les livres et leurs qualités de reproduction, les chefs d’œuvre de l’histoire de l’art occidentale étaient pastels ou criards, en noir et blanc ou simplement colorisés...
Très vite, s’instaure chez Vik Muniz une méthode qu’il expérimente avec différentes tentatives au départ, jusqu’à définir un système incroyablement créatif qui fonctionne par séries et que l’exposition permettra de découvrir à travers plus de 110 œuvres.

Vik Muniz : d'après Monet (piments)
                                                                     
Tout comme Francis Alÿs ou Christian Marclay, avec Vik Muniz, c’est l’histoire de l’art qui est mise en abyme. Les références se télescopent, les chefs-d’oeuvre reconnaissables de tous sont associés à des petits bijoux que l’histoire de l’art cache et redécouvre en fonction de L’histoire de l’œil, pour reprendre le titre du très beau livre de Georges Bataille. Mais c’est André Malraux qui a été retenu dans cette bibliothèque idéale. Le Musée imaginaire est le titre de notre exposition, puisque grâce à Vik Muniz, la Collection Lambert sera un musée dans le musée abritant des Picasso et des Monet, des Goya et des Piranese, en puzzle, confettis ou sauce chocolat.


 Vik Muniz : Monstre en caviar



Monstre en Caviar (détail)

                          La Joconde en chocolat                       

                                                         Vik Muniz  objets de récupération

Oui, vous l'avez compris, Vik Muniz n'est pas un artiste comme les autres, qu'il se serve de toutes sortes d'objets provenant de décharges publiques, qu'il utilise des fleurs et du foin coupé, des épices ou du caviar, de curry, du safran ou de chocolat, des clous, des jouets ou des prismes de verre, des morceaux de puzzle ou des collages de papier, il nous ouvre un monde extraordinaire ou le Tout qui forme une image - un célèbre tableau de David, Goya, Monet, Wharol, Van Gogh et j'en passe...  - peut-être décomposé et regardé en détail livrant à l'intérieur de l'image globale d'autres petits images, d'autres objets où l'oeil se perd à l'infini. L'image s'ouvre sur une image qui s'ouvre sur... ?  C'est ludique, cela parle à l'imagination, et en plus c'est vraiment très beau! Voyez par exemple l'oeuvre suivante  et quelques détails.

Le zèbre d'après George Stubbs

Le Zèbre (Chaque détail forme un autre tableau)










Le Christ de Viz Muniz cache lui aussi un musée dans le musée :





 Vik Muniz : Le christ (détails)

PETIT JEU : Les reconnaissez-vous? Avec l'aide de matériaux de toutes sortes Vik Muniz crée son musée personnel que vous reconnaîtrez  certainement.  Je vous propose de retrouver le nom du peintre et le titre du tableau dont est extrait chaque oeuvre. Réponse à la fin du billet.

1)



















Objets de récupération
2)


















petits jouets
3)
Cendres et cigarettes
4)















Objets de récupération
5)














Puzzle

Les photographies étaient autorisées mais, comme vous le voyez, difficiles à prendre à cause des grandes baies du musée qui laissaient entrer le soleil et du verre de protection des photos. Le jeu des reflets dans les tableaux a donné parfois des effets bizarres mais que j'aime bien  parce que l'on ne sait plus où est l'oeuvre et où est la réalité :





Réponses au jeu :

1) d'après  Picasso :  La repasseuse 
2) d'après la phototographie d'Alice Liddel de Caroll Lewis
3) D'après  Caspar Friedrich : Voyageur au-dessus d'une mer de nuages
4) d' après Michel Ange : la création d'Adam (détail chapelle Sixitine)
5) d'après Seurat, La grande jatte


lundi 28 mai 2012

Wilkie Collins : Je dis non!




Je dis non! n'est  certainement pas un des meilleurs livres de Wilkie Collins et s'il n'avait écrit que celui-là, je n'apprécierai pas autant l'écrivain, mais, comme d'habitude, Collins  a su nous concocter une intrigue bien complexe avec des personnages bien sombres et une innocente (mais pas idiote)victime! Alors, inconditionnelles de  Collins, ne boudez pas votre plaisir!
Le roman a pour mérite de faire vivre et d'opposer deux mondes, celui, modeste, dans laquelle vit Emily, dans un Londres gris et monotone et celui plein de plaisirs qu'elle entrevoit chez Cécilia dont le père, M. Wyvil, est conseiller au parlement. Mais cette société, si brillante qu'elle soit, n'en est pas moins bâtie sur des hypocrisies, des snobismes et les jeunes gens y chassent la dot plutôt que le véritable amour.


Dans le rôle de la sympathique victime, je vous présente Emily  Brown, intelligente, courageuse mais orpheline et donc pauvre! Pendant l'absence d'Emily,  son père est mort d'une maladie de coeur comme le lui a assuré sa tante qui l'a élevée.  Mais l'on comprend bien vite qu'un secret plane sur cette fin mystérieuse.
 Sa meilleure amie est Cécilia, une riche et gentille jeune fille, insouciante et légère, plutôt frivole. Dans la pension de Miss Ladd où elles vivent vient d'arriver une nouvelle, peu sympathique, Francine de Sor qui sera amenée à jouer un grand rôle dans le roman.
 A côté des jeunes filles une maîtresse d'internat, Miss Jethro paraît bien connaître Emily et surtourt son père. Qui est-elle? Que cache-t-elle? Ajoutez-y encore un couple d'aubergistes mis en faillite par un meurtre qui a eu lieu dans leur hôtel et un séduisant, jeune et éloquent clergyman, Miles  Mirabel. Enfin, dans le rôle de l'amoureux, d'abord éconduit, le maître de dessin Alban Morris, dont la fortune a subi des revers, ce qui explique qu'il ait pris cet emploi dans la pension de Miss Ladd. Il veillera sur la jeune femme en parfait gentleman pendant toutes les épreuves qu'elle traversera.
Les jeunes filles ont terminé leurs études. Emily, élevée par sa tante  sans fortune,  est sur le point de prendre un emploi lorsque la mort de sa tante et  les propos incohérents que cette dernière tient pendant son agonie remet tout en cause!

Et voilà, je ne démêlerai pas plus avant les fils de cette  rocambolesque intrigue et ne vous plaignez pas si je vous laisse empêtré(e) dans cette toile d'araignée! Après tout, vous n'avez qu'une chose à faire, allez lire le roman par vous-même! Et  surtout si vous avec une liseuse Kindle, sachez que, en un quart de seconde, vous pouvez charger le roman gratuitement! C'est pas beau ça!

Challenge d'Aymeline

dimanche 27 mai 2012

Réponse à l'énigme n° 35 : Jean Giono/ Marcel Pagnol, Jofroi de la Maussan


Jofroi de la Maussan extrait de Solitude de la pitié



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  Un  grand soleil provençal pour :  Aifelle, Asphodèle, Eeguab, Dasola, Pierrot Bâton.. Pas beaucoup d'élu(e)s aujourd'hui mais merci à toutes et tous pour votre participation

la nouvelle :  Jean Giono Jofroi de la Maussan  
le recueil :  Jean Giono  Solitude de la pitié

Le film :  Marcel Pagnol : Jofroi

 

 

Texte  de Wens et Claudialucia 

 

 

Jean Giono :  Jofroi de la Maussan

La nouvelle de Giono, Jofroi de la Maussan, est tirée du recueil Solitude de la pitié, paru en 1932. L'auteur s'est inspiré d'une histoire qui s'est réellement déroulée dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Jofroi, un vieux paysan se décide à vendre son verger à l'un de ses voisins, Fonse qui veut arracher les vieux arbres pour planter des céréales. Jofroi n'accepte pas de voir disparaître les arbres qu'il a plantés dans sa jeunesse et menace de mort Fonse, un fusil à la main, s'il touche à un seul de ses abricotiers. Toutes les tentatives de compromis organisées entre Jofroi et Fonse échouent. Le vieux paysan menace et tente même de se suicider si Fonse abat un seul fruitier. Le village finit par tenir le nouveau propriétaire pour responsable de la folie de Jofroi et Fonse  tombe malade. Quand Jofroi meurt de mort naturelle, Fonse  peut enfin prendre possession de sa terre.

Marcel Pagnol :  Jofroi 1933, un film précurseur du néo-réalisme

En 1933, pour la première fois Marcel Pagnol passe derrière la caméra. Quand il  termine la mise en scène de "Le gendre de Monsieur Poirier", une adaptation d'une pièce d'Emile Augier et Jules Sandeau, les producteurs  lui demandent de réaliser un film en complément de programme, d'une durée de 30 à 40 minutes. Le choix de Pagnol se fixe sur Jofroi une nouvelle de Giono qui accorde les droits d'adaptation de son texte. Pagnol écrit le scénario et les dialogues en quatre jours. Le premier problème est de réaliser le casting, pas question de demander à Raimu de jouer le rôle de Jofroi qui apparaissait trop court pour le célèbre acteur. Après la la lecture du scénario à ses collaborateurs, Pagnol leur pose la question : "Qui voyez-vous dans le rôle principal ?"  Vincent Scotto, le compositeur de musique, alors âgé de soixante ans   répond :" Moi !". C'est sa première apparition à l'écran. Pagnol affirmera que Scotto fut plus fier de son succès dans Jofroi que du succès mondial de ses musiques.  Pour compléter la distribution, Pagnol s'entoure essentiellement de comédiens  débutants ou d'amateurs qui ignorent tout de la comédie. C'est ainsi que le rôle de Tonin est donné à un fabricant de boîtes de conserves, Charles Blavette, qui commence là sa carrière fructueuse d'acteur. Le rôle de Fonse est tenu par Henri Poupon plus connu à l'époque comme parolier de chansons que comme acteur. Le film exige, en dehors de la séquence de l'achat du verger devant le notaire, de tourner essentiellement en extérieur. Pagnol choisit son village de La Treille, les figurants sont les villageois. La beauté du film vient en partie de ce tournage en décors naturels, la Provence surgit dans l'image et dans le son direct, la caméra s'affranchit des contraintes du studio, les mouvements de caméras sont fluides. De fait, le film est un témoignage sur la vie et les mentalités de son époque.
Jofroi (comme Toni de Jean Renoir ) peut être considéré comme un précurseur du courant néoréaliste italien par l'aspect documentaire du film, par le choix de tourner en décor naturel, par l'appel à des acteurs non professionnels sur le lieu du tournage.
Pagnol avec Jofroi, construit ses thématiques, son style. Quand il aborde des thèmes sérieux, il se refuse à sombrer dans la tragédie, il préfère déclencher le rire plutôt que les pleurs. Car Jofroi traite de de sujets graves : l'amour de la terre, la vieillesse, la mauvaise foi, la calomnie, le suicide…
Un film à voir et à revoir.  

 

Marcel Pagnol et Vincent Scotto


Pagnol et Giono : problèmes d'adaptation

L'espace : Le récit se situe dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Seul le verger de la Maussan  est décrit comme pratiquement à l'abandon. Le village n'est pas présenté, les mas ne sont pas décrits. L'imprécision de ces descriptions permet une libre adaptation dans toute la région provençale.

La durée :  Dans le texte de Giono, le récit  raconté par un narrateur, (l'auteur lui-même?) s'étend sur une durée de trois saisons, on devrait donc voir le changement des saisons. Il n'est pas linéaire, car Fonse fait le récit de deux évènements antérieurs à l'action présente : l'achat du verger par Fonse quelques mois auparavant et son éviction du verger, évènement qui vient de se produire.
La question qui se pose est la suivante : Pagnol va-t-il rétablir l'ordre chronologique ou maintenir la structure du récit telle que l'a voulue Giono?
Pagnol rétablit la linéarité du récit qui commence avec l'achat de la propriété et il condense la durée. Tous les évènements s'enchaînent rapidement. L'espace temporel se réduit à une saison et le tournage est effectué en quatre semaines au village de La Treille.

Le narrateur
Chez Giono,  la nouvelle est écrite à la première personne, celle du narrateur. Celui-ci ne se contente pas de raconter une histoire mais est un des principaux protagonistes de l'action. D'abord à l'écoute de Fonse, il propose ensuite une négociation entre Fonse et Jofroi, puis il participe au sauvetage de Jofroi à plusieurs reprises. Il se sent découragé par son impuissance et s'apprête à quitter le village au moment où intervient la mort de Jofroi. Il semble impossible dans l'adaptation filmique de réduire le rôle du narrateur à une simple voix Off étant donné la place qu'il tient dans le récit!
Qui est ce narrateur? Giono ne nous donne pas de renseignements précis. Nous savons que ce n'est pas un paysan mais un "Monsieur", capable cependant de participer aux travaux des champs. Ce personnage peut jouer le rôle de médiateur parce qu'il est accepté par tous, probablement grâce à des liens de parenté avec une famille du village  et  de toutes façons par son origine locale.

Chez Pagnol, le rôle du narrateur est tenu par trois personnages imaginés par Pagnol : Tonin, sympathique paysan, plus amateur de pastis, de boules et de chasse que de travail! Le bon gros curé provençal et le longiligne instituteur laïc à l'accent pointu qui assument le rôle comique. Pour ces deux "intellectuels" de village, Pagnol crée un dialogue savoureux où les deux personnages emploient des mots qu'ils ne comprennent pas vraiment mais qui en mettent plein la vue aux autres habitants.


Pagnol et Giono : Deux univers très différents
Jean Giono a peu apprécié l'adaptation de sa nouvelle. Il a même déclaré que Marcel Pagnol avait traité son oeuvre "non en ami mais en sauvage". Giono n'a d'ailleurs jamais aimé les films que Pagnol a tiré de ses ouvrages : Jofroi , Angèle, Regain, la femme du boulanger. Cependant, pour les cinéphiles, Jofroi puis Angèle (réalisé peu après) sont deux oeuvres marquantes de l'histoire du Septième Art. Elles représentent un véritable tournant dans l'art de filmer en s'affranchissant de la dictature des techniciens de studio. Godard n'hésite pas à placer Angèle comme un des quatre ou cinq plus grands films de l'histoire du cinéma.

Mais si Giono n'aimait pas les adaptations de Pagnol pourquoi lui vendait-il ses droits si ce n'est que cela lui rapportait! En effet, les adaptations de Pagnol loin de le desservir accroissait sa popularité. Pourtant, l'univers de Giono et Pagnol est entièrement différent, provençal, certes, du même (?) pays des oliviers et des cigales, du soleil et de la sècheresse, des excès dans le climat mais aussi dans le caractère mais.. L'un est un homme des Alpes du sud, un homme des plateaux de la Haute Provence, du pays des gavots austères, durs à la tâche qui aiment la terre et la respectent. L'autre est homme de la plaine, là où la vie est plus facile, où l'on prend les choses à la légère. Pagnol est aussi un homme de la ville et l'on sait que la ville pour Giono est synonyme de corruption, de perdition. Ce que Giono reprochait à Pagnol, c'est de tourner en galéjade une histoire qui pour lui était vitale, celle d'un homme qui cherche à sauver ses arbres. Dans ses romans lyriques et  utopiques, Giono célèbre l'amour de la nature et le travail de la terre qui régénèrent l'homme, le rendent meilleur et lui apportent la joie de vivre : Regain, La naissance de l'Odyssée, Le chant du monde, Que ma joie demeure..  Giono, le chantre de la nature, n'appréciait donc pas les choix mélodramatiques, les exagérations comiques, l'univers de son ami Pagnol qui ne prend rien au sérieux et fait rire de ses personnages même si ce rire est empreint de tendresse et de complicité. On connaît, bien sûr, L'homme qui plantait des arbres. Joffroi est de la même veine. Pour Giono, cette histoire est un drame. Lorsque le Joffroi de Giono tente de se pendre, il n'est pas, comme chez Pagnol, un grand enfant qui fait des caprices et du chantage en attendant que les villageois viennent le sauver! Le Joffroi de Giono est vraiment prêt à mourir pour ses arbres qu'il aime d'amour. Avec eux, il défend un monde en train de disparaître, où le respect dû à la terre est remplacé par des considérations mercantiles, il se bat pour un monde ou les hommes sont meilleurs.

Nous avons suivi parce qu'au fond, nous sentons le gros mal de Jofroi. Nous savons que c'est une vérité, ce mal; au su et au vu de tous comme le soleil et la lune, et nous faisons les fanfarons.
On l'a dépendu et on l'a allongé au talus. Il ne dit rien; il souffle. Personne ne dit rien. La belle gaieté est partie. Les enfants sont là à se presser contre notre groupe, à regarder entre nos jambes pour voir Jofroi étendu. Plus de chansons. On entend le vent haut qui ronfle.
Jofroi se dresse. Il nous regarde tous autour de lui. Il fait un pas, et on s'écarte, et il passe. Il se retourne :
- Race de… Il dit entre ses dents. Race… Race de…
Il ne dit pas de quoi. Il n'y a pas de mots où il puisse mettre tout son désespoir.

Une histoire qui n'en finit pas.
Lors de la projection du film à Manosque, Jean Giono avait invité les protagonistes qui avaient inspiré sa nouvelle, histoire de tourner définitivement la page de l'histoire. Mais le résultat ne fut pas celui attendu:
 Quand on a donné le film à Manosque, j'avais amené avec moi à ma droite M. Redortier qui avait acheté le verger et à ma gauche la veuve de celui qui est mort de sa belle mort. Ils ont vu eux-mêmes leur propre histoire; ils ont recommencé à se disputer après, quand  le film a été fini.
 


 

samedi 26 mai 2012

Un livre/un film : Enigme n°35





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 35
 
Cette nouvelle est extraite d'un recueil publié par un grand auteur provençal. Quel est le titre de la nouvelle? Le titre du recueil? le nom de l'écrivain?

Mais mes arbres, mes arbres. Je les ai achetés à la foire de R. moi, en cinq ans, l'année que la B. m'a dit : " Nous aurons peut-être un petit", et que le gros incendie des R. lui a faussé ses couches. Ces arbres, je les ai portés de R. sur mon dos; j'ai fait tout seul : les trous, charrier le fumier; je me suis levé la nuit pour venir y allumer la paille mouillée, pour pas que ça gèle; j'y a fait plus de dix fois le remède à la nicotine et chaque bidon, c'était cent francs. Tenez, regardez les feuilles, si c'est pas sain, ça. Où vous en trouverez des arbres de cet âge, comme ça?

 

jeudi 24 mai 2012

Jean-Christophe Ruffin : Le grand Coeur





Jean-Christophe Ruffin l'explique, il a passé son enfance, à Bourges, au pied du palais de Jacques Coeur, un homme "qui lui montrait la voie" au milieu de la grisaille, un homme "qui témoignait de la puissance des rêves et de l'existence d'un ailleurs de raffinement et de soleil". C'est pour lui rendre hommage et surtout pour lui dresser un "tombeau romanesque" que Jean-Christophe Ruffin écrit Le grand Coeur avec pour but de faire vivre le personnage et de ressusciter un période historique complexe, témoin de grands bouleversements.

Le roman historique, relate, en effet, une époque charnière, riche en péripéties, celle où la France va sortir du Moyen-âge et s'ouvrir,  peu à peu, à un autre style de vie, à d'autres mentalités, une avancée vers la Renaissance. Le palais de Jacques Coeur à Bourges témoigne de ce passage, l'une des façades est encore médiévale, l'autre renaissance. La jeunesse de Jacques Coeur, issu d'une modeste famille d'artisans, se déroule en effet, sous le règne de Charles VII qui succède à son père, Charles VI le Fou. Le pays est ruiné par la guerre de cent ans avec les Anglais dont les troupes dévastent les campagnes, pillent, détruisent, tuent. Le pouvoir du roi est contesté, l'intervention de Jeanne d'Arc permet son couronnement mais le royaume est largement détruit, appauvri, encore traversé de guerres intestines. Les moeurs chevaleresques tombent en désuétude, le sentiment de l'honneur est remplacé par l'attrait de l'argent, la guerre devient plus technique, et l'on va bientôt désirer plus de raffinement, de douceur, de luxe dans la vie quotidienne des classes aisées. Or c'est par le commerce que la société va pouvoir évoluer, d'où le rôle d'un homme comme Jacques Coeur qui a voyagé en Orient, en Italie, en Flandres, en Grèce, et possède une hauteur de vue et une ouverture d'esprit exceptionnelles. Profitant de la paix, même toute relative, il va s'allier au roi pour organiser des échanges commerciaux à grande échelle, ce qui apportera une prospérité au royaume et lui permettra de réaliser une immense fortune personnelle. Mais il n'est jamais trop bon d'être plus riche que son souverain! 
L'Histoire s'allie aussi à la fiction et l'écrivain laisse son imagination suppléer en l'absence de faits historiques fondés, brodant, par exemple, autour des relations qui ont rapproché Jacques Coeur de la favorite du roi, la belle Agnès Sorel, peinte par Fouquet. Le but de l'écrivain étant de rappeler cet "homme à la vie", il dresse de Jacques Coeur  le portrait  d'un homme supérieurement intelligent, en avance sur son époque, hardi et ambitieux. A côté du personnage principal, le portrait du roi, aigri, soupçonneux, jouant de sa faiblesse physique, maladivement jaloux de son autorité,  dangereux pour ceux qui lui font de l'ombre, est une belle analyse du pouvoir et est tout aussi réussi.

Damas :
Surtout Damas comptait de fabuleux jardins. Cet art, poussé à l'extrême de son raffinement, me parut être autant que l'architecture, le signe d'une haute civilisation. Enfermés dans leurs châteaux forts, menacés sas cesse de pillages, les nobles de chez nous n'avaient pas le loisir d'ordonner les terres comme ils le faisaient de la pierre. Nous ne connaissions que deux mondes :  la ville ou la campagne. Entre les deux les Arabes avaient inventé cette nature réglée, hospitalière et close qu'est le jardin...
 Nous découvrîmes à Damas bien d'autres raffinements, en particulier, le bain de vapeur. J'en usais presque chaque jour et y ressentais un plaisir inconnu. Jamais, jusque là, je ne m'étais autorisé à penser que le corps pût être en lui-même un objet de jouissance.

Jean Fouquet : Agnès Sorel




Quand Agnès le vit, elle prit immédiatement en sympathie. Il faut dire que découvrir Fouquet au milieu de ses tableaux était la meilleure façon de faire sa connaissance. Il était étrange de voir sortir de ce personnage si désordonné et si sale des oeuvres lumineuses d'une calme beauté, d'une facture précise et d'une délicatesse de couleurs et de formes qui lui faisaient totalement défaut dans la vie. Ses portrait en particulier plaçaient ses personnages dans un monde à part, comme s'ils les avait extraits de leur réalité  pour les restituer dans le décor de leurs songes.

 Jean Fouquet : Charles VII



Fouquet s'était bien tenu devant le roi, pour ne pas indisposer Agnès, sans doute. Mais s'il avait dissimulé l'antipathie qu'il ressentait pour le souverain, son tableau, lui, en faisait l'aveu. Il présentait Charles dans le climat de de sentiments qui lui était propre : jalousie, peur, cruauté, méfiance, rien ne manquait. Heureusement une des particularités des oeuvres de Fouquet étaient qu'elles plaisaient toujours à leurs modèles, quand même elles les montraient sous un jour défavorable.




Merci  à la Librairie Dialogues et aux éditions Gallimard  pour l'envoi de ce livre.


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mercredi 23 mai 2012

Déshonorée de Mukhtar Mai, une soeur de Syngue Sabour



J'ai vu un jour au journal télévisé le procès de ce jeune homme d'origine pakistanaise qui a odieusement brûlé une jeune fille dans une banlieue française. Motif? Elle avait rompu avec lui.
Et lorsque l'on interviewe le père sur ce qu'il pense de la conduite de son fils, il répond : "il a fait une bêtise!" Une bêtise! Quel euphémisme par rapport à un tel acte de barbarie ! Mais peut-être - ai-je pensé- cet homme ne possède-t-il pas assez la langue française pour en connaître les nuances?

Or voilà qu'à la bibliothèque, sans l'avoir cherché, je tombe sur le livre de Muktar Mai exposé sur un présentoir, bien en évidence comme pour répondre à mes questions. Le livre s'intitule : Déshonorée.

Il s'agit du témoignage d'une jeune femme pakistanaise, du clan des Gujjar, Muktar Mai, condamnée par le tribunal tribal de son village à un viol collectif devant tout son village. En effet, le jeune frère de Muktar Mai a osé parler à un fille du clan des Mastoï, fermiers guerriers belliqueux, de caste supérieure, qui imposent leur loi aux Gujjar. Et qu'importe que le garçon n'ait que 12 ans et la fille 20 ans! Violée, humiliée et désespérée, la jeune fille souhaite d'abord se suicider comme la plupart des femmes de ce pays soumises à de semblables brutalités, considérées comme déshonorées, et qui ne trouvent aucune autre issue. Mais elle finit par décider de se battre et porte plainte. Dès lors sa vie est menacée. La présence d'un journaliste qui publie un article dans un journal attire l'attention de tout le pays et bientôt du monde entier sur son cas. Un mouvement de solidarité se fait jour autour d'elle. Elle est mise sous la protection de la police, c'est pourquoi elle est toujours en vie aujourd'hui.

Pour une femme qui refuse la violence et survit, combien meurent, combien sont enterrées sous le sable, sans tombe, sans respect.

Si quatre des agresseurs de Muktar Mai ont été condamnés lors du premier procès sous la pression internationale, ils ont été ensuite innocentés quelques années après, en appel. Pendant le second procès, en effet, la coupable toute désignée a été, en effet, la jeune femme!

On m'a traduit des commentaires dans la presse nationale, voulant démontrer que la femme pakistanaise n'avait qu'un devoir, celui d'être au service de son mari, que la seule éducation pour une fille devait venir de sa mère, et que, en dehors des textes religieux, elle n'avait rien à apprendre. Que le silence de la soumission.
Il apparaît sournoisement dans ce tribunal que je suis coupable de ne pas respecter ce silence.


Mais Muktar Mai (Soeur aînée ainsi que la nomme ses élèves) n'a pas abandonné son combat. Elle fait appel une fois de plus*. A l'heure actuelle, elle vit dans son village et a ouvert une école pour apprendre aux filles à lire et écrire, car seule l'instruction leur permettra de s'en sortir, espère-t-elle.

Ma petite école semblait bien menue dans ce flot de malheurs. Minuscule pierre plantée quelque part dans le monde, pour tenter de changer l'esprit des hommes.Donner à une poignée de fillettes l'alphabet qui de génération en génération ferait lentement son travail. Enseigner à quelques gamins le respect dû à leur compagne, leur soeur, leur voisine.. C'était si peu encore.

Notons que le gouvernement pakistanais accepte de payer le salaire d'un instituteur pour les garçons mais pas pour les filles!! Muktar Mai a pu construire son école et assurer le salaire des enseignants pour les filles grâce à l'aide internationale et en particulier au Canada.

Lire son histoire, c'est donc découvrir le statut de la femme en général au Pakistan :

Qu'il s'agisse de divorce, d'infidélité supposée ou de règlements de compte entre hommes, la femme paie le prix fort. On la donne en compensation d'une offense, elle est violée par un ennemi de son mari, en guise de représailles. Il suffit parfois que deux hommes entament une dispute sur un problème quelconque, pour que l'un se venge sur la femme de l'autre. Dans les villages, il est courant que les hommes se rendent eux-mêmes justice, invoquant le dicton oeil pour oeil. Il est toujours question d'honneur, et tout leur est permis. Trancher le nez d'une épouse, brûler une soeur, violer la femme de son voisin.
Alors que la sexualité est un tabou, que l'honneur de l'homme dans notre société pakistanaise est justement la femme, il ne trouve de solution que dans le mariage forcé ou le viol. Ce comportement n'est pas celui que le Coran nous enseigne.

Ou encore

Zafran Bibi, une jeune femme de vingt six ans, a été violée par son beau-frère et s'est retrouvée enceinte. Elle n'a pas renié cet enfant et a été condamnée à mort par lapidation en 2002, car l'enfant représentait une preuve de zina, le péché d'adultère. Le violeur n'a pas été inquiété.(...)
Elle ne sera pas lapidée mais risque de passer plusieurs années en prison, alors que son violeur, lui, est protégé par la loi.


Une autre femme m'attend, le visage à demi couvert par un voile usé; sans âge, épuisée par les travaux domestiques. Elle a du mal à parler. Elle montre simplement son visage, discrètement, honteuse. Et je comprends; l'acide en a dévoré la moitié. Et elle ne peut même plus pleurer. Qui a fait ça? Son mari. Pourquoi? Il la battait, elle n'était pas assez rapide pour le servir à son aise.
La moitié des femmes dans notre pays subissent des violences. Soit on les marie de force, soit on les viole, soit les hommes s'en servent comme monnaie d'échange. Peu importe ce qu'elles pensent car, pour eux, il ne faut surtout pas qu'elles réfléchissent. Ils refusent qu'elles apprennent à lire et à écrire, qu'elles sachent comment va le monde autour d'elles. C'est pour cela que les femmes illettrées ne peuvent pas se défendre : elles ignorent tout de leurs droits, et on leur dicte leur propos pour tenter de briser leur révolte..

Ce témoignage  nous rappelle donc la fragilité de la condition féminine partout  dans le monde  et la nécessité de rester toujours vigilant face à tout ce qui va à l'encontre des droits des femmes y compris dans notre pays.



*voir  l'article suivant  du 8/03/2006 qui fait le bilan de la condition des femmes  : Atlas vista : Asie du Sud: malgré Mukhtar Mai, les crimes d'honneur restent quotidiens

Un article

voir article le Figaro  15/10/2007

voir The NYTimes Novembre 2008 blog Kristof


lundi 21 mai 2012

Ian McEwan : L'enfant volé




Dans L'enfant volé, le titre explique le sujet du livre, Ian McEwan raconte le vol d'un petite fille, Kate, dans un supermarché, alors qu'elle accompagne son père. Un moment d'inattention pendant qu'il charge les courses sur le comptoir, il se retourne, l'enfant n'est plus là! C'est ce qui peut arriver de plus horrible à des parents, un cauchemar qui devient réalité! La souffrance du couple Stephen et Julie est terrible et entraîne la séparation, chacun réagissant à sa manière, et désormais incapables l'un et l'autre de communiquer, murés dans le silence et la douleur....
Le roman est assez déroutant car le lecteur s'attend à en savoir plus; c'est une frustration, en effet,  de ne pas apprendre qui a enlevé la fillette, de voir l'enquête ainsi abandonnée! Mais le sujet est ailleurs! Ce qui intéresse l'écrivain est l'analyse des conséquences sur l'individu et sur le couple d'un évènement aussi traumatisant et irrémédiable que l'enlèvement d'une enfant! Comment arrive-t-on à vivre après? Peut-on se reconstruire? C'est qu'il faut bien vivre malgré la disparition ou tout au moins paraître vivre normalement. Stephen, auteur de romans pour enfants travaille dans une commisssion nommée par le gouvernement pour traiter des problèmes de l'enfance. Ian Ecwan place donc cette étude psychologique dans un cadre social et politique bien précis. Le personnage n'est pas désincarné. La satire du gouvernement anglais et la parodie de démocratie qui consiste, par exemple, à éditer le bilan et les conclusions de la commission avant que celle-ci ne soit terminée, sont assez féroces.
A côté de Stephen et Julie gravitent d'autres personnages, ses parents d'abord, mais aussi, Charles, son ancien éditeur reconverti dans la politique. Toutes ces intrigues secondaires se greffent sur la première et donnent parfois lieu à des scènes très fortes presque hallucinantes comme lorsque Stephen accompagne Charles retombé en enfance, dans l'ascension d'un arbre vertigineux... ou fantastiques, Stephen rencontre sa mère, jeune fille, enceinte de lui... Certains épisodes paraissent constituer des entités, construites, dirait-on, comme des nouvelles ayant chacune une unité en elle-même.
Cela m'a empêchée, au début, d'entrer complètement dans le roman car l'intrigue de départ semble disparaître, se perdre dans les autres. L'écrivain paraît se disperser dans plusieurs directions même s'il n'en est rien! Le thème général est toujours celui de l'enfance volée et du temps qui passe en la détruisant. Comme Charles, nous devons tous faire le deuil de notre enfance et les parents, celui de leur enfant quand celui-ci entre dans l'âge adulte. Ainsi Stephen se souvient d'un moment où sur une plage de sable, Julie et lui avaient retrouvé leur âme d'enfants pour jouer au château de sable avec Kate,s'absorbant entièrement dans le jeu pour ensuite revenir à la vie réelle et détruire "l'enchantement" par leurs considérations d'adultes :
Stephen se disait que s'il pouvait encore agir avec cette même intensité, ce même abandon avec lequel il avait autrefois aidé Kate à bâtir son château, il serait heureux et doté de pouvoirs extraordinaires.
Un beau roman malgré les restrictions que j'ai eues sur un sujet douloureux.
Dans le cadre des noms d'auteurs en Mc